Le gendarme du logement social tacle 13 habitat pour la gestion de son patrimoine

Info Marsactu
le 20 Juin 2023
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L'agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) a analysé la gestion du patrimoine de l'office HLM satellite du conseil départemental. S'il salue les efforts de gestion, le document pointe le manque de ressources et le peu de logements neufs construits.

Les Bourrelys, une cité appartenant à 13 habitat dans le 15e arrondissement de Marseille. (Photo : LC)
Les Bourrelys, une cité appartenant à 13 habitat dans le 15e arrondissement de Marseille. (Photo : LC)

Les Bourrelys, une cité appartenant à 13 habitat dans le 15e arrondissement de Marseille. (Photo : LC)

Il y a quelques semaines, Nora Preziosi, la nouvelle présidente de 13 habitat, annonçait un plan d’investissements à quatre milliards sur 18 ans, présenté comme sans précédent par son ampleur. L’ombre portée de ce vaste plan réside dans le dernier rapport de l’agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) que Marsactu a pu consulter.

Après un rapport sévère sur la période précédente, rendu en 2017, le gendarme du social est revenu contrôler l’office HLM, adossé au département et principal organisme public de logement dans la région. Si les irrégularités soulevées sont moins nombreuses que lors de sa précédente visite, le rapport reste sévère sur le pilotage de l’organisme par Lionel Royer-Perreaut, président de 2015 à 2022, après des décennies de gestion socialiste.

Un retard “largement amplifié”

13 habitat a peu construit, peu rénové et se retrouve à la tête d’un patrimoine vieillissant avec de nombreuses passoires thermiques. Le bailleur social possède 182 logements qui ne pourront plus être loués à partir de 2025 (classés G) ou 2028 (classés F). Or, ce retard était déjà pointé dans le précédent rapport. Du fait de la faiblesse des réhabilitations entreprises, il s’est “largement amplifié”.

Le rapport revient explicitement sur ces résidences au bâti obsolète ou dysfonctionnel, qui donne lieu à des “signalements au pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne“. C’est le cas des Néréides ou du Bosquet (11e) où l’état des logements ont donné lieu à des constats des inspecteurs de salubrité de la Ville. Or, comme le reconnaît le bailleur, les urgences dans d’autres résidences sont telles que ces cités vétustes n’ont pas encore donné lieu à une programmation de travaux.

Si le bailleur réhabilite peu, il construit encore moins. “Alors que l’office possède 20 % du parc HLM du département, sa production ne représente que 11 % de celle de l’ensemble des bailleurs sociaux“, notent ainsi les rapporteurs. Le peu de logements produits est très loin des objectifs fixés par la convention d’utilité sociale du bailleur, sa feuille de route stratégique.

Mal équipé pour construire

Pour Lionel Royer-Perreaut, cette faiblesse de la construction doit être remise dans un contexte particulier “où le foncier est rare et où les maires ne sont pas très volontaires pour construire“. Le député Renaissance pointe ainsi la concurrence féroce menée par les autres opérateurs HLM, notamment privés, “qui ne sont pas tenus par les contraintes financières liées à l’obtention de garanties d’emprunts auprès des collectivités“.

Mais, si 13 habitat a construit si peu, c’est aussi qu’elle n’était pas équipée en interne pour permettre cette production, détaille le rapport. Le directeur général adjoint chargé de ce domaine assurait à lui seul l’intérim de deux sous-directeurs. Les effectifs de la direction de la maîtrise d’ouvrage qui doit assurer le suivi de ces opérations de construction neuve sont inférieurs à 50 % à ce qui est la norme dans le secteur, note aussi l’Ancols.

Quand le marché immobilier est florissant, les promoteurs ne se précipitent pas pour vous vendre.

Lionel Royer-Perreaut, président de 13 Habitat jusqu’en 2022.

Résultat, le bailleur n’a pas de stratégie foncière lui permettant d’acheter pour bâtir et il se retrouve entièrement dépendant de la promotion immobilière. Les trois quarts relèvent du Vefa, ou vente en état futur d’achèvement, qui permet aux bailleurs d’acheter les futurs HLM dans des opérations initiées par des promoteurs privés. La faiblesse de l’investissement a aussi des effets sur les ressources de l’office HLM. “Mais, là encore, nous sommes dans un secteur soumis à concurrence, reprend Lionel Royer-Perreaut. Quand le marché immobilier est florissant, les promoteurs ne se précipitent pas pour vous vendre. Maintenant que le marché est en crise, c’est un peu plus facile“.

“Faute grave de gestion”

En ne produisant pas assez de logements neufs, le bailleur ne fait pas entrer de nouveaux loyers lui permettant ensuite de financer ces investissements. Sur ce point, le contrôleur des HLM se fait sévère en pointant ce qu’il qualifie de “faute grave de gestion“. En effet, trois années durant, la capacité d’autofinancement s’est retrouvée inférieure à 3 % des recettes, le seuil d’alerte pour les sociétés HLM.

Or, la direction générale n’a pas informé le conseil d’administration de cette situation en 2020, repoussant à plus tard le plan de rétablissement nécessaire. Dans sa réponse, le bailleur explique ce retard par le changement de directeur général et la tenue des élections départementales en 2021, qui a renvoyé à plus tard la réunion du conseil d’administration. “Il a fallu que je gère le départ de mon directeur, et la crise du Covid quasiment coup sur coup, analyse l’ancien président. Cela n’a pas été simple et j’ai dû recourir à des directeurs intérimaires“.

“Une erreur” de ne pas avoir augmenté les loyers

Pour le contrôleur du logement social, le bailleur a tardé à utiliser le seul levier financier disponible en augmentant les loyers. Une décision que Lionel Royer-Perreaut dit assumer politiquement. “En prenant la tête de 13 habitat, j’avais sur ma table un rapport d’une sévérité extrême, explique l’actuel député Renaissance des quartiers Sud. Cela a guidé mon action en appliquant des règles de bonne gestion, en limitant les dépenses. Mais 13 habitat est un office HLM qui a une mission sociale. Cela passait par le maintien d’un niveau de loyer faible que j’assume politiquement avec le soutien unanime de mon conseil d’administration.

Au final, c’est Jean-Louis Ervoes, le directeur général qu’il a nommé et que sa successeuse, Nora Preziosi, a conforté, qui a finalement décidé d’une hausse de loyer. “C’est sans doute une erreur de ne pas l’avoir fait avant, reconnaît-il ainsi. D’autant plus que pour la majeure partie des locataires cette hausse est couverte par les aides au logement. Aujourd’hui, une grande partie de nos ressources est contrainte par des décisions nationales que nous ne maîtrisons pas. Le seul levier disponible est l’augmentation des loyers“.

Pour lui, la faiblesse de l’anticipation des dirigeants successifs de l’office explique l’ampleur de la tâche que sa nouvelle présidente lui a assignée. “Ces quatre milliards d’euros sur 18 ans sont une nécessité, martèle-t-il. La tâche est immense et nous avons encore à trouver les ressources nécessaires pour la financer.

Défaut de déclaration pour l’amiante et le plomb

L’Ancols pointe aussi des irrégularités en matière de contrôle du plomb et de l’amiante. 13 habitat possède 25 cités construites avant 1949 – soit plus de 2000 logements – et qui doivent faire l’objet d’un constat de risque d’exposition au plomb. Or, celui-ci n’a été réalisé que dans la moitié d’entre eux. “A minima, il devrait repérer les situations de risques au regard de la présence d’enfants en bas âge et de femmes enceintes susceptibles de développer des formes graves“, soulignent en rouge les rapporteurs.
Le même constat est fait pour l’amiante où les déclarations réglementaires n’ont été faites que dans 50 % des cas. Lionel Royer-Perreaut se dit “surpris” par ces constats sur lesquels il n’avait pas été alerté, tout en soulignant la difficulté d’intervenir chez des personnes âgées pas toujours très enclines à ouvrir leurs portes. Pour le directeur général de 13 habitat, Jean-Louis Ervoes, ces critiques relèvent de points purement réglementaires “qui ont été réglés” depuis le contrôle, réalisé au printemps 2022.

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Commentaires

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  1. Jb de Cérou Jb de Cérou

    Un beau sujet d’enquête pour Marsactu:
    combien de bailleurs HLM ont compétence sur Marseille et pourraient, au lieu de se contenter de gérer en notaire leur patrimoine, ou d’acheter en VEFA les quote parts de logements plus ou moins sociaux imposées aux promoteurs privés pour obtenir leurs PC, d’ acquérir du foncier et construire de nouveaux logements sociaux; combien savent encore bâtir?

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