Le directeur de Sciences po Aix démissionne

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le 19 Nov 2014
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Le directeur de Sciences po Aix démissionne
Le directeur de Sciences po Aix démissionne

Le directeur de Sciences po Aix démissionne

Accusé par certains enseignants-chercheurs de "brader" un diplôme d'État via des "masters illégaux", le directeur de Sciences po Aix Christian Duval a annoncé sa prochaine démission dans un courriel interne envoyé, mercredi 19 novembre. Dans ce message, il indique que le rapport d'audit, réalisé par le service d’audit interne de l’université d’Aix-Marseille, "a révélé certains dysfonctionnements dans la mise en œuvre des conventions de partenariat concernant l'une des 12 spécialités du master d’études politiques, à savoir le master Management de l'intelligence stratégique [ndlr, ce master MIS a pour intitulé management de l'information stratégique]".

"J'assume pleinement les erreurs qui ont pu être commises et j'en tire les conséquences, tout en soulignant que les décisions prises dans le cadre de la politique de développement ont toujours été inspirées par le souci de l'intérêt commun", poursuit Christian Duval, qui dirige Sciences Po Aix depuis 2006.

Le professeur de droit public écrit que sa démission "deviendra effective, à l'issue du conseil d'administration du 6 décembre, le temps que la transition puisse être organisée dans de bonnes conditions". Christian Duval avait jusqu'alors été soutenu par la présidente du conseil d'administration, la directrice du Fonds monétaire international Christine Lagarde. Mais, au fil des jours, nombre de ces soutiens avaient fini par le lâcher.

C’est désormais à la ministre de l’enseignement supérieur qu’il revient de nommer par arrêté un nouveau directeur "sur proposition du conseil d’administration". La ministre pourrait choisir de nommer un administrateur provisoire, non issu de l’Institut d’études politiques, pour remettre bon ordre au sein de l’établissement où règne depuis plusieurs semaines une "ambiance délétère", d'après plusieurs enseignants.

Une démission "devenue inévitable"

Le 30 octobre à Paris, à l’issue d’une rencontre avec Christian Duval, les directeurs des six autres IEP régionaux avaient décidé de ne pas sanctionner l'Institut et ses étudiants. Ce dernier est donc maintenu à "titre transitoire et conditionnel" dans le concours commun pour la session de 2015. Mais selon une source interne, la démission du directeur de l’IEP d’Aix "était devenue inévitable". Sur sa page Facebook, Renouveau Sciences po Aix, un collectif d'anciens étudiants, s'est félicité de ce départ : "Nous espérons que le conseil d'administration saura saisir cette opportunité pour engager l'IEP sur la voie du renouvellement : transparence, gouvernance, excellence."

Depuis les révélations début octobre de Marsactu et Mediapart sur la politique d’externalisation des masters de Sciences po Aix, Christian Duval a résilié 14 partenariats avec des organismes privés et a publié sur l'intranet des documents confirmant l'ampleur de ce marchandage tous azimuts. Pour renflouer ses caisses, l’IEP a choisi depuis 2008 de nouer de façon opaque des partenariats avec plusieurs organismes de formation privés en France et dans le monde entier (Ile Maurice, La Réunion, Suisse, Chine, République démocratique du Congo, Arménie, etc.) Ces organismes, parfois nouvellement créés, promettaient aux étudiants du monde entier l’obtention de masters de l’IEP (bac + 5) en échange de droits d’inscription substantiels.

Au fil de nos investigations, c’est un véritable "IEP bis" qui est apparu, construit autour du directeur adjoint de l'IEP, Stéphane Boudrandi. C’est via son master de management de l’information stratégique (MIS), décliné en de multiples parcours non soumis à habilitation, que s’est développé ce système exponentiel de sous-traitance de diplômes d’État. Sur 534 étudiants inscrits en 2013-2014 dans ce master, 389 ont en fait été formés "hors les murs" dans des organismes privés, dont les tarifs annuels peuvent grimper jusqu’à 23 700 euros (pour Wesford Université Genève). La Cour des comptes qui enquête sur la gestion de l'IEP depuis le printemps devrait rendre un premier rapport confidentiel dans les prochaines semaines.

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Commentaires

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  1. Ancien de l'IEP Aix Ancien de l'IEP Aix

    Et voilà, comme beaucoup le prédisait c’est fait. Reste a rebâtir la belle image de notre Maison. Au revoir M. Duval.

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  2. JL41 JL41

    Management de l’intelligence stratégique (2è paragraphe) ou management de l’information stratégique (dernier paragraphe) ?

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  3. JL41 JL41

    Les étages territoriaux du millefeuille ont recruté en 2013, malgré les restrictions de crédits. Le budget 2014 prévoit un solde global légèrement négatif des effectifs, « une quasi stabilité (81 milliards d’euros) de la masse salariale allouée aux fonctionnaires d’Etat. 10.979 postes seront créés essentiellement dans l’Éducation, la Police et la Justice, alors que 13.123 seront supprimés, essentiellement à la Défense. » : http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20130925trib000787054/budget-2014-l-etat-supprime-2.144-postes-de-fonctionnaires.html
    Science Po qui fournit un peu de son contingent de salariés à l’administration, membres de cabinet ou attachés parlementaires notamment, paraît traverser quelques crises, sans lien direct apparemment, mais la sortie de ces affaires témoigne d’un climat. Qu’ils s’agisse de l’externalisation à des fins lucratives d’un certain nombre de diplômes à Sciences-Po Aix, ou de la mise en disponibilité pour plagiat de la directrice de l’école de journalisme de Sciences-Po Paris : http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2014/11/17/la-directrice-de-l-ecole-de-journalisme-de-sciences-po-suspendue-pour-plagiat_1144633
    Selon quelques témoignages, les sortants de ces écoles auraient plus de mal qu’avant à trouver un emploi. Malgré la spécificité d’une formation en forme de couteau Suisse.
    Les débouchés vont sans doute aussi se restreindre dans les domaines de l’urbanisme, de l’aménagement et du conseil économique, qui fournissent aux collectivités locales une partie de leurs cadres.
    D’autres professions, comme les architectes, se rendent compte que leur marché ne s’étend pas au rythme de leur sortie des écoles. Sans parler des particularités de la dévolution des marchés publics dans notre région, où ce sont toujours les mêmes qui travaillent. Plusieurs articles de Marsactu, sur des initiatives où urbanistes et architectes cherchaient à se donner une visibilité, en témoignent.
    Dans le domaine de la création d’entreprise, le nombre d’initiatives, de structures d’accompagnement et d’experts, foisonne lui aussi, comme nombre d’articles de Marsactu en témoignent, voir par exemple le commentaire de Bob Aubrey (que je ne connais pas) ici : http://www.marsactu.fr/economie/french-tech-un-label-mais-pas-encore-dargent-37069.html#comment-388465
    Même si la création d’entreprise s’est faite plus réaliste, plus affutée et plus réellement orientée vers les marchés nouveaux, cet encadrement institutionnel ou subventionné est parfois superfétatoire. Diminuer le poids du secteur public ou subventionné au profit d’une économie porteuse d’emplois, se révèle être un travail de Sisyphe.
    L’université se pose-t-elle la question de cette évolution pour réduire sa production dans certains domaines et l’enrichir dans d’autres ?

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  4. Anonyme Anonyme

    Il faudrait pour assurer la transition et repartir sur de nouvelles bases solliciter d’anciens directeurs, qui ont été exclus des affaires par “l’équipe Duval”. Un retour pour quelques mois du Pr RICCI serait une vraie bonne chose. En son temps, il a beaucoup donné pour l’IEP et a insufflé une dynamique d’excellence en même temps qu’il a modernisé l’institution.

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  5. paul-rabia paul-rabia

    Déjà avec l’organisme international piza nous arrivons en 25 ème position au niveau instruction derrière la Chine le Japon la Corée fait mieux avec mon CAP je m’en tire plutôt bien à médité

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  6. Hervé Boismery Hervé Boismery

    Sans l’énergique mise en demeure des directeurs d’IEP,les révélations de Marsactu et de Médiapart, puis les manifestations des étudiants,ces agissements scandaleux auraient perduré durant des années, avec la “compréhension” des instances de tutelle (conseil d’administration de l’IEP, présidé par Mme Lagarde; ministère; rectorat de l’académie d’Aix-Marseille; présidence de l’université d’Aix-Marseille).

    En l’état actuel, il convient de formuler certaines observations :
    1) L’audit confié à l’Université d’Aix-Marseille emploie le terme édulcoré de “dysfonctionnements” pour qualifier ces dispositifs de sous-traitance de diplômes nationaux par des officines sans aucun statut ni vocation universitaire. Mais la réalité des faits est bien plus grave : il s’agit de pratiques frauduleuses, accompagnées probablement de prises illégales d’intérêt et d’irrégularités comptables, logiquement de nature à comporter des suites pénales.
    2) Le Recteur de l’Académie d’Aix-Marseille a validé, à son insu, des dizaines de diplômes nationaux de master (bac+5) n’attestant pas l’acquisition réelle des capacités par les impétrants. Dès lors, le sceau académique a été notoirement galvaudé, non seulement en France métropolitaine, mais aussi en Outre-mer et dans plusieurs pays étrangers.
    3) Présomption irréfragable, la responsabilité du Président de l’Université d’Aix-Marseille est directement engagée, puisque cette institution est la seule habilitée à délivrer les diplômes affectés de “dysfonctionnements”.

    En effet, l’arrêté ministériel du 6 juin 2012, relatif aux habilitations de l’Université d’Aix-Marseille à délivrer des diplômes nationaux (parmi lesquels le Master de “Management de l’Information Stratégique”) stipule clairement :
    “Article 3 – Le directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, le recteur de l’académie d’Aix-Marseille et le président de l’Université d’Aix-Marseille sont chargés de l’exécution du présent arrêté”.

    Phénomène préoccupant, à aucun moment, avant que n’interviennent la mise en demeure des directeurs d’IEP et les révélations de la presse, la gouvernance d’Aix-Marseille ne s’est inquiétée de l'”externalisation” des diplômes dont elle avait seule l’habilitation.
    Au total , une quinzaine de délocalisations off shore et tous azimuts (France métropolitaine, Réunion, Maurice, Maroc, Arménie,Chine, Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa…).
    Un rayonnement planétaire digne des grands empires !
    Et tout cela, en moins de deux ans !
    Difficile de prétendre ignorer cette “mondialisation”, véhiculée par un marketing souvent tapageur dans les médias et sur internet.

    “Varus, ô Varus, qu’as-tu fait de tes légions ?
    Berland, qu’as-tu fait de tes habilitations ?”

    Dans cette ténébreuse affaire, nombre de responsables ont délibérément joué les “Muets du Sérail”.
    Rappelons cependant que la loi pénale impose la dénonciation de faits délictueux aux personnes et notamment aux fonctionnaires qui en ont eu connaissance. (Code Pénal, articles 434-1 et 434-3).

    Enfin, à titre personnel, résidant à l’Ile Maurice, je puis témoigner des préjudices considérables que ces émissions de fausse monnaie peuvent causer à la crédibilité de l’institution universitaire et des diplômes français.

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  7. Jean de Souillac Jean de Souillac

    L’affaire de l’IEP d’Aix n’est pas sans rappeler un autre scandale survenu en 2009: les “faux diplômes” qui auraient été vendus à l’Université de Toulon.
    Rappelons les faits:
    1) En octobre 2009, la Ministre Valérie PECRESSE décide de placer l’Université de Toulon sous un régime d’administration provisoire et de suspendre le président de ladite université, Monsieur Laroussi OUESLATI.
    2) Des enquêtes administrative et judiciaire, aussitôt diligentées, mettent en évidence des irrégularités dans les validations des études préalables aux inscriptions de plusieurs étudiants chinois.
    3)Directement mis en cause, le Président OUESLATI, ainsi que le directeur des relations internationales et le vice-président du conseil des études, sont traduits devant les instances de de l’université de Paris IV Sorbonne, puis devant le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) statuant en matière contentieuse et disciplinaire.
    4) Le 12 juillet 2012, le CNESER édicte une sanction d’une extrême gravité à l’encontre de l’ex-président de l’Université de Toulon, prononçant sa révocation de la fonction publique et l’interdiction d’exercer à vie toute activité d’enseignement.
    5) Par ailleurs, le directeur des relations internationales et le vice-président du conseil des études sont suspendus pour une durée de trois années,sanction assortie d’une suppression de l’intégralité de leurs traitements.
    Cependant, ni l’enquête administrative, ni l’enquête judiciaire n’ont pu conclure à “une vente de diplômes”, grief par la suite totalement abandonné par le Parquet de Marseille.
    Néanmoins, les irrégularités dans les validations d’études préalables aux inscriptions d’étudiants étrangers (environ une vingtaine d’étudiants chinois) sont apparues comme des faits suffisamment graves pour justifier la révocation du président de l’Université de Toulon.
    En comparaison, l’affaire de l’IEP d’Aix apparaît singulièrement plus grave, puisque des centaines de masters (bac+5) auraient été “marchandés” en France et à l’étranger, moyennant des frais d’inscription et des commissions allant de 8000 à 24.000 euros, en contournant les procédures légales et réglementaires, sommes auxquelles il conviendrait d’ajouter probablement d’autres versements occultes.
    Dans l’affaire d’Aix-Marseille, il n’en va pas seulement d’inscriptions irrégulières, comme à Toulon, mais surtout de collations frauduleuses de titres et de grades universitaires.
    Pour que prenne fin ce trafic planétaire, il aura fallu les mises en demeure comminatoires de la conférence des directeurs d’IEP et les manifestations d’étudiants.
    Pour autant, cette affaire n’est pas close:
    1)Que vont devenir les impétrants dont les diplômes sont actuellement soumis à la signature du Recteur de l’Académie d’Aix-Marseille ?
    2)En apposant le sceau académique sur ces “vrais-faux diplômes”, le Recteur ne commettrait-il (ou n’a-t-il pas déjà commis à son insu) des faux administratifs, au sens des articles 441-4 et 441-5 du Code Pénal ?
    3)Comment apprécier la responsabilité du Président de l’Université d’Aix-Marseille, en l’occurrence la seule institution habilitée à délivrer ces diplômes ?
    4)Quel sera le sort des dizaines d’étudiants recrutés au titre de l’année 2014-2015 et qui ont déjà acquitté des sommes de plusieurs milliers d’euros à des intermédiaires privés ?
    Habitant l’Ile Maurice, je puis témoigner de l’angoisse de ces personnes recrutées en septembre 2014 et dont les familles ont versé à des sous-traitants privés des sommes de 370.000 roupies, soit 8500 euros, une somme ruineuse pour des foyers mauriciens aux revenus modestes.
    Ces personnes s’estiment à juste titre victimes de manoeuvres dolosives de la part de l’IEP d’Aix et de l’Université d’Aix-Marseille.
    Les faits sont têtus et les responsables d’Aix-Marseille auraient tort de spéculer, avec arrogance et suffisance, sur leur résignation et leur passivité.

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  8. Un ancien élève Un ancien élève

    Mr Duval n’a jamais caché son souhait de moderniser l’IEP et d’avoir pour cela besoin de nouvelles sources de revenu dont certaines écoles bien moins prestigieuses jouissent. Comment délivrer un enseignement de haut niveau avec des moyens trop limités ? C’est bien de rêver de science po (paris) et autres écoles internationalement reconnues, mais quand on a les moyens de l’université française, c’est un peu illusoire.
    J’ai plus l’impression qu’il a confié des responsabilités à des gens qui n’ont pas su s’en montrer dignes, et ça une erreur de management qui se paie quand on dirige une organisation. Dommage …
    Quant à ce déferlement des forces conservatrices qui caractérise notre beau pays c’est juste épuisant… Comme quoi on peut avoir fait l’IEP et ne pas gamberger bien loin, c’est bien plus dommageable pour l’image de la “maison” à mon sens.
    Avec l’expression de mon soutien, bonne continuation Mr Duval.

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