Le coup de boule qui fracture l’extrême droite marseillaise devant la justice
Antoine Baudino, secrétaire départemental du parti Reconquête, comparaissait lundi pour violences volontaires. Un militant RN l'accuse de lui avoir mis un coup de tête en février dernier. Un geste qu'il a tenté de contester devant le tribunal de police.
Antoine Baudino sur un marché à Rognac lors d'un tractage en 2021. (Photo : JML)
Un raffut vaut-il mieux qu’un coup de tête ? Est-il justifié d’y recourir pour régler un différend politique ? Et qu’est-ce qu’un raffut, au juste ? Voilà le genre de questions fascinantes sur lesquelles planchait le tribunal de police de Marseille ce 12 septembre. Derrière la barre, deux militants d’extrême-droite aux airs de gendre idéal, costume bleu ciel très dandy pour le prévenu, polo sombre et pantalon beige pour la victime. Pas vraiment le cliché des crânes rasés, mais il est pourtant bien question de violences volontaires.
L’affaire remonte au 11 février dernier. Pendant que Stéphane Ravier s’apprête à annoncer sa prise de distance avec le RN devant une petite foule à Château-Gombert (13e), son assistant parlementaire Antoine Baudino voyait l’arrivée d’un soutien de Marine Le Pen, Enzo Alias, comme une provocation. Après lui avoir demandé de quitter les lieux, il lui assénait un coup de tête… à moins que ce ne soit un “raffut”.
“S’il avait pris un coup de tête de ma part…”
C’est autour de cette qualification que vont tourner les débats, bien plus que sur des considérations autour du schisme Le Pen-Zemmour. Le terme venu du champ lexical du rugby est celui avancé par Antoine Baudino, entre-temps devenu secrétaire départemental du parti Reconquête. Face à lui, le président de tribunal semble peu convaincu. “Avec ma main ouverte, je l’ai repoussé”, a-t-il expliqué aux policiers lors de son audition en février, évoquant l’attitude “menaçante” de son ancien camarade de parti.
Un geste qui explique mal comment Enzo Alias a pu saigner du nez, avoir une “abrasion” au niveau de la lèvre et perdre un bout de l’émail d’une dent, le tout donnant lieu à deux jours d’incapacité temporaire de travail, tique le magistrat. “S’il avait pris un coup de tête de ma part, je pense que les conséquences auraient été plus graves, avec une déviation de la cloison nasale par exemple”, se targue presque le prévenu, sans même user de l’ironie dont il est familier.
En le touchant avec le plat de la main, ce serait moins passible de poursuites ?
Le président
En l’absence de vidéosurveillance, les conjectures restent de mise. “Je ne comprends pas, vous nous expliquez qu’en le touchant avec le plat de la main, ce serait moins passible de poursuites ?”, s’interroge à voix haute le magistrat au sujet de la stratégie de défense d’Antoine Baudino. Avant de s’exclamer : “ah, vous êtes sur de la légitime défense à ce moment-là, ok j’ai compris !” Le président ne s’attarde que quelques instants sur les invectives échangées au cours des jours précédents via Twitter où Enzo Alias attaquait le “manque de courage” de Stéphane Ravier. “C’est un différend politique, quoi”, balaye-t-il. Il souligne cependant un tweet posté par l’autre collaboratrice du sénateur datant du soir de l’altercation, saluant le “coup de tête”. “Madame Font n’était pas présente à la réunion, et pour cause, elle venait d’accoucher deux jours avant, elle était à la maternité. Elle a cru la rumeur et n’avait pas encore eu ma version”, corrige Antoine Baudino. Le tweet n’a pourtant jamais été supprimé.
Manque de bol pour le prévenu, celui qui assure avoir reçu le coup a aussi une culture de l’ovalie. “J’ai fait six ans de rugby, un raffut, ça consiste à poser sa main sur le visage pour repousser. En faisant ça, c’est impossible de casser une dent”, répond Enzo Alias sur le ton de l’évidence. Lui nie toute provocation : “quand vous avez 300 personnes qui vous sont hostiles tout autour, il faudrait être stupide”. Face à Julien Pinelli, l’avocat d’Antoine Baudino, qui lui demande avec insistance pourquoi il se trouvait sur place ce soir-là alors qu’un bureau départemental du RN se tenait en même temps, le militant loyaliste reste droit dans ses baskets. “Je préférais être sur place pour donner mon point de vue aux personnes présentes”, résume-t-il.
Panier de crabes
Julien Pinelli tente ensuite de s’enfoncer dans une brèche du dossier : l’existence d’un seul témoignage pour attester l’existence du coup de tête. “Devant les policiers, elle reconnaît qu’elle est de votre côté et est restée au Rassemblement national. Le seul témoin que vous trouvez, c’est elle !”, raille l’avocat qui évoquera dans sa plaidoirie une enquête insuffisante et un dossier “carencé”. “J’ai demandé à d’autres personnes, mais ils m’ont tous dit qu’ils rejoignaient Éric Zemmour avec Stéphane Ravier et donc qu’ils ne pouvaient pas”, lui répond Enzo Alias. Nul doute en effet que ce soir-là, à l’image du sénateur qui n’assumait pas encore son ralliement à Reconquête, personne ne jouait franc-jeu. Un autre témoin cité par Enzo Alias a refusé de parler aux enquêteurs. Il est entre-temps devenu référent du parti zemmourien pour la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône.
Le seul témoin qui prend la peine de se déplacer pour témoigner, c’est celui qui a la même version que nous.
L’avocate d’Enzo Alias
Antoine Baudino a pour sa part versé au dossier in extremis deux témoignages, l’un d’une militante proche de Stéphane Ravier et l’autre d’une habitante de la rue où se tenait le rassemblement. Des attestations “partisanes” selon l’avocate d’Enzo Alias, assurant que la première n’était pas présente au moment des faits. “Le seul témoin qui prend la peine de se déplacer pour témoigner, c’est celui qui a la même version que nous”, plaide Lisa Scemama, qui dénonce l’attitude “désinvolte” du prévenu, qui a quitté son audition avant la fin puis refusé une confrontation. “J’ai envoyé un SMS au commissaire pour lui dire que je ne pourrais pas être là à la date qu’il proposait”, se justifie Antoine Baudino, accaparé à l’époque par la campagne présidentielle.
“À mon sens, il a refusé de collaborer dans le cadre de cette enquête”, tacle à son tour la représentante du parquet, qui pointe aussi les témoins présentés par le prévenu “qui sortent du chapeau”, “quatre mois après les faits”. Elle requiert 500 euros d’amende, “en raison de l’absence d’antécédents”. Julien Pinelli demande de son côté au tribunal de ne pas “stigmatiser le casier” d’Antoine Baudino. Alors que ce dernier prend déjà de plein fouet la débâcle du pari politique d’Éric Zemmour, rester dans les annales comme l’auteur de la “Materazzi” de la politique locale, ça marquerait mal. Le tribunal rendra sa décision le 10 octobre prochain.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Materazzi n’a pas été l’auteur du coup de tête , mais la victime..
M.Baudino serait plutôt le Zidane de la politique locale;
Référence qui ne pourrait que l’enchanter.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Vous avez parfaitement raison ! C’est corrigé.
Se connecter pour écrire un commentaire.