Le bidonville de la Parette s'arrête

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le 18 Juin 2014
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Le bidonville de la Parette s'arrête
Le bidonville de la Parette s'arrête

Le bidonville de la Parette s'arrête

Bobby a tenu parole. Ce mercredi 18 juin, jour d'expulsion à la Parette, le jeune homme a déserté son logis en laissant derrière lui une grande partie des affaires de sa petite famille. Le camp ressemble à un village fantôme. Les chats errants passent d'un tas d'ordures aux lits encore faits. Arrivées à 5h30 du matin, les forces de l'ordre n'ont eu personne à "évincer". Les derniers occupants sont partis la veille pour trouver un abri provisoire notamment dans les paroisses environnantes. D'autres ont rejoint la Roumanie, les jours précédents.

Immédiatement, un rideau de CRS s'est mis en place à l'entrée du camp. Il s'agit d'éviter que la petite centaine de militants venus manifester leur indignation n'occupent le camp pour empêcher sa destruction. Le face-à-face est respectueux. Seul un clown en habit de police se fait dévêtir de son costume. Il garde son nez. La tactique policière est simple : venir tôt, occuper le terrain et faire durer en attendant que les militants soient trop peu nombreux pour s'opposer à l'arrivée des bulldozers. Cela fonctionne : aux alentours de 11 heures, il ne reste qu'une poignée de témoins pour assister au premier coup d'excavatrice sur les cabanes.

Au-delà de l'expulsion elle-même, les militants associatifs regrettent surtout qu'elle mette fin au travail de fourmi qu'ils ont réalisé auprès des habitants en bonne intelligence avec les services de l'État. "Nous ne sommes pas favorables aux bidonvilles en tant que tels mais les sites stabilisés comme celui-ci permettent un vrai travail de fond auprès de la population qui y vit, détaille Caroline Godard de Rencontres tsiganes. Ici, il y a de l'eau, des toilettes, les ordures sont ramassées. Le camp est tenu et offre des conditions de vie – on va dire – acceptables"

18 familles relogées

Le maintien de ce camp a permis le travail d'accompagnement entrepris par les associations et financé par la préfecture ainsi que la prise en charge de 18 familles soit environ 150 personnes qui vont dormir à l'hôtel ces jours prochains. "Ils y seront pour un mois environ, le temps que l'association Adoma leur trouve un logement plus durable". L'ancienne Sonacotra, historiquement chargée du logement des personnes immigrées a signé une convention avec l'État pour œuvrer à la résorption des bidonvilles au plan national. Problème, en Provence, l'équipe locale n'est opérationnelle que depuis le 16 juin. "Ils auraient pu laisser le camp en place un peu plus longtemps pour permettre une prise en charge immédiate sans nuits d'hôtel", regrette Caroline Godard. Outre cette question de délai, les critères qui permettent cette sélection sont également sujets à caution.

Caroline Godard énumère une liste non exhaustive : "La présence d'enfants scolarisés est importante tout comme les preuves d'une volonté de séjour durable en France avec la recherche d'un emploi par exemple. Nous savons aussi qu'ils prennent en compte la situation administrative et l'existence ou pas d'un casier judiciaire". Non loin d'elle, Viorel Costaches écoute. Président de l'association Prales (frères en romani), à Antibes, il est venu dire sa solidarité de Rom et campe sur place depuis plusieurs jours. Il s'oppose à la stratégie mise en oeuvre par les associations. "Hier soir, ici, il y avait des familles avec des enfants qui vont à l'école, avance-t-il. Où sont-ils maintenant ? Vous savez qu'ils ne seront pas relogés, qu'ils sont à la rue ?" Caroline Godard l'admet mais ce n'est pas elle qui choisit les familles relogées.

"Il fallait que les enfants soient là ce matin, que les médias les filment et que ces images remontent jusqu'à Bruxelles", s'emporte-t-il. "Mais des images comme ça, on n'en a vu des centaines. Qu'est-ce que cela a changé ?", rétorque la militante. Sans consigne, les habitants eux-mêmes ont préféré déserter le site avant l'intervention des forces de l'ordre. "Parce qu'ils ont peur de la police", estime Viorel Costaches. Pourtant des Roms sont présents. Ils ne sont pas des habitants du camp mais arrivent du centre-ville.

Dormir au jardin

Une famille s'est faite dépouiller de ses maigres biens alors qu'elle dormait dans le parc de la porte d'Aix. En venant ici, la mère de famille est sûre de trouver un interlocuteur pour obtenir un peu d'aide voire le financement de quelques nuits d'hôtel. "Elle a déjà bénéficié de 15 jours d'hôtel parce qu'elle sortait de l'hôpital avec une main blessée", indique Framboise de l'association Action pour la vie qui se démène au téléphone pour trouver une solution. Plus les sites sont discrets, mieux ils échappent à la vigilance policière mais aussi à celle des acteurs associatifs. C'est le paradoxe des grands bidonvilles comme celui de la Parette. Très visibles, ils deviennent le symbole d'une présence envahissante et doivent donc disparaître. Pourtant, ils permettent de mener un vrai travail d'insertion.

Sollicitée par la presse, la préfète déléguée pour l'égalité des chances finit par débarquer sur le site. Marie Lajus y répond sous les quolibets de quelques militants remontés. Elle insiste notamment sur l'égalité de traitement entre les familles roms et les autres sans domicile fixe du département et revient sur les nécessaires critères de sélection. "Les autres personnes ont été invitées depuis deux mois, soit à quitter le territoire, soit à quitter ce site, dans les mêmes conditions que d'autres personnes SDF pour lesquelles nous proposons des solutions uniquement aux plus vulnérables, aux plus en difficulté. Les ressources de ce territoire ne permettent pas de reloger la totalité des familles. Cela crée une grande tension, nous en sommes conscients".

La "vocation économique" de la Parette

Interpelée par Viorel Costaches sur l'absence de projets financés par l'Europe dans la région, la préfète revient sur cette question des moyens en pointant l'implication des collectivités locales. "L'État ne peut s'engager seul sur des projets européens". La pierre est donc jetée dans le jardin des élus locaux qui sont assez rétifs à s'engager sur ce sujet sensible et électoralement peu porteur. Quant à la communauté urbaine dont les compétences ne sont pas directement en lien avec la problématique rom, elle a décidé de l'avenir du terrain libéré lors d'une séance du bureau de MPM, le 21 février dernier. Le terrain sera vendu à la société Icade pour y implanter un "programme immobilier à vocation économique".

Quant à Bobby, il stationne sur un parking avec d'autres anciens résidents à deux pas de son ancien logement de La Parette. Avec son jeune chiot et sa poussette, il s'apprête à partir en tournée de poubelles. "On est à l'hôtel mais c'est nous qui payons", explique-t-il, plutôt pressé. Avec sa jeune femme et sa fille de cinq ans, il n'a pas obtenu le relogement espéré. Sur quel critère ? Mystère.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    enfin !!!

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  2. Anonyme Anonyme

    ces personnes des associations pouquoi ne les loges t elle pas dans leur maisons

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  3. Electeur du 5 Electeur du 5

    Triste…. Mais plus de fumées irrespirables !!!!

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  4. Anonyme Anonyme

    Chasser des êtres humains d’un lieu où vous ne voudriez pas vivre vous-même pour les pousser plus loin dans la rue en réduisant l’action sociale et d’intégration de ces gens qui était en cours.
    sans autre commentaire à cette exclamation honteuse plus bas : “”enfin!!””

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  5. Anonyme Anonyme

    YES WE CAMP !!!

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  6. jdeharme jdeharme

    Marseille, tu es née comptoir grec et tu es la porte ouverte vers les mondes de la Méditerranée. Marseille, tu t’es faite grâce aux autres. Marseille, résiste !

    http://www.lepoint.fr/societe/roms-le-j-accuse-de-louis-de-gouyon-matignon-18-06-2014-1837493_23.php

    J ai passé tant d’années à étudier pour ça, m’entourer des élus les plus dignes de la ville pour qu’ils soient libres de dire ça

    Guy Teissier sur l’intégration des Roms : “Même s’ils étaient dix, c’est encore trop”

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  7. jdeharme jdeharme

    Le 18 juin 2014, soixante-dix ans après qu’un homme a su se lever pour amener un pays et ses habitants à lutter contre la trahison des promesses non tenues, contre l’arbitraire et la violence. Soixante-dix ans après cet appel à la résistance qui fit chanter le coeur d’hommes et de femmes qui moururent pour la liberté, pour l’amour de la patrie, je plains le préfet des Bouches-du-Rhône qui, en exécutant les instructions reçues, sacrifiera l’honneur pour la paix publique, perdant son honneur et la paix publique.

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  8. Anonyme Anonyme

    On ne parle que des Roms mais la Misère à Marseille de pures marseillais ne fait que prendre du terrain. Ceux là on les oublie, des familles entières aux revenus modestes (en travaillant) attende une HLM. Mais rien, depuis des années ils renouvellent mais rien.
    Toutefois, les roms, eux, on les loge gratuitement, on les nourrit.. pendant que les autres peuvent crever dans leur coin car ils ne font pas de bruit, ils n’ont pas cette notoriété qu’ont les roms qui fait peur aux politiques. Quant aux Associations….. elles ne font qu’aggraver la situation.

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  9. Alex Alex

    Je sais que je vais être hors sujet mais je voudrais simplement dire que ma mère est retraitée avec 300 euros par mois pour vivre. Si mes sœurs et moi n’étions pas là, elle mourrait de faim. Alors quand on me demande de la compassion pour les gens qui vivent dans la rue, d’accord. Mais il faudrait aussi se préoccuper de l’autre misère, celle qu’on ne voit pas, qui est muette et dont toutes ces associations qui se soucient surtout d’être sous le feu des projecteurs ne s’occupent pas.Les petits retraités en France crèvent de misère et tout le monde s’en fout. Je propose qu’on parque tous nos vieux dans des bidonvilles et qu’on les nourrisse d’ordures : peut-être ça attirerait enfin l’attention de toutes ces “associations” et des pouvoirs publics.

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  10. Paryn Paryn

    Problème déplacé, présence importante d’autres bidonvilles, personnes relogées, malgré le manque de logement social, les associatifs et leur ya ka, question : quand va t’on faire payer toutes ces couillonnades à ceux qui nous gouvernent et leurs relais ?

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  11. Toupet Toupet

    Les associations par ci, les associations par là. Il serait grand temps que l’on regarde de près ce qui se cache derrière ces structures qui font la pluie et le beau temps, souvent manipulées par les politiques qui les aident par le biais des subventions généreusement distribuées. Rencontre Tsigane par exemple est financée par la Ville, donc par nos impôts. C’est un monde hétéroclite aux motivations variées mais grand utilisateur d’énergies inemployées par ailleurs (retraités aisés et petites bourges des beaux quartiers qui approchent ainsi la vraie vie), et de finances publiques. Paradoxalement, si on arrêtait de subventionner ces gens on aurait peut-être des sous pour ceux qui sont dans le besoin.

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  12. Mars1 Mars1

    Toujours les mêmes commentaires suite aux articles sur les Roms, et ça risque de durer encore longtemps. La misère ne fait qu’augmenter dans cette ville, et ce n’est pas en supprimant les associations qui essaient d’aider les sans abri, Roms ou autres, que les problèmes seront résolus.

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  13. Bisounours opportuniste. Bisounours opportuniste.

    Ah ! Les “commentateurs“ sont de retour. Ils me manquaient, je pratique leur étude. Et même 42% de ceux qui ont laissé leurs traces sur le site se disent heureux de cette destruction. “Justice est faite !” En prime, j’apprends que la CUM avait vendu ce terrain à Icade, pour qu’elle puisse y réaliser un programme de promotion immobilière. Sociaux ces logements ? C’est-à-dire destinés à ces personnes dont les “commentateurs“ disent que la cause est prioritaire sur celle des roms ? Mais j’apprends aussi ce jour que Mme J. Bergeron – eurodéputée du FN – quitte ce parti après avoir, avant même son élection, déclaré souhaiter que les immigrés participent aux élections locales (sous certaines conditions). Elle est pourtant dans la ligne de la “modernisation“ du FN. Alors je réfléchis à ma fenêtre :
    Valls déloge mais intègre à condition qu’il y ait emploi (ou au moins recherche), logement, scolarisation des enfants. Du coup les “commentateurs“ s’indignent “Ils passent avant les vrais miséreux, nous”.
    A part une scolarisation qui devrait être adaptée à des primo-arrivants et, vue la structure de la population concernée, favorisant l’instruction mutuelle, les deux autres conditions sont difficiles à réaliser, j’observe que toute tentative d’auto-construction est anéantie au bulldozer. Et que quand un bâtiment en dur est accessible (par squat ou légalement), on les déloge. Il existe des bâtiments et terrains vacants dans Marseille. Mais leur en louer l’usage ne vient à l’esprit de personne. Pourtant, je parie qu’ils sont capables d’aménager.
    Pour l’emploi : le temps de l’emploi facile est révolu. Créer des emplois dédiés aux roms est aussi inepte que de vouloir attribuer ce bien rare aux seuls nationaux patentés. En plus, ce serait anti-républicain. Quant à leur dire : “Allez-y, tentez votre chance“, ce serait les exposer à la discrimination. Quoique : il y a des emplois que les “français“ refusent. Reste que tant que l’exploitation sera possible, l’intégration via le salariat sera possible. Faudrait donc un patron audacieux. Pas un Tap(ie)-à-l’œil, un vrai businessmen. Quels entrepreneurs ? Quelles activités ?
    Patrons : Un rapeur issu des cités (bonne connaissance de l’exclusion + volonté de sortir de sa condition) ; un frontiste voulant démontrer que ni lui ni sont parti ne sont xénophobes) ; un humanitairoïde converti à “l’entreprise éthique“. Pourquoi pas moi ? Pas capable, mais je veux bien devenir créancier ou actionnaire. Dans tous les cas, la forme de la SCOOP est adaptée car elle moralise : défense de la propriété d’un bien, incitation au travail. Et puis elle permet d’utiliser les solidarités de clan.
    Activités possibles : recyclage des matériaux et des encombrants, réparation d’appareils et autres ustensiles de la vie moderne (une activité délaissée par Emmaüs mais complémentaire) ; commerce et investissement dans les villages d’origine (utiliser les fonds européens) ; construction de bâtiments écologiques et – éventuellement – portatifs (il existe des marchés à l’exportation d’un tel savoir faire) ; branchement sur les besoins de la population locale, et ils sont énormes : gardiennage et médiation, aide aux personnes âgées (transport collectif à la demande p. ex. mais pas aide à domicile, faut pas délirer ; on peut aussi utiliser leurs compétences agricoles pour promouvoir une agriculture de jardinage urbain ; etc
    Ce qui manque, c’est un encadrement sortant de la problématique de l’assistanat et des autorisations (pas des subventions à fond perdu ; les aides à la création d’entreprise existent déjà) notamment d’installation pérenne. Mais je me dis qu’on ne m’avait pas attendu pour penser tout cela et que c’est de l’utopie. Ah ! Bon. Dommage.

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  14. Pierre Marie Pierre Marie

    Bravo pour l’expulsion, mais il est scandaleux que les marseillais paient le relogement de 150 roms.
    Il suffirait de supprimer les subventions de ces associations pour arrêter l’augmentation de nos impôts locaux.

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  15. Paul RABIA Paul RABIA

    Monsieur 25+25+25+30+25+40+50 à la fin cela fait beaucoup si ils se sent persécuter dans leurs pays d’origine pourquoi ne pas leur accorder le statut de réfugier ainsi nous pourrions poursuivre au tribunal pénal international et à la cour européenne des droits de l’homme le pays qui les persécutés et demander le remboursement des 3 milliard que la Roumanie à toucher en 10 ans.

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  16. Paul RABIA Paul RABIA

    Entièrement d’accord

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  17. Paul RABIA Paul RABIA

    Monsieur vous allez à la sécurité vous avez pris un ticket cela fait 1 heure que vous attendez puis quelqu’un passe devant vous qu’elle serait votre réaction il y a des gens qui bossent depuis des années on leurs rabâche votre viendra (pour un logement hlm)

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  18. Anonyme Anonyme

    Ce M. Rabia qui s’est découvert récemment une passion pour les commentaires sur Marsactu pourrait-il éviter de répéter deux ou trois fois chacune de ses contributions bas du front ? Les lire une fois demande déjà un gros effort…

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