La Villa Méditerranée en porte-à-faux avec la culture

À la une
le 23 Avr 2014
17

Les lendemains de Marseille Provence 2013 ne chantent pas tous. À la Villa Méditerranée, la culture n'aura été qu'un amour de passage. Le but n'est pas de concurrencer le Mucem ou même le musée Regards de Provence voisins. Mais que faire alors du lieu ? Bernard Latarjet vient de rendre un rapport sur son avenir au président de la Villa qui est aussi celui de la région. Selon Le Canard enchaîné, l'ancien patron de Marseille Provence 2013 est "le sixième ou septième" expert à plancher sur le devenir d'un bâtiment qui a coûté un peu moins de 60 millions d'euros à la région, seule à s'être embarquée dans cette affaire. Mais le cabinet du président garde pour l'heure jalousement le compte-rendu de l'audit. Nombre d'élus de la majorité n'en ont toujours pas connaissance et l'auteur refuse de commenter "un document qui appartient désormais au conseil régional".

La question existe depuis la création de la Villa qui ne peut être qu'un "geste architectural". Pensé depuis 2002, "le lieu de softpower" comme aime à le définir Michel Vauzelle a bien du mal à rester à flot. Dans l'opposition de droite, on raille la folie des grandeurs du président : "Les trop rares initiatives « diplomatiques » nous coûtent très cher. Nous voulons que cette structure soit recadrée et utile", explique-t-on encore aujourd'hui au groupe UMP-UDI "Notre région doit changer". De même, les écologistes se sont toujours montrés très réservés sur le projet jugé démesuré pour une collectivité qui vote année après année des budgets serrés. Et parmi les soutiens à l'initiative, il ne faut guère pousser certains interlocuteurs pour qu'ils raillent "la Villa Vauzellia". En rupture de ban, l'ancien président du groupe socialiste Robert Alfonsi évoque "le gigantisme" du projet : "Le budget est très très lourd, autour de 8 millions d'euros [en réalité, 7,5 millions d'euros, ndlr] et ça devient très compliqué à assumer. Faire des choses comme celles-là, cela donne du grain à moudre à ceux qui pensent qu'il y a encore de l'argent à prendre aux collectivités locales."

"MP 2013, une parenthèse rêvée"

Ses promoteurs jurent aujourd'hui que ces atermoiements appartiennent au passé : la Villa va essentiellement développer son rôle diplomatique, s'attacher aux congrès et réduire son ambition culturelle. Pour en savoir plus sur les perspectives, il faut alors s'en remettre aux divers témoignages qui orientent l'avenir de la Villa. Son vice-président Bernard Morel reste assez vague même s'il esquisse un changement d'orientation : "La Villa était jusqu'à présent organisée avec un parcours lié à MP 2013, ce qui a d'ailleurs un peu masqué son objectif initial. Cela va devenir plus un lieu de rencontres avec des pays de la Méditerranée." Joëlle Faguer, conseillère régionale EELV déléguée à la solidarité internationale la voit devenir "le centre de notre diplomatie des territoires dans la lignée du rapport Laignel et des orientations portées par l'ancien ministre [EELV] en charge du développement, Pascal Canfin".

Le directeur de la Villa, François de Boisgelin est lui plus explicite : "Compte tenu de la montée en puissance des réceptions, des séances de travail, les formes culturelles très consommatrices de temps et d'espace sont amenées à se réduire très clairement. On privilégiera des formes qui visent des publics plus ciblés, notamment les plus jeunes. Le porte-à-faux restera lui un espace libre dans lequel on pourra continuer à accueillir des réunions, des petits débats ou des ateliers."

Concrètement, les grandes expositions de l'année 2013 qui pouvaient coûter plusieurs centaines de milliers d'euros sont à oublier. L'équipe de 30 personnes avec quelques contractuels, qui ne bougera pas selon le directeur, devra s'adapter. "Il y a eu des scénographies importantes, des programmes à fort investissement. Le président de la Villa m'a demandé d'avoir des propositions publiques qui nécessitent un moindre investissement, d'avoir des choses plus rentables entre guillemets", confirme de Boisgelin. "Il y a eu une concurrence vertueuse et naturelle entre les deux types d'événement", légende Philippe Cichowlaz, directeur général adjoint du pôle Europe et international à la région. Et visiblement, la culture a perdu : MP 2013 aura été "une parenthèse rêvée pour faire rayonner la métropole marseillaise".

Le député Vauzelle en soutien du président Vauzelle

En écho à cette nouvelle stratégie, François de Boigelin présente un agenda 2014 bien rempli. Ce vendredi par exemple, des experts plancheront sur l'efficacité énergétique. En Méditerranée bien sûr. "Ce sujet est le seul qui intéresse vraiment Vauzelle, il rêve d'y poursuivre sa carrière, souffle un élu du groupe socialiste. Ça se ressent parfois au quotidien à la région mais, pour la Méditerranée, il se démène." L'homme ne ménage effectivement pas sa peine pour donner du relief à son institution à tel point que son ambition personnelle et celle du bâtiment semblent se confondre. Dans le rapport remis au président de la République pour une "Méditerranée de projets" le député en mission Vauzelle donne un sacré coup de main au président Vauzelle : il cite pas moins de neuf fois son cher porte-à-faux.

Vendredi, le président de la région présentera en séance plénière du conseil régional une "stratégie de coopération internationale de Provence-Alpes-Côte d’Azur" marquée par un recentrage sur l'espace méditerranéen. "Les neuf propositions tracent un chemin à l’action internationale de notre région qui doit les transformer en actions opérationnelles proches du terrain et des attentes des sociétés, dans ses domaines de compétence et en s’appuyant sur ses savoir-faire. La région s’est, dans cet objectif, dotée en 2013 d’un instrument appelé à devenir le pivot de sa politique méditerranéenne, la Villa Méditerranée", affirme le document de présentation que nous nous sommes procuré. L'objectif poursuivi est clair : "affirmer la place de notre région comme tête de pont de la politique méditerranéenne de la France". "Les printemps arabes ont complètement rebattu les cartes de la gouvernance méditerranéenne. Notre Région, unie à cet espace par une communauté de destin, doit, à son niveau, actualiser et inventer de nouvelles réponses", justifie le même document.

Un service interministériel à la Villa ?

Aux yeux de Michel Vauzelle, cela doit s'accompagner d'un symbole : l'installation dans les murs de sa Villa d'une antenne de la Direction interministérielle à la Méditerranée, née sur les cendres de l'Union pour la Méditerranée. L'hypothèse est inscrite noir sur blanc dans le point 8 du rapport Vauzelle. Elle a depuis lors prospéré aux dires des différents acteurs. Si la Dimed n'a pour l'heure pas répondu à nos questions, Philippe Cichowlaz confirme qu'"il s'agit effectivement d'une possibilité aujourd'hui à l'étude".

La prudence reste de mise pour de nombreux bons connaisseurs du dossier. Et la pierre d'achoppement, si elle n'est pas politique, pourrait bien être pratique. La place dans le "C" à moitié immergé dessiné par Stefano Boeri et Ivan Di Pol est limitée tout comme les déplacements forcément contraints dans la verticalité. "C'est un geste architectural mais aussi quelque chose qui n'est pas toujours fonctionnel et cela aussi coûte cher", note l'élue écolo Joëlle Faguer. "Nous disposons de deux fois 160 mètres carrés pour des bureaux supplémentaires", estime de Boisgelin. "Il ne faut pas les gâcher et les garder pour ceux qui lui donnent du sens", embraye Cichowlaz. Cette arrivée tant souhaitée permettrait aussi de partager avec Paris la lourde facture de la Villa. Et peut-être de calmer la fronde dans l'hémicycle régional.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. zaqsa200O zaqsa200O

    Rien ne presse….s’agissant ,à l’origine,de financements publics,on a tout le temps pour trouver une attribution à ce bâtiment abracadabrantesquement inutile !!!!

    Signaler
  2. Mistral Boy Mistral Boy

    On construit d’abord et après on se demande ce que l’on met à l’intérieur… on marche sur la tête.
    60 millions + 7.5 par an ! combien de logements, d’écoles, de gymnases, de piscines… on pouvait construire avec tout cet argent.
    Et la maison de la Région sur la Canebière, elle sert à quoi ? Elle coûte combien ? Combien de visiteurs par an ? et le Frac y a combien de visiteurs par an ?
    Michel Vauzelle, le président des coquilles vides…

    Signaler
  3. Anonyme Anonyme

    En ce moment, la suppression de la clause de compétence générale des collectivités est en cours de discussion…les régions pour l’heure n’ont pas de compétence obligatoire “internationale” même si pour les questions de transports et d’économie cela peut avoir un sens (lien avec l’italie, gestion des port-aéroport, ligne ferrovière…). Sur l’objectif de rayonner au delà des frontières régionales cela me laisse perplexe en tant que contribuable…

    Signaler
  4. Mic du 5eme Mic du 5eme

    Le bati souffre de la proximité du Mucem, il en devient laid
    le bati est cher à l’entretien et peu fonctionnel
    et n’a pas de destination bien ciblé

    Bref, chaque élu qui n’a pas voté contre cette élucubration,
    a gaspillé les sous de la région…
    Mais, ainsi est l’électeur de la région qu’il va revoter pour les mêmes ou presque,

    au total, oui, ce bâtiment me rend encore plus triste que furieux

    Signaler
  5. Tabula rasa Tabula rasa

    Et sinon la détruire, ça ne reviendrait pas moins cher ? Pour redonner le champ libre au Mucem, surplomblant en paix le J4…

    Signaler
  6. Trinita Trinita

    Et la Chambre Régionale des Comptes elle mettra son nez quand dans les comptes du Conseil Régional ? C’est fou le nombre de projets qui ne servent à rien qui ont pu être lancés par Vauzelle durant ses mandats.

    Signaler
  7. mercader mercader

    La folie des grandeurs d’un élu qui voulait être ministre des affaires étrangères et qui se paye son quai d’Orsay avec l’argent de la Région au moment où on demande de sacrifices aux citoyens . Si son parti le représente la gamelle sera monumentale !

    Signaler
  8. Trésorier Trésorier

    Beau geste architectural d’un président mégalo.
    Après le CR de la porte d’Aix, le bâtiment de la Canebière, le bâtiment du boulevard de Dunkerque…..
    On fait un truc inutile et après on se demande comment le remplir….
    Et si on le vendait ?
    Et si on le donnait ?
    Et si on le rasait ?
    Les relations internationales ne sont pas compétences des régions. Il faudrait que le très ancien ministre des affaires étrangères de Mitterrand atterrisse enfin sur terre, arrête de dilapider notre argent pour tenir un standing hors de portée de nos bourses et des compétences régionales.

    Signaler
  9. Lagla Lagla

    Il faut rétablir les choses. Un certain nombre de commentateurs parlent sans avoir cherché la bonne information. Le problème de la Villa Méditerranée est simple :
    1) le bâtiment existe. C’est le plus grand volume d’expositions de Marseille. Il est utilisable.
    2) si, actuellement, son contenu pose problème, c’est parce que les conclusions du comité de pilotage n’ont pas été prises en compte. Il es inexact de dire que la question de son contenu n’a pas été traitée avant la construction. Un comité de pilotage, composé de personnalités indépendantes, y a travaillé durant plusieurs années, veillant à ce que le bâtiment corresponde au contenu qu’il suggérait. Le problème est qu’il y a eu revirement. Il suffit de revenir aux conclusions d’origine.
    3) concernant le contenu, il s’agissait de faire “une maison de quartier de la méditerranée”, où l’on sente “vibrer” la méditerrannée, que l’on voit des webcams d’Alexandrie, Athènes, Alger, et au Marseille redevienne le centre politique culturel de la méditerranée. On était à l’époque du lancement de l’Union pour la Méditerranée.
    4) l’arrêt du projet méditerranéen (sous les coups des Allemands et des USA) a affecté le projet de Vauzelle. Mais pas seulement lui. Les projets économiques de Barcelone et de Milan sont aussi plombés. Est-ce que ce la veut dire qu’il faut tout arrêter, participer aux financements d’infrastructures à Hambourg, Berlin, Londres ou Amsterdam ? Ou bien faut-il simplement arrêter que les méditerranéens, et notamment les marseillais se dénigrent sans cesse, avec ignorance et stupidité ?
    5) dans ce contexte difficile, il faut certes recadrer le projet (le contenu), mais en gardant en tête ses atouts. Le problème majeur est qu’ici, chacun joue perso. Il faut ouvrir la gestion du projet aux autres collectivités, mutualiser ces infrastructures, penser collectif. C’est sans doute le défi le plus difficile…

    Signaler
  10. Anonyme Anonyme

    Le maire veut un casino, voilà l’endroit rêvé avec un resto en haut vue sur mer imprenable et discothèque branchée au sous sol, au moins l’argent englouti dans cette construction servirait à tous

    Signaler
  11. Manipulite Manipulite

    A quoi sert le porte-à-faux de Vauzelle ? A gâcher la vue du Mucem.
    Encore un exemple de la gabegie des élus locaux. Il faut dire que les contribuables paient cher la frustration de Vauzelle de ne pas être Ministre des Affaires Etrangères.Comment a-t-on pu laisser agir seul un potentat local qui a réussi à faire passer un projet de 5 millions d’€ à 70 millions d’€ pour en faire une coquille vide? Sans oublier les malfaçons lourdes du bâtiment dont personne ne parle. Pendant ce temps les TER de la compétence de la Région sont toujours en retard ou inexistants, les dortoirs et cantines des lycées attendent toujours des travaux…

    Signaler
  12. cani cani

    Il s’est “payé sa danseuse”
    maintenant il faut l’entretenir !!!!

    Signaler
  13. José 2014 José 2014

    A croire que la vraie originalité de cette Villa Vauzella est d’être constamment l’objet d’interrogations mutiples… depuis même ses débuts ! Cf le procès en plagiat architectural qui est toujours en cours et qui malgré cela a curieusement disparu de l’actualité locale… Que font donc les journalistes, plus que vaillants à Marseille comme chacun le sait… ? Ce lieu est depuis le début un joujou à la gloire du Président Vauzelle qui voulait s’offrir une vitrine politique sur le dos des contribuables régionaux. Et vlan ! Quelques mois à peine après que MP 2013 se soit terminée [ Jean-François Chougnet où êtes-vous ? Que faites-vous ? Où sont vos bilans ? Quel aura été votre juteux salaire et à combien se monteront vos juteuses indemnités post MP 2013 ? ], on parle d’abandonner la dimension culturelle de la Villa Vauzella. Et de transformer le lieu en un mystérieux centre de congrès… Pardon pour l’expression, mais comment un tel “foutage de gueule” est-il possible à la barbe de tout le monde ?

    Signaler
  14. urbaniste atterré urbaniste atterré

    A quoi peut bien servir La Villa “Vauzellia” ?
    Pauvre peuple naïf…
    Oh gloire à toi notre grand gourou régional !
    La vieillesse (de nos élus) est un naufrage.
    Et il y a une brochette d’urbaniste et de techniciens de toutes sortes qui ont cautionné ça.

    Signaler
  15. Lydia frentzel Lydia frentzel

    Non comme un syndicat d’initiative sous forme de coopérative par exemple et de service public pour enfin répondre à la jeunesse marseillaise. Comme une office du tourisme ou l’on trouverai toutes les réponses aux questions que l’on se pose mais seulement réservée à la jeunesse, en regroupant par exemple, sous forme de groupement d’intérêt public des services publics itinérants concernant les jeunes seulement. C’est pour cela que je dis à inventer tous ensemble!!!! Pour qu’ils trouvent enfin des réponses. Et ça à ma connaissance ça n’existe pas.

    Signaler
  16. AMER AMER

    ça coûterait vraiment cher, de détruire cette horreur inutile qui en plus gâche l’espace autour du MUCEM?
    je l’ai visité il y a quelques semaines, il y avait plus de personnel que de visiteurs…
    on aurait pu faire combien de crèche avec l’argent englouti là-dedans?

    Signaler
  17. piéton en colère piéton en colère

    A côté du bilan financier et d’activités qui tarde un peu trop de Mp 2013, il faudrait que le CR nous communique son bilan également financier et d’activités. J’avais déjà souligné en tant que simple citoyen cette inconséquence régionale doublée d’une prouesse technique sans fondement…Voilà le résulat après la “communication” vauzélienne du début ” Ici c’est chez vous”…
    Que l’on ne s’étonne pas après du changement de majorité régionale !!!

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire