La privatisation de la SNCM, un "gâchis épouvantable"

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le 11 Déc 2013
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La privatisation de la SNCM, un "gâchis épouvantable"
La privatisation de la SNCM, un "gâchis épouvantable"

La privatisation de la SNCM, un "gâchis épouvantable"

Pour les députés, la justice n'aurait rien à se mettre sous la dent dans le dossier SNCM. Pour les neuf membres de la commission d'enquête parlementaire qui se sont penchés sur les conditions de privatisation de la compagnie en 2005-2006, aucune "connivence" n'est mise en lumière. "Ce n’est pas forcément ce qu’on aurait pensé au départ", a précisé à l'AFP le rapporteur Paul Giaccobi, par ailleurs président du conseil exécutif de Corse.

Le rapport de 108 pages, que Marsactu publie en intégralité ci-dessous, se montre toutefois sévère sur la gestion de la compagnie :

Sur le plan financier, cette affaire a coûté plus de quatre cents millions d'euros à l'État, fait peser un risque considérable sur de grandes entreprises, sur l'État et sur la collectivité territoriale de Corse, et a permis à un partenaire financier de se retirer en toute légalité avec une plus-value de soixante millions d'euros.

Une version qualifiée de "scandaleuse par son manque d'objectivité" par le premier adjoint au maire Roland Blum qui a bien noté que la commission comptait en son sein quatre députés de gauche du département : François-Michel Lambert, Avi Assouly, Henri Jibrayel et Patrick Mennucci. "La privatisation partielle de la SNCM, reprend l'élu de droite, a eu le mérite de faire vivre pendant 9 ans 2 500 familles à Marseille et en Corse et un millier de familles issues des entreprises sous-traitantes." L'UMP a d'ailleurs déposé une contribution au rapport soulignant que "le précédent gouvernement avait cherché des solutions pour éviter une mise en liquidation possible de la SNCM. La continuation d'activité leur paraissait une priorité absolue". Si la période étudiée est celle du gouvernement Villepin, la commission se garde bien de lui attribuer l'unique responsabilité des difficultés de la compagnie. "Force est de constater qu'au long des décennies ayant précédé la privatisation, l'État n'a jamais su, ou plus exactement voulu, définir et conduire un véritable projet industriel concernant la SNCM", estime le président Arnaud Leroy, député PS des Français de l'étranger.

Veolia, le partenaire industriel appelé à la rescousse pour compléter le profil financier du fond Butler capital partners, n'est pas plus épargné. "L'inaction déroutante de Veolia dans une société pourtant en difficulté a été constatée par tous", résume le document. D'autant plus que, seul actionnaire privé à la barre à partir de 2008, la société a fait face à "des concurrents déterminés et bien armés" et "une insécurité juridique problématique".

La multinationale n'a pas été ruinée par son intervention : la compagnie a vendu sur les fonds de départ de l'État – 140 millions d'euros destinés à couvrir les pertes futures – et les ventes d'actifs comme le siège. "On comptait sur le fait que nos clients nous en seraient reconnaissants un jour, a confié le PDG de Veolia de l'époque, Henri Proglio. À défaut de profit financier, nous tirerions de l'affaire l'image d'une entreprise responsable." Ses clients étant, on l'aura compris, les collectivités, en particulier à Marseille où elle n'est pas maltraitée en cumulant marché de l'eau, gestion des déchets, desserte du Frioul…

Le mythe de "l'éternel retour"

Le travail des députés alterne entre thriller technico-financier pour lecteur bien accroché, feuilleton social entre réunions au bistrot et intervention du GIGN, et série de témoignages de grands pontes. S'y croisent un ancien premier ministre, les actuels patrons d'Orange et d'EDF, un financier au nom américain mais certifié énarque, un syndicat proche des nationalistes corses… Au fil des analogies, Jacques Saadé fait même une apparition, tant la privatisation de la CGM qui deviendra la CMA-CGM d'aujourd'hui présente des similitudes avec le dossier. Les deux compagnies appartenaient d'ailleurs à la même holding étatique.

Au terme de leur examen, les députés se font lyriques. En février 2011, Marsactu penchait pour une version du mythe de Sisyphe, eux préfèrent "le mythe nietzschéen de « l'éternel retour »". Avec cette remarque : "Nous en sommes aujourd'hui au même point qu'en 2001 ou qu'en 2006, s'agissant de la situation de la SNCM." Seul espoir pour eux : que ces 108 pages servent de leçon à tout le monde, à l'heure où la compagnie doit rembourser 440 millions d'euros d'aides publiques et voit fleurir des hypothèses sur une liquidation ou un changement de propriétaire. Il faut imaginer Sisyphe heureux…

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Nationaliser les pertes privatiser les profits telle est la règle d’or!

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  2. Anonyme Anonyme

    Cette société na jamais mis le client au centre de ses actvités. En plus la CGT…………. Je serai surpris si elle parvient survivre.

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  3. Tresorier Tresorier

    La SNCM ne vaut guere, ni l’Etat ni les entreprises privees ne veulent alonger l’oseille davantage. Butler Capital Partner a fait la culbute en passant et Veolia n’est venue que sur ordre de son patron ami de Villepin. Elle ne cesse depuis de vouloir partir.

    La SNCM cumule les problemes : greves a repetition, politisation, sur effectifs, faible productivite, detournements, deficit chronique, dette de 400 millions a rembourser, instabilite juridique,……

    Pas de quoi rassurer sur son avenir.

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  4. Anonyme Anonyme

    Et si on parlait de la Corsica Ferry, tout le pays est à feu et sang a cause des travailleurs détaches; la SNCM perd de l argent depuis la présence de la concurrence déloyale de cette nébuleuse de sociétés qui est un précurseur en ce domaine et qui de surcroît a été gave d argent public sans limite et sans contrôle. Et si on enquêtait ….

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  5. Anonymuse Anonymuse

    il faut surtout remercier LA CGT pour le travail de sape entrepris depuis des années au profit de quelques personnels en sur effectifs

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  6. jardin jardin

    SNCM LE RAPPORT INCOMPLET
    Le rapport que vous a présentez est un résumé. La version intégrale a été publiée discrètement sur le site de l’assemblée nationale, après la publication du résumé que vous présentez, comme le reste de la presse. Le but était de voir les journaux publier le résumé et ne pas revenir sur le détails des auditions. Apparemment,la quasi totalité de la presse est tombée dans le piège. Vous pourrez lire, ci joint, le détail des auditions. Il est “légèrement” différent de la version résumée donnée à la presse. Il y a une logique politique à cela: le rapporteur de la commission parlementaire est aussi le PDT du Conseil exécutif de Corse. Ce mélange des genres est douteux. En effet il résume (en choisissant les passages qui l’intéresse) un rapport sur une compagnie dont une part importante du financement dépend de lui. Drôles de mœurs politiques.
    Nous vous conseillons particulièrement l’audition de M. Francis Lemor, Patron de la CMN. Ce dernier explique, sans rire, comment il a aspiré la trésorerie de la SNCM pour remplir les caisses de sa holding. Aveu surprenant, d’autant plus qu’en même temps ce monsieur dit tout le mal qu’il pense de la compagnie avec laquelle il vient de signer un contrat de service public. Un tel cynisme laisse pantois et semble indiquer le haut niveau de complicité dans cette affaire. Lisez bien:
    http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r1629.asp

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