La possible annulation en justice des rythmes de travail au département mobilise les agents

Actualité
le 2 Juin 2023
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La réduction du temps de travail décidée par le département pour certains de ses agents fait l'objet d'un recours préfectoral. Une audience s'est tenue ce jeudi devant le tribunal administratif. Perplexes, les fonctionnaires prévoient un mouvement de grève.

Les fonctionnaires du département devant la salle d
Les fonctionnaires du département devant la salle d'audience le 1er juin 2023 (Photo : LD)

Les fonctionnaires du département devant la salle d'audience le 1er juin 2023 (Photo : LD)

“Chut !”. Une trentaine de fonctionnaires du département s’amasse devant la porte de la salle d’audience B, dans le hall du tribunal administratif de Marseille. Et ils ont du mal à entendre. Dans cette pièce étriquée, comble, se déroule une audience décisive concernant les temps de travail au département. Comme pour la métropole et à la Ville de Marseille, le préfet a déféré devant le tribunal administratif les délibérations prises par le département en juin dernier encadrant les cycles des agents.

Au regard des conditions de travail difficiles, notamment dans le social, la collectivité y déroge largement à la durée légale dans la fonction publique territoriale, de 1607 heures annuelles. Ces délibérations, qui concernent plusieurs centaines d’agents, pourraient se voir annulées par la justice. D’une voix monocorde, et pendant de longues minutes, le rapporteur public justifie le déféré préfectoral. Selon l’État, l’allègement décidé du temps de travail ne serait pas suffisamment justifié. Trois branches sont concernées : le sanitaire et social, les services technique et culturel.

Des métiers sujets à des conditions “pénibles et dangereuses” et dont les agents sont soumis à “des risques psychosociaux”. Le rapporteur public s’interroge : n’est-ce pas une question d’organisation du travail ? La réduction du temps de travail est-elle la seule solution pour y remédier ? Le rapporteur, dont l’avis oriente les magistrats, tranche en se disant favorable à une annulation des délibérations. Il plaide pour un retour à un temps de travail légal dès le 31 octobre 2023.

Des différends sur la pénibilité

Au fond de la salle, une salariée du secteur social acquiesce à l’écoute de la plaidoirie d’Anne-Cécile Vivien, l’avocate du département. “Le stress est inhérent à tous les métiers. Mais la gestion émotionnelle issue du traitement de dossiers liés aux enfants, ou d’informations préoccupantes par exemple, non. Et ce n’est pas une réorganisation du travail qui aidera”, argue-t-elle. Pour la défense de la collectivité, la surcharge émotionnelle dans le sanitaire et social ne relève pas de risques psychosociaux que la prévention ou la formation pourraient seules atténuer.

Mais c’est aussi l’insuffisance de détails et de précisions, métier par métier, qui pose problème au préfet. Il questionne également la manière dont ces particularités professionnelles doivent être traduites dans la durée du temps de travail. Un calcul infaisable pour Anne-Cécile Vivien : “C’est infaisable de dire que des agents sont 25 minutes accroupis, puis 35 minutes debout pour la collecte des déchets par exemple. Ou qu’ils ont une heure de stress, puis plus rien. C’est leur fonction qui est comme ça.” L’avocate rappelle enfin que le département s’est notamment appuyé sur des documents et des attestations de médecins pour démontrer de la pénibilité de certains métiers.

On serait un village gaulois qui fait de la résistance.

Un agent

Face à la demande d’annulation soutenue par le rapporteur public, l’avocate du département demande plutôt de la clémence dans les délais pour se mettre en règle. Alors que le premier souhaite une délibération dès l’automne, Anne-Cécile Vivien plaide pour la date du 1er janvier 2025. Un sentiment de défaite annoncée, partagé par des agents. “On serait un village gaulois qui fait de la résistance”, comparait l’un d’entre eux avant l’audience. À l’inverse si les demandes du préfet étaient rejetées par le tribunal, les Bouches-du-Rhône pourraient faire jurisprudence, alors que les recours se multiplient aux quatre coins de France.

Vers une grève

Devant le tribunal, tous les agents ne sont pas sortis satisfaits de cette audience. Certains n’ont pas trouvé pertinente la plaidoirie de l’avocate qui représente leur employeur. Rassemblés à l’angle du bâtiment, ils écoutent sagement mais non sans colère, la secrétaire générale du syndicat CGT au département, Valérie Marque. “On est déterminés, tous ensemble. On ne lâchera rien”, clame-t-elle au micro. “Les filles [les agents du social] ne tiendront pas. Ce sont nous qui assurons la paix sociale. S’ils veulent l’effondrement du département, ils l’auront”, confie-t-elle en aparté.

À ses côtés, un sapeur forestier appelle, lui, à une mobilisation de ses pairs. “On sera de toutes les luttes dès le début de la saison !”. L’appel à la grève est lancé pour le 19 juin. En aval d’une assemblée générale, rendez-vous annoncé sur le vif par Valérie Marque. “Le 16 juin au conseil départemental”, soit au lendemain du délibéré qui donnera la conclusion de l’audience du jour.

La CGT et la FSU envisagent aussi une intervention volontaire pour exercer une voie de recours, en appel, au côté du département. Le syndicat avait dans ce sens invité à l’audience son avocate Sophie Semeriva. La réduction du temps de travail n’a pas fini d’être défendue.

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Commentaires

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  1. Andre Andre

    La Ville de Marseille ayant connu ce type d’injonction de la part de l’Etat, il serait intéressant de savoir si le SAMU social marche mieux aujourd’hui avec la suppression des assouplissements horaires.
    Le but est il un service public de qualité mis en œuvre par des agents motivés qui travaillent dans des conditions adaptées ou bien l’application de règles tatillonnes?

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    • Marc13016 Marc13016

      Bonne question ! D’autant plus que les règles tatillonnes, on doit pouvoir les adapter aux réelles conditions de travail de ces agents. ça s’appelle des conventions collectives, dans le privé, non ? Hé ben conventionnons collectivement le statut de ces travailleurs fonctionnaires.
      Et en tenant compte du fait que leur mission est sensible (dure et essentielle).

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  2. Lissia Lissia

    A se demander si certains savent comment fonctionne le service public où il y a des lois, des décrets, et des circulaires et pas de conventions collectives.

    https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000038922264/

    Dans cet article il est bien spécifié que la durée du temps de travail pour les collectivités territoriales ou les établissements publics est fixée dans la limite de celle des “agents de l’Etat” dont la durée du temps de travail est fixée à 1607 heures.

    Ma question : j’aurais aimé savoir quels sont les quatre coins de la France où la durée du temps de travail pose autant de problème qu’à Marseille. Si quelqu’un peut m’éclairer…

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