Décryptage
La plateforme de prise de rendez-vous Doctolib s’impose à l’AP-HM
Après son contrat phare avec les hôpitaux de Paris, le géant des rendez-vous en ligne Doctolib débarque à l'AP-HM. En phase d'expérimentation depuis avril 2019, la plateforme poursuit son déploiement. La direction se dit très satisfaite, bien que le nouveau système soulève de nombreux enjeux.
Photo : Emilio Guzman.
En quelques clics, il est maintenant possible de réserver son rendez-vous médical avec plus de 100 praticiens de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). La société Doctolib poursuit son déploiement dans le troisième centre hospitalier de France, initié en avril 2019 sur quelques services médicaux. L’application s’étend progressivement pour couvrir “jusqu’à 900 praticiens à l’horizon 2020 ou 2021” indique Pierre Pinzelli, le secrétaire général de l’AP-HM.
L’installation du logiciel permet “d’utiliser les outils des nouvelles technologies pour faciliter le lien avec les patients” et d’avoir une meilleure visibilité à moindre frais, notamment “une hausse des consultations de l’ordre de 20 à 30 % supplémentaires”, évalue-t-il. Pour l’heure, ce déploiement ne suscite pas de riposte syndicale. Mais il amène des enjeux variés, des suppressions de poste à la dépendance vis-à-vis du service privé. Décryptage.
“Rien comparé au coût d’une secrétaire médicale”
33 euros par mois et par praticien. C’est le coût que Doctolib fait payer aux hôpitaux de Marseille pour ce service de réservation de consultation en ligne. Soit 40 000 euros par an pour les 100 praticiens pour le moment concernés. Une somme modique au vu du budget du CHU : 1,3 milliard d’euros. “Ce n’est rien comparé au coût d’une secrétaire médicale, autour de 50 000 euros par an” souligne Nathalie l’Hostis, ancienne gestionnaire de CHU (Pau, Montpellier, Bézier…) et aujourd’hui directrice de Pilar institute, une société spécialisée dans le management hospitalier.
Une différence de coût importante, qui s’inscrit dans un contexte particulier. L’AP-HM se trouve toujours dans une situation financière tendue. Plombée par une dette abyssale de 1,1 milliard d’euros, elle s’est engagée depuis 2016 dans un “contrat de retour à l’équilibre financier”. Le plan Avenir AP-HM, présenté en grande pompe le 30 janvier dernier, s’inscrit dans la droite lignée de cette économie de moyen et de restructuration des services. Le recours à Doctolib en est l’une des actions.
De leur coté les syndicats, qui soulignent depuis des mois le flou de ces plans sur le volet social, commencent à s’inquiéter. Force Ouvrière (FO) parle d’une “crainte de suppression de poste pour les standards téléphoniques” par l’intermédiaire Jean-Michel Carayol, qui siège au conseil de la surveillance. La CGT se montre moins préoccupée. “Pour l’instant, il n’y a pas de menace, ni de bruit de couloir concernant des licenciements, mais l’externalisation d’une activité ce n’est jamais une bonne chose”, relève Pascale Jourdan, secrétaire générale de la CGT AP-HM.
Des doutes que balaye le secrétaire général Pierre Pinzelli : “Pour l’instant nous n’envisageons absolument pas de suppressions de postes pour les secrétaires médicales. Elles ont bien d’autres missions que de répondre au téléphone.”
Quid de “My AP-HM”, la solution maison ?
L’implantation de Doctolib répond surtout à des difficultés organisationnelles. Selon la direction du CHU “le fait de recevoir des SMS pour les patients, permet de limiter de façon assez nette le nombre de consultations non-honorées”. L’AP-HM a été épinglée pour ses carences en matière de planification de rendez-vous. En 2017, un rapport de la chambre régionale des comptes pointait “des difficultés d’organisation et de fonctionnement liées à une concentration des rendez-vous médicaux sur certains jours et certains horaires pour les soins externes”. À la Timone adultes, les files d’attente amenaient même certains patients à renoncer à s’enregistrer pour filer directement à leur rendez-vous, note encore le rapport de la CRC.
À l’époque, l’AP-HM mettait en avant le lancement fin 2017 de “My AP-HM”, son système de prise de consultation en ligne et évoquait déjà des envois de SMS. Visiblement sans atteindre l’effet escompté. “My AP-HM est beaucoup moins performant pour la prise de rendez-vous que Doctolib nous le reconnaissons parfaitement, mais ces deux applications n’ont pas la même finalité, My AP-HM a un spectre qui est beaucoup plus large, c’est un portail d’entrée pour le patient à l’assistance publique qui lui ouvre bien d’autres perspectives que la prise de rendez-vous”, insiste le secrétaire général des hôpitaux de Marseille.
Parmi les fonctionnalités offertes par My AP-HM, la possibilité de pré-remplir son dossier administratif (numéro de sécurité sociale, mutuelle etc.) afin d’éviter cette étape le jour du rendez-vous. La chambre régionale des comptes recommandait d’ailleurs de “développer la pré-admission”. Un service que Doctolib ne permet pas. Plus attractif, ce dernier pourrait détourner de My AP-HM certains patients peu désireux de multiplier les “applications”.
Pierre Pinzelli concède que “si Doctolib se déploie très bien on verra dans le temps si on abandonne la prise de rendez-vous de My AP-HM.” À l’heure actuelle, il est toujours possible de réserver ses consultations par téléphone ou en se rendant sur place. “On maintiendra, aussi longtemps que nécessaire tous les autres modes d’accès à la prise de rendez-vous, pour qu’aucuns patients ne soient exclus” insiste la direction de l’hôpital. Une nouvelle importante pour les moins technophiles d’entre nous.
Pour l’AP-HM, “un risque mesuré” de dépendance à Doctolib
N’existe-il pas aussi un risque de dépendance à la plateforme ? Pierre Pinzelli est sur cette question, moins serein. “À chaque fois que l’on s’adresse à un fournisseur on se confronte à ce niveau de risque, mais c’est un risque mesuré”. Sauf que Doctolib n’est pas n’importe quelle entreprise. En 5 ans la start-up est devenue le leader de la réservation de consultation en ligne. L’entreprise compte maintenant plus de 800 salariés et a levé plusieurs millions d’euros de fonds au cours des derniers mois. Ce qui lui a permis d’entrer dans le club très fermé des “licornes de l’économie”, les sociétés valorisées à plus d’un milliard d’euros. Pendant l’été 2018, le géant de la réservation a d’ailleurs racheté son principal concurrent – le site MonDocteur – ne laissant à ses 16 concurrents, que les miettes du marché.
Selon l’émission de Radio France Secrets d’infos, 1700 établissement de santé (clinique, centre de santé municipaux, hôpitaux publics) ont opté pour la réservation de rendez-vous avec l’application Doctolib. Une position qui inquiète certains concurrents. À Paris, malgré l’existence d’un appel d’offres passé par l’Assistance publique, la société RDV médicaux considère que l’apport d’utilisateurs à la plate-forme est de nature à la favoriser et a saisi l’Autorité de la concurrence.
Pour l’heure, l’AP-HM est engagée dans un contrat de 4 ans. Auprès de Secrets d’infos, des professionnels de santé considèrent que si les tarifs sont pour le moment très bas, la concentration progressive du marché pourrait changer la donne. L’émission souligne aussi que le géant de l’industrie médicale est rentré dans les petits papiers des pouvoirs publics, rappelant un tweet d’un service du ministère de la Santé en faisant la promotion.
Autre inquiétude évoquée dans l’émission, la protection des données des patients. Interrogé sur cette question, le secrétaire général des AP-HM se veut rassurant : “Non seulement Doctolib s’est engagé, mais il est aussi surveillé par nos services, nous avons un comité RGPD qui suit l’ensemble de ces problématiques avec beaucoup d’attention”. Nathalie l’Hostis se montre elle, plus prudente sur ces sujets. “À partir du moment où vous cédez la gestion des données à un tiers externe, forcément il y a des risques”.
Commentaires
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Encore un métier qui va disparaître . Plus de personnel sur les autoroutes, plus de secrétaires ou d’assistants et d’assistantes dans les bureaux, plus de caisses dans les magasins, plus de standardistes, plus de guichetiers dans les banques, plus de fonctionnaires et maintenant plus de secrétaires médicales. Ce n’st pas de maladie que nous allons mourir mais de faim faute de travail.
Je plains les jeunes qui ne sont pas au moins polytechniciens !
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je suis d’accord avec vous il faudra être bac+5 pour vivre. L’élève qui sort sans diplôme sera dans la misère. Car ts ces petits boulots disparaissent et étaient effectués par des jeunes sans diplôme mais que faire moi aussi j’utilise doctolib : pas d’attente etc.. je réserve mes bagages sur internet, je commande mes commissions sur internet… etc… ce qu’il faudrait c’est taxer aussi l’automatisme!!
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“Taxer l’automatisme”, ce n’est pas une idée farfelue. Une grande partie des prélèvements fiscaux et sociaux d’aujourd’hui repose sur le travail. Si le travail humain est remplacé par le travail robotisé, il va bien falloir réfléchir à faire évoluer le financement des services publics, de la Sécu, des retraites, etc.
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J’ai dû consulter 2 médecins en 6 mois. Les 2 ont arrêté Doctolib et sont revenus à l’ancienne, avec secrétaires, car bon nombre de patients qui prennent RDV de la sorte, (très) souvent ne se présentent pas car c’est totalement informel et/ou sont des petits rigolos s’amusent. Visiblement le contact par la voix pousserait plus au respect de l’engagement. Et pour éviter les abus : si pas de confirmation 8 jours avant la consultation, le RDV est supprimé. Apparemment ca en a calmé plus d’un.
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Non , non, et non! Est-ce que taxer la pollution réduit-il le niveau de pollution ?.
De plus , nos brillantes têtes d’œufs viennent de découvrir que lors des relations du particulier avec les administrations via les ordinateurs et internet , plusieurs MILLIONS de Français n’y arrivaient pas , notamment du fait de phénomènes d ‘illettrisme . Donc exclusion immédiate du système.
Après ,il y a des choix de société à faire ou non.
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idem pour saint joseph
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Surtout, attendons la prochaine étape !
Bientôt, lorsque l’on cherchera un RV avec un spécialiste travaillant à temps partiel dans un établissement de l’AP-HM, il sera proposé directement, les disponibilités en “consultation privée”… On ouvre les paris ?
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