“La ministre de Marseille”, Sabrina Agresti-Roubache, met en scène son retour à Kalliste

Reportage
le 16 Fév 2024
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Pour son premier déplacement post-remaniement, la secrétaire d'État à la citoyenneté et à la Ville a choisi Marseille et la cité Kalliste où un incendie a causé le décès d'un jeune enfant, il y a quelques semaines. L'occasion de rappeler le caractère prioritaire et l'extrême difficulté de l'action publique dans les copropriétés privées.

Sabrina Agresti-Roubache, Audrey Gatian, la présidente de Marseille habitat et Samia Ghali, maire adjointe au pied du bâtiment A du parc Kalliste. Photo : Ava Guidarini.
Sabrina Agresti-Roubache, Audrey Gatian, la présidente de Marseille habitat et Samia Ghali, maire adjointe au pied du bâtiment A du parc Kalliste. Photo : Ava Guidarini.

Sabrina Agresti-Roubache, Audrey Gatian, la présidente de Marseille habitat et Samia Ghali, maire adjointe au pied du bâtiment A du parc Kalliste. Photo : Ava Guidarini.

Sabrina Agresti-Roubache tenait à être là, elle, “l’enfant de Marseille“, pour sa première visite de terrain, sous ses attributions renouvelées de secrétaire d’État à la Citoyenneté et à la Ville. ““, c’est au parc Kalliste, cette grande copropriété dégradée du Nord de Marseille, régulièrement sous les feux de l’actualité tant les crises s’y succèdent depuis 20 ans. Le dernier évènement en date est tragique. Il a noirci d’un crêpe incendiaire plusieurs étages du bâtiment A, après l’embrasement d’un chauffage d’appoint défectueux, au deuxième étage. Un petit garçon de quatre ans a trouvé la mort. Plusieurs autres enfants y ont échappé de peu.

L’important aréopage d’élus et d’officiels qui accompagne la ministre dans son déplacement finit donc au pied de la barre A. Elle fait l’objet d’un plan de sauvegarde qui, comme toutes les procédures publiques dans le bâti privé, s’étire sur de longues années. Tout le monde prend une mine grave face à la façade encore noire. Comme le répète le député La France insoumise, Sébastien Delogu, “Nous, le soir, on rentre chez nous. Mais, ici, comme à Consolat ou au Mail, les habitants vivent au quotidien dans la peur d’un autre drame“.

La façade noircie du bâtiment A où un jeune enfant a perdu la vie. (Photo : Ava Guidarini)

Les habitants, vus de loin

Comme souvent, dans ce type de déplacements, des habitants, on n’en voit guère. Une rencontre est prévue dans une petite salle de l’annexe de la maison pour tous en fin de visite pour un temps d’échange. “Je suis là avant tout pour écouter“, prévient celle qui se présente en plaisantant à moitié, comme “la ministre de Marseille“, au titre de son suivi du plan Marseille en grand. Mais les discours des représentants institutionnels et associatifs occupent l’essentiel du temps de parole. Une habitante a juste le temps de dire qu’elle n’a qu’une envie, partir de la cité. Sabrina Agresti-Roubache l’invite à laisser son nom aux services de la préfecture, comme si son cas personnel allait être pris en main.

Les rares riverains sont à distance. “Ils restent entre eux, en fait, s’étonne un habitant du A à propos des élus. À nous, ils ne parlent pas“. Enseignante dans les écoles primaires de la Ville, Khadidja aurait pourtant beaucoup à dire sur son quotidien à Kalliste où elle vit depuis 2022. “Moi, je suis de Paris, explique-t-elle. À la base, Kalliste, je ne connaissais pas. J’ai débarqué au bâtiment A chez un bailleur privé. Il n’y a rien qui allait. Je payais 800 euros pour un appartement insalubre où les rats rentraient la nuit“. Depuis, elle a obtenu un appartement auprès de Marseille Habitat qui intervient dans la cité, au titre d’une concession confiée par la métropole. La société d’économie mixte est à la fois gestionnaire d’appartements dans les bâtiments qui doivent être redressés et chargée d’acquérir ceux qui doivent être démolis.

Khadidja a été relogée à trois entrées de son ancien logis. Si l’intérieur de son appartement est bien mieux, l’environnement n’a pas changé. “Le réseau s’installe le soir et toute la nuit, c’est le drive, raconte-t-elle. Dans notre bloc, l’interphone est cassé et quand on rentre le soir, on voit les gars qui se partagent la recette dans les escaliers“. Sans compter la crainte de voir un nouvel incendie se déclencher.

Trois incendies en quelques semaines

Cela fait le troisième incendie en quelques semaines, raconte Kalatoumi Atoumani, maman de six enfants qui a toujours vécu à Kalliste. Mes enfants, quand ils sortent de l’école, ils pleurent. Ils ne veulent plus rentrer à la maison. Ils ont trop peur que cela brûle à nouveau“. Ils ont encore en mémoire l’incendie mortel qui les a réveillés au milieu de la nuit. Puis un incendie de cave, quelques jours plus tard. “Et, la dernière fois, la voiture de leur père qui a brûlé avec deux autres sur le parking. Nous, ce qu’on veut, c’est partir“, explique-t-elle. Avec deux autres locataires de Marseille habitat, elles attendaient l’arrivée de la ministre, prévenues par le bouche-à-oreille, d’un échange possible.

Prévu à l’entrée des jardins partagés, il n’aura finalement pas lieu. Au moins, ont-elles eu la possibilité de faire remonter leurs problématiques de gestion locative auprès de cadres de Marseille habitat. Une voisine, relogée au bâtiment I, n’en peut plus de son appartement, trop humide, où elle vit sans chauffage, ni chaudière depuis novembre. “Je veux être relogée, explique Wilda Wirdame. Ma petite fille a été diagnostiquée cardiaque à la naissance. Elle ne doit pas vivre dans un lieu trop humide, c’est mauvais pour elle“. Les cadres de Marseille Habitat font aussitôt remonter le problème. En revanche, elles n’approcheront pas la ministre.

Samia Ghali et Sabrina Agresti-Roubache, face à la presse, au parc Kalliste. (Photo : Ava Guidarini)

Samia Ghali en hôte des lieux

Aussitôt arrivée, Sabrina Agresti-Roubache se retrouve prise dans une mêlée d’élus, de hauts fonctionnaires et de journalistes. La métropole a déployé des plans du quartier pour montrer les différentes étapes du projet de renouvellement urbain qui dure depuis 20 ans. Deux barres, la B et la H, ont été démolies. Bientôt suivront le bâtiment G, en cours d’acquisition et le bâtiment E, juste au-dessus des quelques commerces qui doivent eux aussi disparaître.

Mais ce n’est pas le directeur de la rénovation urbaine, ni même le vice-président de la métropole et maire de Port-Saint-Louis, Martial Alvarez, qui auront l’heur de faire la présentation technique des avancées du projet. Dès que la ministre a posé son talon haut sur le bitume, c’est Samia Ghali, maire-adjointe chargée de la rénovation urbaine et des grands projets qui s’est posée en hôte.

Histoire de faire passer quelques messages jusqu’au sommet de l’État : freiner les démolitions, autoriser la construction de nouveaux logements sociaux dans les cités qui font l’objet d’un projet de renouvellement urbain, simplifier les procédures dans le cadre des copropriétés dégradées, notamment de déclaration d’utilité publique.

C’est justement ce que doit nous permettre la loi sur l’habitat indigne qui arrive au Sénat, répond Sabrina Agresti-Roubache. Et le Premier ministre vient d’annoncer que Marseille faisait partie des 22 territoires qui allaient bénéficier de procédures dérogatoires pour accélérer la production de logement“. La secrétaire d’État ne s’étend pas sur les contours de ce dispositif, ni sur les moyens octroyés.

Comité de pilotage à venir

Mais elle valide le principe d’un comité de pilotage élargi sur le programme de renouvellement urbain de Kalliste “dans les jours qui viennent“. À l’ordre du jour, l’octroi des aides de l’agence nationale d’amélioration de l’habitat “qui arrivent trop lentement“, l’accélération des procédures dans le cadre des plans de sauvegarde et la lutte contre les propriétaires indélicats.

L’entrée du G 31, à la cité Kalliste. Photo : B.G.

Mais je crois que la Ville, l’État et la métropole, avançons ensemble, sur ces questions, se félicite la ministre. Je suis une ministre qui va décider à Paris une politique pour les territoires. Marseille, ce n’est pas Paris. Ce n’est pas Brest non plus“. La ministre multiplie les annonces nationales depuis “sa ville de cœur” : un plan ascenseur en mars, une remise à plat du métier d’adulte-relais, une réforme des zones franches urbaines… Autant de mesures qui passeront peu ou prou par Marseille, parce qu’elle est toujours la ministre du plan Marseille en grand, “le plus grand plan de sauvetage d’une ville à l’échelle nationale“.

Avec beaucoup de retard, le cortège finit par quitter la cité. Indifférents, les habitants vaquent à leurs occupations. Dans la grande barre du G où vivent encore quelques familles en attente de relogement, une entrée est entièrement inondée. Les habitants ont posé des palettes pour rentrer chez eux, les pieds au sec.

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Commentaires

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  1. chouze chouze

    Ecouter les habitants était un minimum. Beaucoup de bruit pour rien. On jugera aux actes.

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  2. julijo julijo

    tout ça pour ça :
    “La secrétaire d’État ne s’étend pas sur les contours de ce dispositif, ni sur les moyens octroyés.”
    elle multiplie les annonces…..et prend des photos sur site. là, c’est essentiel.

    le canard enchainé avait il y a quelques temps une rubrique : “ma binette partout”, on devrait pouvoir poursuivre positivement et abondamment avec la sous ministre – de marseille – de la citoyenneté.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    On a bien noté par ailleurs le report d’une réunion sur les transports qui devait avoir lieu à la mi-janvier, sous le mince prétexte que la secrétaire d’Etat ne l’était plus par suite de la première étape du remaniement gouvernemental. Depuis, cette réunion semble n’avoir pas été reprogrammée.

    La photo avec Mme Agresti-Roubache semble plus importante que le fond des sujets. Espérons que tout cela n’est pas juste du cinéma pour préparer les élections municipales, au détriment de la populace à qui l’on se contente de faire croire qu’on s’occupe d’elle.

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  4. julijo julijo

    “Comme souvent, dans ce type de déplacements, des habitants, on n’en voit guère. ”
    effectivement, c’est frappant. les populations concernées sont à peine présentes. un de mes amis travaille dans une assoc qui intervient à la savine, et il me confirme : les habitants de ces cités sont tellement malmenés, ont tellement vu d’élus, de préfet, de fdo qui ont promis et n’ont jamais tenu le plus petit début d’une promesse….ils n’y croient plus. ils n’attendent même plus, ceux qui le peuvent, partent, les autres survivent peu que peu.
    un peu réconfortant de voir qu’ils ont bien compris que ces “raout” ne servent à rien.

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  5. BRASILIA8 BRASILIA8

    Vu le regard du Préfet et d’un certain nombre de personne Il se pourrait même qu’il y ait, hors champ, des manifestants mais l’important c’est le trio

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  6. didier L didier L

    “L’Etat, la ville et la Metropole marchent ensemble …” C’est une blague ou quoi quand chacun a les yeux rivés sur les échéances électorales. Faire de la com sur le dos d’habitants d’un quartier en souffrance c’est honteux. Mais bon la flamme olympique passe par Marseille réjouissons nous !

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