La gêne des centristes face à la motion anti-migrants de Christian Estrosi

Actualité
le 7 Nov 2016
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Pendant que Les Républicains votaient avec le soutien du Front national un texte hostile à l'accueil des migrants déplacés de Calais, quelques centristes ont tenté de marquer discrètement une distance en ne participant pas au vote lors de la séance plénière.

La gêne des centristes face à la motion anti-migrants de Christian Estrosi
La gêne des centristes face à la motion anti-migrants de Christian Estrosi

La gêne des centristes face à la motion anti-migrants de Christian Estrosi

Identité heureuse ou pas ? La question agite la primaire présidentielle de la droite et du centre. La motion anti-migrants imaginée par Christian Estrosi pour contrer une initiative du Front national au conseil régional aurait pu offrir un nouveau terrain pour ce débat, le jeudi 3 novembre dernier lors de la séance plénière. À l’arrivée, la motion a été adoptée avec 121 voix dont celles de l’ensemble des élus FN, une alliance de circonstance largement commentée depuis (lire notre article). La majorité LR-UDI-Modem est restée unie, le décompte des voix notant seulement l’abstention du maire de Verquières, Jean-Marc Teissere. Du moins en apparence.

En réalité, les centristes ont plus que tiqué. Aux dires de plusieurs membres de la majorité, la plupart des élus a découvert le texte “le matin même”. S’en est suivie une longue journée de discussions pour dissiper les réticences. À l’arrivée, quatre conseillères régionales ont souhaité ne pas participer au vote et sont ostensiblement sorties de l’hémicycle. Il s’agit de la présidente de l’UDI des Bouches-du-Rhône Arlette Fructus, des élues marseillaises Anne Claudius-Petit (UDI), Marie-Florence Bulteau-Rambaud et Éléonore Leprettre (Modem). Problème, seule Leprettre apparaît comme ne participant pas au vote, ce qui a déclenché le courroux des trois autres qui ont illico réclamé une rectification, finalement obtenue ce vendredi. Leurs voisins auraient tout simplement jugé bon de voter à leur place. Une pratique usuelle sur des textes consensuels, mais particulièrement étonnante alors que leur positionnement ne pouvait être ignoré. Contacté, Pierre-Paul Léonelli, le président du groupe majoritaire et auteur de la motion n’a pas retourné notre appel.

Une motion qui “mélange un peu tout”

Une déperdition de voix dans la majorité aurait surtout donné du corps à l’accusation de la leader du FN Marion Maréchal-Le Pen qui a discouru sur les fractures au sein de la droite. De son côté, le centre clame souvent son indépendance mais, systématiquement allié à LR, ne l’exprime pas vraiment dans les hémicycles. “En ne prenant pas part au vote, j’ai exprimé ma ligne politique, veut convaincre Arlette Fructus. Ce n’est pas parce que le FN présente une motion que nous devons en présenter une ! N’en rajoutons pas, n’employons pas de termes de nature à compliquer des choses déjà compliquées comme les « mini jungles »”, ajoute-t-elle en référence à l’expression dont Christian Estrosi réclame la paternité.

Autre élue discrètement frondeuse, Éléonore Leprettre n’en finit plus de s’étonner d’être, pour son premier mandat “la plus à gauche de l’hémicycle”. Pour elle, “la motion de la majorité n’était pas exactement pareille que celle du FN mais elle ne convenait pas politiquement.” La jeune élue déroule alors ses griefs : “Cela mélange un peu tout, les migrants économiques et les clandestins, les réfugiés et les demandeurs d’asile. On ne peut pas demander de tous les mettre dans le même panier !”, s’agace-t-elle. L’élue s’étonne aussi de la demande exprimée dans la motion de demandes d’asile “formulées dans le pays d’origine” :

Il ne faut pas nier la réalité de ces pays en guerre. On va leur demander d’aller trouver un cyber-café entre deux bombes ? On ne peut pas décemment leur dire d’attendre chez eux le temps que leur demande soit acceptée, surtout quand on connaît la lenteur de l’administration française.

La décision de ne pas prendre part au scrutin apparaît donc comme un vote “contre” qui ne dit pas son nom. “On était en quelque sorte pris en étau car on ne voulait pas non plus donner raison au Front national, explique-t-elle. On n’avait pas envie de se désolidariser de la majorité parce que ça créerait une scission et une faille dans laquelle le FN s’engouffrerait.” Arlette Fructus abonde : “Nous n’allions pas nous mettre en opposition avec les nôtres alors que nous avons une politique régionale à construire !”

“Il y a toujours eu des appréciations différentes”

À l’arrivée, ce ne sont que quatre centristes sur seize “officiels” qui ont marqué un désaccord. “Les troupes d’Estrosi leur ont mis la pression”, croit savoir un proche des élus centristes. “La perception du sujet varie selon le territoire où on est élu, selon la distance au sujet”, justifie Fructus. L’élu UDI Bruno Genzana a ainsi voté sans remords pour la proposition : “Je suis vice-président du groupe de la majorité, j’ai respecté la volonté de la majorité du groupe. Mais vous savez, la problématique n’a rien de nouveau : il y a toujours eu des appréciations différentes sur ce sujet.”

Celui qui est aussi candidat à l’investiture UDI-LR sur la circonscription d’Allauch-Gardanne se dit très en phase avec le texte voté. “Pour moi, ce texte fait la différence entre les statuts et préserve le droit d’asile”, explique-t-il, quand la motion n’évoque explicitement que “les clandestins de Calais”, une terminologie qui ne saurait englober toutes les réalités. En revanche, il laisse transparaître son embarras sur les demandes d’asile dans le pays d’origine : “Dans certains pays, ce ne serait de toutes façons pas possible”, affirme-t-il, faisant là une distinction absente du texte voté. Mais pour lui, l’essentiel était ailleurs : “Le Front national a cherché toute la séance à nous piéger. Il n’y est pas parvenu !”

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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Est-ce un hasard si les quatre qui se tiennent (timidement) à distance du délire xénophobe sont quatre femmes ?

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  2. marseillais marseillais

    Malheureusement, le délire xénophobe n’appartient pas seulement à la gent masculine : Marine Le Pen et Marion MLP, tout comme Valérie Boyer sont bien des contre exemples

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  3. julijo julijo

    Plus qu’une question de genre, c’est plutôt une grave question d’identité politique…pas tout à fait à droite, pas vraiment à gauche…le centre lui même est occupé par deux organisations distinctes, Udi et modem….
    Où sont réellement les centristes aujourd’hui. La première réponse évidente, c’est à la recherche de « postes »….ce qui implique qu’ils ne peuvent avoir de décisions tranchées et définitives sur quelque sujet à risque. Veiller à toujours se positionner du côté du manche. Et quel manche quand on pense à estrosi….
    Ne pas faire de la peine à quiconque leur garantirait quelque part un morceau du gâteau….
    Franchement quelle drôle d’idée de quitter la salle au lieu de voter !! une rébellion du centre !!

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  4. Regard Neutre Regard Neutre

    On notera le courage politique des femmes UDI qui, elles,ne bafouent pas les valeurs humanistes.Certains opportunistes du même camp qui se reconnaitrons,sont prêts quant eux à ventre leur âme au diable…Mais leur position, en l’espèce ,restera manquée à l’encre rouge de l’ambiguïté et de la faiblesse politique.Passeront- ils toujours entre les gouttes de la sanction électorale?

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  5. VitroPhil VitroPhil

    “Le Front national a cherché toute la séance à nous piéger. Il n’y est pas parvenu !”
    Vraiment ?
    L’extrême droite propose une motion tirée de son fond de tiroir pas bien propre, la droite “républicaine” ne trouve rien de mieux que de faire adopter un texte à peine plus présentable, le centre se cache derrière son petit doigt et la solidarité majoritaire…
    Mais tout va bien personne ne se sent piégé !

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  6. Manipulite Manipulite

    Un communiqué des centristes frondeuses se désolidarisant de “la motion de la honte” aurait été le bienvenu. Leur position ambigüe n’honore qu’à motié ces conseillères régionales…centristes c’est à dire motié dedans-moitié dehors.

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