La droite perd “la maison de Jean-Claude Gaudin” mais sauve les meubles
Le symbole est puissant. Au-delà de ne pas avoir pu conserver la mairie centrale, la perte du secteur ancestral gagné d’ordinaire haut la main par l’ancien maire est vécue comme un drame par la droite locale, qui a pourtant sauvé les meubles en conservant deux secteurs.
Martine vassal lors de son vote, le dimanche 28 juin. Photo : Emilio Guzman
Son mascara a coulé sous ses yeux noirs. En partie parce qu’il fait très chaud. En partie parce qu’elle ne retient pas son émotion. Colistière de Ludovic Perney avant de rallier la liste Les Républicains emmenée Martine Vassal dans le quatrième secteur, Catherine Michel ne cache pas son désarroi. La ville n’est pas gagnée, certes. Mais c’est un symbole plus profond qui la touche : “Perdre le 6/8, mais quelle claque !” Celle qui se définit comme “sympathisante LR depuis toujours” fait les cent pas devant la permanence de la candidate Les Républicains Martine Vassal en regrettant la stratégie “suicidaire” du maintien de Bruno Gilles.
Ce revers-là signe avant tout, pour elle, la brutale fin du règne de Jean-Claude Gaudin. Tunique noire et cheveux méchés de blond clair, elle écarquille les yeux. N’en revient pas : “Le 6/8 vous vous rendez compte ? Le 6/8 c’est la maison de Jean-Claude Gaudin ! C’est Bagatelle, le Carré d’or ! C’est notre cœur.”
Interrogé par Marsactu, le vétéran de la droite qui siégera au perchoir lors du conseil municipal d’élection du maire, Guy Teissier n’y va pas par quatre chemins : “Perdre les 6/8, c’est un séisme. J’avais l’habitude de dire que Gaudin était le maire du Neuilly-Passy marseillais, aujourd’hui même le Neuilly-Passy s’est donné à d’autres”.
Gagner le 6/8, “d’abord le goût de l’espoir”
Hier soir, le cœur de la droite a cessé de battre dans le quatrième secteur. Ravi par une novice en politique, Olivia Fortin. Cette cheffe d’entreprise dans l’évènementiel a lancé le mouvement citoyen Mad Mars, une des bases du Printemps marseillais, il y a trois ans. À l’annonce de la confirmation de sa victoire, dans son local du côté de la place Castellane qui a l’air d’accueillir une fête entre copains, la quadragénaire sirote du champagne dans une flûte en plastique et savoure : “Gagner dans ce secteur est évidemment encore meilleur qu’ailleurs ! Mais cela a d’abord le goût de l’espoir.”
Alors que les décomptes s’affinent, les résultats tombent et les mines s’allongent chez Martine Vassal. Car si les autres ténors de la droite locale – Lionel Royer-Perreaut et Guy Teissier, dans le 9/10, Valérie Boyer et Julien Ravier dans le 11/12 – sauvent leur peau au gré des retournements de ce scrutin si rocambolesque, ce n’est pas son cas à elle. “Le 6/8 c’est notre trésor de guerre. Et là, on l’a plus”, souffle un militant au bas des marches de la permanence chère à Jean-Claude Gaudin.
“C’est vécu comme quelque chose de douloureux pour tous les militants de la droite républicaine”, complète Lionel Royer-Perreaut. Composé dans sa forme actuelle (depuis 1983) des 6e et 8e arrondissements, le secteur n’a échappé à la droite qu’en 1989, lors du grand chelem des équipes Vigouroux. Sinon, depuis 1983, son maître incontesté s’appelle Jean-Claude Gaudin qui s’offre souvent le luxe de l’enlever, comme en 2014, au premier tour…
“Le cœur du bastion”
Perdre ce bastion historique, cet emblème de la gaudinie, ne coûte pas que sur le plan symbolique, à Martine Vassal. Cet échec a surtout un poids politique lourd. Comme tout le monde dans les états-majors, Olivia Fortin du Printemps marseillais analyse ce que la perte de ce secteur-là veut dire pour la droite locale : “En gagnant, nous allons jusque dans le cœur du bastion de la droite et, surtout, on disqualifie une femme qui est présidente du département et de la métropole.”
Disqualifiée, Martine Vassal ? Lionel Royer-Perreaut, qui s’est imposé, souligne-t-il, “avec 12 points d’avance” sur sa rivale du Printemps marseillais Aïcha Sif, assure qu’il la sent “déterminée”. Pour autant, il n’ignore pas que le leadership de l’héritière de Jean-Claude Gaudin est sévèrement entamé. Et qu’il lui sera difficile désormais de prendre la tête de cette droite affaiblie, en position de minorité, au conseil municipal. “Mais ce soir, il y a eu aussi de belles victoires”, sourit malicieusement le maire du 9/10, l’air de rien…
Car la droite n’a pas tout perdu dans ce second tour aux contours inédits. Même plombé par l’affaire des procurations, Julien Ravier a réussi à conserver un secteur acquis à la droite depuis de longues années. À quelques centaines de voix près, il a réussi à priver le Printemps marseillais d’une majorité absolue, la menace du RN s’étant comme volatilisée. Avec la prise du 13/14, une autre première depuis 1983, la droite compte finalement 41 conseillers municipaux, soit un de moins que la gauche en incluant Bruno Gilles et Marine Pustorino.
“En petits morceaux”
Quant à Lionel Royer-Perreaut, il réussit à conserver le fief patiemment construit par son ancien mentor. “Cette victoire, c’est le fruit d’un travail entrepris par Guy Teissier depuis des années que j’ai modestement essayé de faire fructifier”, explique-t-il devant l’intéressé qui nuance : “Prolonger l’œuvre, plutôt”. Mais le maire réélu insiste : “Non, fructifier”.
Lionel Royer-Perreaut ou un autre, il faudra bien que la droite se réunisse derrière un chef. “Parce que là, on est en petits morceaux”, reprend Catherine Michel. “La droite marseillaise est complètement éclatée. Et tout est à reconstruire maintenant, dans le 6/8 comme ailleurs.”
Grand perdant de la soirée, Bruno Gilles peut remâcher, amer, l’antienne qu’il répète depuis plus d’un an : “Si on était resté dans ce qui était prévu depuis plusieurs mois et années, le binôme Vassal à la métropole et moi à la mairie, on aurait pu faire beaucoup plus. On aurait pu déclencher un mouvement”. Aujourd’hui, le mouvement enclenché est celui de conseillers municipaux qui se cherchent un maire.
(avec Nina Hubinet)
Commentaires
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La droite ne s’est pas aperçue que la sociologie de son bastion avait changé – en dépit de l’éviction de Tian en 2017. Les projets faramineux de bétonnage dans le 8ème, l’état des transports, guère plus reluisants ici qu’ailleurs en périphérie, la mauvaise gestion généralisée, qu’il est difficile d’expliquer toujours par “la faute à pas de chance” : tout cela a conduit à détourner de la “maison Gaudin” une partie de l’électorat du secteur.
Le contenu de la lettre adressée nominativement par Martine Vassal à des électeurs de ce secteur était d’ailleurs un signe de la déconnexion de celle-ci par rapport à la réalité de l’électorat : il était visiblement plus destiné aux personnes âgées qu’aux jeunes ou aux familles avec enfants, qui existent cependant aussi dans ces quartiers !
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fine analyse avec laquelle je suis d’accord!
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excellent, Coralie et Nina, vous nous permettez de bien saisir l’état de désarroi dans lequel les résultats de cette nuit ont plongé la Bourgeoisie marseillaise! Instructif!
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La saleté des rues est” exemplaire” l La piste cyclable éphemére sur le Prado fut une “gaudinerie”Je me souviens que la mairie avait fait intervenir un commando d’employés municipaux armés d’arroseuses pour nettoyer l’itinéraire de Fillion quand celui-ci était venu se sustenter à la cantine de les Républicains à la Villa .C’était avant un meeting à CHANOT Voir partout en bleu et blanc la binette de Vassal conduisait inéluctablement à se poser la question :d’où vient l’argent ?Surtout alors qu’on en trouve pour financer les établissements d’enseignements publics et privés du quartier PPP (Prado, Paradis Perrier) aux dépens de ceux des quartiers populaires laissés à l’abandon
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vassal a quand même dit : “je n’ai pas perdu”.
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Disons que la perte du centre ville chic jette une lumière crue sur le projet de société porté par la droite marseillaise, avec son mode de vie ringard où l’on se regroupe entre soi dans des résidences fermées avec deux places de parking par appartement, le plus loin possible des lieux de culture ou de vie sociale, que l’on fréquente le moins possible (sauf peut-être une salle de sport climatisée en rentrant du boulot), et où l’on ronge son frein la moitié de sa vie professionnelle en attendant de pouvoir se payer une petite maison encore plus loin.
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