Ivresse, paillettes et colliers de fleurs : quand la RTM se met (enfin) à l’heure de la fête
Marsactu a embarqué dans le tout premier "Noctambus" marseillais au milieu de son public tout trouvé : les étudiants des grandes écoles, adeptes des sorties en centre-ville.
Le départ du tout premier Noctambus, en direction du campus de Luminy, le 5 septembre 2024. (Photo : CMB)
Dans la nuit de jeudi 5 à vendredi 6 septembre, un peu avant 1 h 30, deux “Noctambus” stationnent devant le quai des Belges sur le Vieux-Port. Pour la première fois dans la deuxième ville de France, des bus de nuit vont s’élancer. Trois soirs par semaine, ces deux lignes desserviront les deux campus étudiants les plus excentrés de la ville en traversant Marseille : l’un vers le sud jusqu’à Luminy (le N1), l’autre vers le nord jusqu’à Château-Gombert (le N2). Quatre départs sont prévus dans ce sens (de 1 h 30 à 4 h 30), et deux départs depuis les terminus des campus (2 h 30 et 3 h 30).
Pour le lancement du dispositif, la RTM a convié la presse à un trajet inaugural. Catherine Pila (Les Républicains) et Hervé Beccaria, respectivement présidente et directeur général de la régie des transports marseillais, seront du voyage. Notre convoi sera-t-il complété par des “vrais” usagers ? C’est toute l’inconnue. Sur le site de la RTM, l’ouverture de ces deux lignes a été discrètement annoncée seulement quelques jours avant son démarrage. Aux yeux du grand public, la nouvelle est passée inaperçue. Mais aux yeux des étudiants descendus dans les bars du Vieux-Port pour célébrer le début de leur nouvelle année universitaire, c’est une autre histoire. Et finalement, le premier N1 partira plein.
Le premier groupe à y monter est composé de trois garçons et deux filles, tous originaires de Saint-Étienne sauf un, qui accueille donc les autres chez lui. Les visiteurs ont prévu d’aller au Delta festival durant le week-end. Ce jeudi soir, en guise d’échauffement, ils ont passé la soirée au Shamrock, un pub du Vieux-Port. Le Noctambus N1 dessert sur son trajet les quartiers Préfecture, Baille, la Timone, la Capelette, le Prado puis Mazargues, et enfin le campus de Luminy. Le local du groupe habite, lui, à la Timone. “En théorie, on pourrait rentrer en vélo… Mais le soir sur le Vieux-Port, y en a jamais !”, déplore le jeune homme auprès d’Hervé Beccaria, le directeur général de la RTM, qui accueille les passagers de ce tout premier Noctambus. Comment les Stéphanois ont-ils appris son existence ? “En regardant sur Google Maps, il y a une heure !” répond l’un des étudiants. Comme la majorité des autres passagers.
“Tout le bus, c’est Polytech”
Le bus va démarrer. Quatre futurs ingénieurs étudiant à Polytech courent vers lui. Eux ont passé la soirée à l’Exit, où leur bureau des étudiants (BDE) organisait une soirée d’intégration. “On a fait quoi ? On a bu !”, expose l’un d’eux, chapeau de cow-boy sur la tête, collier hawaïen autour du cou. Son collègue, Enzo, a des marques de peinture bleue sur le visage. “Parce que ce soir, j’étais dans la famille des Schtroumpfs”, explique-t-il, avant d’entrer dans le détail des différents déguisements déployés par ses camarades pour leur soirée initiatique. En fait, Enzo connaît presque tous les passagers du bus. “À part les mecs de la sécurité, tout le bus, c’est Polytech”, précise son ami au chapeau de cow-boy.
On est tenté de notifier que sans la soirée d’intégration de l’une des plus grosses écoles d’ingénieurs de la ville, le Noctambus serait parti presque vide. Mais selon Catherine Pila, ce succès ne doit rien à cette coïncidence : “Moi, j’étais sûre que ça allait fonctionner. Parce qu’on a fait un gros travail avec les associations étudiantes”, se réjouit-elle. La présidente de la RTM et élue d’opposition LR prend le temps de détailler le dispositif à plusieurs étudiantes qui se tiennent à l’écart de la frénésie générale du bus : “Dans chaque Noctambus, il y a un agent de sécurité. Aussi, on a mis en place les arrêts à la demande, donc vous pouvez descendre quand vous le souhaitez.”
Je croyais qu’il y avait des métros jusqu’à 3 heures du matin…
une étudiante
On reconnaît le gros groupe Polytech à ses colliers de fleurs et bracelets de couleur, rose ou vert, selon leur degré d’implication dans le BDE. La plupart de ces étudiants descendront avant Luminy, entre Préfecture et la Timone. “Normalement, j’aurais pris une trottinette, je passe ma vie en trottinette !”, confie Zoé, qui loue un studio étudiant à Baille. “Mais là, ça permet de renter en sécurité et d’être avec les copains”, conclut-elle dans un grand éclat de rire. Il est 1 h 50. Zoé descend et dispose de dix minutes pour atteindre la dernière étape de sa soirée : le Chapati, un petit snack bien connu du boulevard Baille. “À Baille, on dirait pas, mais y a trop des super bails”, lâche-t-elle très sérieusement en sortant. Là descendent aussi trois touristes qui avaient raccroché le N1 sur le boulevard Salvator. Eux aussi ont découvert le Noctambus lorsqu’ils ont ouvert Google Maps, en quittant le cours Julien. “Je croyais qu’il y avait des métros jusqu’à trois heures du matin…” déroule une des jeunes femmes. Ce n’est pas le cas. Elle étudie aussi l’ingénierie, mais à Berlin, où les métros circulent toute la nuit.
Bicyclette jusqu’au Merlan
Au niveau du métro Prado, Catherine Pila, Hervé Beccaria et les quelques journalistes embarqués descendent. Le bus est vidé. Mais il se remplira un arrêt plus loin, avec les festivaliers de retour du Delta. “C’est le staff du Delta qui nous a indiqué le bus, c’était vraiment une très bonne surprise, c’est vachement safe”, se réjouit Anna, le visage recouvert de paillettes, qui a loué avec son amie un Airbnb aux Baumettes pour le weekend. “Quand on dit Baumettes, les gens nous regardent bizarre !”
Debout à l’écart se tient Lina, étudiante à Kedge originaire d’Arabie Saoudite. Elle salue la création de ce bus, elle qui vient d’arriver à Marseille : “C’est rare que je me sente en sécurité ici. Là, ça va, mais dans la rue… Mais bon, je vais m’y faire !” Elle descendra au campus de Luminy.
Retour au Vieux Port, 2 h 30, pour le deuxième départ des Noctambus. Le N1 se remplit avec la même facilité que celui qui l’a précédé. Le N2 qui doit rallier Château-Gombert attire tout de même une quinzaine de voyageurs. Tous sont étudiants. Direction Saint-Charles pour une jeune femme qui doit prendre une navette pour l’aéroport. Terminus Château-Gombert pour son collègue, étudiant à Centrale Marseille. Entre les deux arrêts, deux futurs ingénieurs originaires du Maroc descendront à la résidence Crous du Merlan. Benali a appris l’existence du N2 sur l’intranet de l’université. “On adore la fiesta à Marseille. L’année dernière, on galérait beaucoup à rentrer, en bicyclette, c’est super loin… Là, ça va être beaucoup mieux”, résume-t-il.
“C’est loin, le 13e ?” Francesca habite à Marseille depuis cinq jours. Avec son ami Barney, qui a un logement étudiant à la Belle-de-Mai, ils seront les derniers passagers à embarquer dans le N2 de 2 h 30. Tous les deux étudient à Kedge. “On vient d’arriver ici, ça va faciliter nos sorties”, souligne Francesca, qui semble dans l’immédiat avoir surtout hâte de retrouver son lit. On la comprend. Le bus s’en va. Dans le secteur, comme annoncé plus tôt, toutes les bornes de vélos en libre-service de la métropole sont vides. Le prochain Noctambus passera dans une heure. Une fréquence qui pourrait vite sembler insuffisante, au vu du succès de cette première soirée.
Commentaires
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« l’ouverture de ces deux lignes a été discrètement annoncée seulement quelques jours avant son démarrage »
La RTM et sa légendaire discrétion : discrétion du bus fantôme, discrétion sur le métro fermé à 22h30, discrétion du bus de nuit (alors que c’est une « révolution » – finalement la révolution dans les transports promise par Vassal depuis 2018 est enfin arrivée).
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Métro fermé à 21h30 et pas à 22h30, hélas.
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mon doigt à glissé…
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On reconnaît dans cet article la légendaire compétence de la RTM en matière de communication : les usagers sont priés de découvrir eux-mêmes ce qui marche et ce qui ne marche pas sur le réseau. Mais l’essentiel est sauf : dans le métro il y a des annonces sonores en provençal.
L’inauguration de ce bus de nuit, qui ne sera pas de trop dans une ville de 860 000 habitants où tout le monde ne se couche pas à 21 h, est tout de même à saluer : c’est peut-être la seule fois de l’année que Mme Pila a emprunté les transports en commun. En attendant la prochaine inauguration.
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Allez, encore un petit effort et nous aurons un réseau de bus totalement restructuré, un réseau cyclable et surtout un réseau de métro dignes d’une ville de 870 000 habitants, prolongé tant en amplitude horaire qu’en longueur de réseau, comme le tramway et…Ah, on me dit dans l’oreillette que ça coute cher, les sols ne sont pas bons, les gens sont trop attachés à leurs voitures pour se reporter vers les transports en commun et qu’il faut limiter les travaux avant les élections municipales? Oh wait…
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enfin, ce service public aurait du être créé il y a bien longtemps, comme cela est le cas à Lyon. Et il faudrait créer une autre ligne vers les quartiers Nord (Saint-Louis/Saint-André/Hôpital Nord) et une vers les quartiers Est (Saint-Barnabé/La Valentine). Il n’y a pas juste les étudiants vivant en résidence/campus qui doivent pouvoir rentrer en sécurité sans avoir à conduire (s’ils ont la chance d’avoir une voiture) !
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Tout à fait d’accord. Certains quartiers; comme Chutes Lavie, sont totalement enclavés et morts dès 19h et même plus tôt dès que la nuit tombe en novembre. Ce sont vraiment des quartiers dortoirs et aller seulement vers les 5 Avenues demande de parcourir, à pied, 15 minutes de désert non sécurisé et les vols à l’arraché sont nombreux. Alors aller vers le centre ville, les festivals à l’autre bout de la ville ou même assister à une réunion associative ? Le parcours du combattant pour ceux qui n’ont pas de véhicule personnel.
Ces deux bus de nuit sont un tout petit pas. Mais il faudrait un pas de géant pour combler le vide existant.
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