"Ibrahim Ali, on n'a pas oublié", Ravier élu sous les huées

"Ibrahim Ali, on n'a pas oublié", Ravier élu sous les huées

"Un conseil d'arrondissement historique", s'enthousiasme le nouveau maire des 13e et 14e arrondissements Stéphane Ravier en serrant la main de connaissances venues le saluer à la fin de la cérémonie. "C'était cool", finit-il même par lancer, tout sourire, alors que la tension était encore palpable quelques minutes plus tôt dans la salle principale de la mairie de secteur. 

Ce matin à 10 heures, les conseillers d'arrondissements fraîchement élus devaient voter pour leur maire de secteur. Et avec une majorité d'élus Front national, le suspense n'était évidement pas au rendez-vous. Sur 48 conseillers d'arrondissement, Stéphane Ravier a ainsi obtenu 33 voix. Sept sont allées à Stéphane Mari (PS) pour huit nuls correspondant aux bulletins de la droite. La cérémonie présidée par le doyen du conseil d'arrondissement qui n'était autre que le maire sortant Garo Hovsépian, n'a pas été de tout repos.

Dès 9 h 30 déjà, des militants de gauche se sont rassemblés devant la bastide, entonnant le Chant des partisans et brandissant des affiches fluos "A gauche contre le FN". A leurs côtés, les deux élus Front de gauche, Marion Honde et Samy Joshua, et ceux du groupe socialiste, dont le président du groupe PS à la mairie centrale Stéphane Mari.

Partie de ping pong

Progressivement, le public s'installe dans la salle. Ce seront les dernières minutes de calme jusqu'à la fin de la cérémonie. Stéphane Ravier est déjà installé à sa place, au bout d'une des longues table positionnées au centre de la pièce. Les médias se massent autour de lui. Encore une fois, il est au cœur des attentions. L'arrivée de Garo Hovsépian serait même passée inaperçue si les militants n'avaient pas scandé son nom. En face d'eux, les partisans frontistes l'accueillent par des huées. Et cette partie de ping pong plutôt musclée rythmera inlassablement la matinée.

Toute la matinée, les cris des militants, communistes et frontistes, ne cesseront pas. A chaque mouvement, les acclamations pour certains, protestations pour d'autres s'élèvent. "Ibrahim Ali, on n'a pas oublié", martèlent les militants de gauche. En réaction, les supporters de Stéphane Ravier entonent la Marseillaise. Les esprits s'échauffent et un soutien du Front exhibe le salut nazi. La réaction est immédiate. Les militants en viennent aux mains, rapidement séparés par la police.

"Vous n'avez aucun courage"

Et c'est dans une certaine panique que Garo Hovsépian et les scrutateurs dépouillent l'urne et passent officiellement la main à Stéphane Ravier. Sous les hurlements des militants de gauche, le nouveau maire de secteur prononce son discours. Les cris ne s'essouflent pas. Et Stéphane Ravier boit du petit lait. Lui qui n'a eu de cesse de fustiger les autres partis politiques pour leur manque de tolérance et leur comportement "anti-républicain" vis-à-vis du Front national.

"L'heure est à l'avenir et non pas au passé. A l'action que nous allons devoir mener quotidiennement sur nos deux arrondissements qui constituent par leur population la deuxième ville de notre département. Une action qui devra dépasser les affrontement partisans, les ambitions personnelles pour servir les habitants de ce secteur d'abord", lance le maire de secteur, surfant sur les évènements du jour. "Je serais… Je suis, rattrape-t-il, le maire des 13e et 14e arrondissements, le maire de tous les habitants des noyaux villageois comme des cités".

Comme le veut la tradition, c'est au tour des élus de l'opposition de prendre la parole. Et de manière surprenante, Richard Miron (UMP), qui est arrivé troisième au second tour des élections municipales, préfère s'opposer au parti socialiste plutôt qu'à la nouvelle majorité :

Depuis 32 ans, ils ont semé et entretenu la misère. Vous êtes des clientélistes, il faut assumer jusqu'au bout des ongles. Aucune conviction, aucun courage, vous n'avez rien.

Enfin, reprenant à l'adresse du nouveau maire : "Si je ne puis M. le maire être satisfait de vous voir installé dans ce fauteuil, je suis très heureux d'avoir participé à la mort programmée de ces individus et de tout ce qu'ils représentent". Un discours acclamé par l'ensemble de la majorité frontiste, ce qui ne semble pas gêner outre mesure son auteur. "On aura bien compris le message", conclut Stéphane Ravier, un brin amusé. "Vous êtes un facho, lui répondra Garo Hovsépian. Mais les électeurs ont préféré l'original à la copie". La seule élue à tenter de ramener tout ce petit monde au calme est Michelle Poncet-Ramade (EELV) dans une étrange tentative de fédération derrière la "cause écologiste".

Le maire de secteur a quant à lui regretté le déroulé de la matinée. "Le calme est revenu et j'espère que ce sera ainsi pour les six années de travail qui nous attendent. Je vais essayer de calmer les esprits". Mais cette première matinée agitée ne pourrait être que le point de départ d'une longue série d'affrontements politiques et militants.