Hubert Colas joue avec nos peurs

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le 13 Fév 2012
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« Ils sont trois, ils sont six, ils sont sept, ils ont peur. Ils écoutent. Ils attendent. Ils se protègent. Ils se chassent. Ils entendent que quelque chose est là. Pour eux. Mais quoi. Ils ne voient rien mais ils devinent. C’est peutêtre là que tout va s’arrêter. Rien ne se voit rien ne bouge rien et pourtant c’est là autour d’eux. Glacial, le corps se tend comme l’animal face à la nature en colère. Il faut courir ou se jeter à corps perdu dans la gueule du loup. »

Ces quelques lignes sont tirées de la création originale Stop ou tout est bruit pour qui a peur. Signée par l’auteur-metteur en scène marseillais Hubert Colas (compagnie Diphtong), cofondateur du centre de création Montévidéo et initiateur du festival Actoral, dédié aux écritures contemporaines, la pièce resserre sur le public l’étau infernal de l’angoisse. Celle qui étreint à différents instants de la vie, de la peur du noir, instinctive et enfantine, à la peur de mourir.

A travers une écriture très contemporaine, la pièce explore le cheminement des peurs qui nous assaillent. La peur de l’avenir, la peur de l’étranger, les innombrables et inqualifiables peurs existentielles. La peur qui tantôt rampe, tantôt projette une ombre sur nos têtes, nous faisant sursauter ou nous recroqueviller. Celle encore qui rend servile ou impose la fuite. Une fuite à l’aveuglette, droit dans le vide ou dans les bras des politiques. Car, semble nous dire Hubert Colas, la peur est une manne pour ceux qui l’instrumentalisent : «  La peur navigue dans notre cerveau entre réalité et fiction. Nos dirigeants depuis de nombreuses années manient cette peur de tout. La peur ici s’assimile le plus souvent à la perte : perte de nos droits, perte de la nationalité, perte de perspective pour nos vies, perte de notre retraite, chômage, sécurité sociale. (…) Notre œil se vautre sur les statistiques et autres sondages qui aiguillent de plus en plus nos façons de penser et de prendre la vie, voire la marche inconsciente de nos actions pour nous protéger d’un ennemi invisible.»

Les comportements induits en réaction à la peur, à l’échelle de l’individu et du groupe sont astucieusement décortiqués. La capacité motrice de cette émotion, le plus souvent présentée comme paralysante, n’est pas oubliée du metteur en scène : « La peur comme personnage entre dans nos vies et n’a plus de nom, elle est là. Sourde en nous, elle alimente nos réactions aux quotidiens, elle habite nos vies comme un virus. Depuis toujours elle est ce qui alimente aussi nos désirs de vie et celle aussi qui crée les révolutions lorsque plus aucune porte de sortie ne semble exister. »

Au-delà de la dimension politique de la pièce, affleurant de manière sous-jacente, la réflexion portée est philosophique. L’adage sophocléen tout est bruit pour qui a peur est illustré de manière audacieuse par l’écriture contemporaine d’Hubert Colas, elle-même grandie par une mise en scène propice à alimenter la paranoïa. Un sentiment d’oppression jaillit d’une scénographie pensée de bout en bout afin d’instiller des angoisses chez le spectateur qu’il peine à nommer. Ainsi, l’espace scénique est investi par des acteurs aussi inattendus qu’inquiétants, comme un Mathieu Poulain, alias chanteur d’Oh ! Tiger Mountain, tandis qu’une nuée d’oiseaux projetée en image renvoie à nos peurs les plus obsédantes.

Le spectacle est à voir au théâtre du Merlan, du mardi 14 au jeudi 16 février, à 20h30. Réservations et informations au 04 91 11 19 30 ou sur le site su Merlan :  www.merlan.org . Tarifs : de 3€ à 20€

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Avenue Raimu, 13014 Marseille, France

 

 

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