Georges Cristiani, président de l’union des maires et éditeur de gazettes municipales

Enquête
le 16 Juin 2018
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Devenu en quelques années un important acteur politique du département, le maire de Mimet, président de l'union des maires et vice-président de la métropole Georges Cristiani poursuit en parallèle une activité d'éditions de journaux municipaux. Où les trajectoires politique et entrepreneuriale s'entremêlent.

Georges Cristiani, président de l’union des maires et éditeur de gazettes municipales
Georges Cristiani, président de l’union des maires et éditeur de gazettes municipales

Georges Cristiani, président de l’union des maires et éditeur de gazettes municipales

Le maire serre une main, son adjoint coupe un ruban, la Poste change ses horaires, une nouvelle boulangerie a ouvert le mois dernier, Marguerite est décédée, Maxime est né. Dans bien des communes, le journal municipal est la principale source d’information sur la vie du village. Les plus petites notamment ne peuvent compter sur une couverture régulière de leurs actualités dans la presse quotidienne régionale par les correspondants locaux. La publication de la mairie est donc indispensable et joue un rôle politique clé. En témoignent les nombreux recours d’opposants pour faire respecter leur droit d’expression dans ces colonnes.

Dans ce milieu des publications communales, un homme s’est forgé une certaine expérience. Depuis 1987, Georges Cristiani édite des journaux municipaux. Maire de Mimet à partir de 2001 puis devenu président de l’Union des maires du département en 2014 et plus récemment du centre de gestion (qui gère les carrières des fonctionnaires municipaux du département), il a conservé son entreprise, C et C, et continue ses activités dans nombre de communes.

Marsactu a ainsi retrouvé trace de plus d’une dizaine de communes du département ayant fait appel à ses services, de droite comme de gauche, comme aime à le souligner le maire sans étiquette. Il a ainsi travaillé ou travaille encore à Auriol, Fuveau, Gréasque, Peynier, Meyreuil, Saint-Paul-Lez-Durance, Carry-Le-Rouet, Trets, Berre et même Mimet avant qu’il en devienne le maire et décide de gérer son journal “en interne, à la mairie” se muant à l’occasion en photographe.

Comment cet élu peut-il à la fois exercer une forme de leadership politique sur des maires – son activisme contre la métropole lui a aussi valu d’en devenir vice-président – tout en restant leur fournisseur ? C’est la question que nous avons cherché à creuser.

Dans ses présentations publiques Georges Cristiani n’a jamais fait état de cette activité évoquant simplement un cabinet d’études quand il ne déroulait pas ses compétences en biologie marine, lui le docteur décoré du mérite maritime. Son ascension politique est finalement récente. Il a succédé à Roland Darrouzès en 2014 à la présidence de l’union des maires, en plein combat contre la métropole. Ses qualités de tribun, au caractère éruptif mais jovial, l’ont érigé en porte-parole combatif au service des “petits maires”. Jamais dans les présentations d’alors, il n’a été fait état de ce rôle de prestataire des mairies qui le faisait se déplacer de l’une à l’autre. Ses trajectoires entrepreneuriales et politique semblent forcément très liées.

“Je n’allais pas arrêter de travailler”

“Je n’ai pas toujours été maire de Mimet et cela fait trente ans que je fais ce métier. Vous savez, quand on est maire d’une commune de 5000 habitants, ça ne suffit pas à gagner sa vie. Je n’allais pas arrêter de travailler”, nous explique Georges Cristiani. Difficile en effet de se contenter du millier d’euros d’indemnités qui agrémente la fonction. Très pris par leur fonction d’élu, les édiles encore actifs ont souvent du mal à conserver une activité professionnelle dans le même temps.

Alors se construit parfois un petit écosystème permettant aux édiles de joindre les deux bouts : jetons de présence dans certaines institutions parapubliques, fonctions dans le cabinet du maire d’une autre commune ou d’assistant parlementaire, prestations d’avocat auprès des mairies voisines, petit marché de travaux ou de communication selon les compétences, emplois peu chronophages…

En devenant vice-président de la métropole puis du centre de gestion, Georges Cristiani a pris du galon et sa situation a changé en conséquence. Il peut désormais vivre très correctement de la politique. Tous mandats et fonctions cumulés, l’élu émarge aujourd’hui à 5000 euros bruts par mois. De quoi diminuer la nécessité de poursuivre une activité parallèle.

Conflit d’intérêts ?

Georges Cristiani aurait-il dû alors prendre ses précautions face à un potentiel conflit d’intérêts ? “Mais il n’y a pas de conflit d’intérêts, jure-t-il. Vous regardez le cliché maintenant mais je fais cette activité depuis 30 ans et je n’ai pas gagné un seul marché supplémentaire depuis que je suis président de l’union des maires. Vous me voyez aller voir un maire et lui demander de me confier son journal ? Ce n’est pas concevable, allons ! Pendant cette période, j’ai même perdu des marchés que j’avais, y compris dans des communes où je connais très bien le maire. J’aurais pu demander d’être regardé positivement, je ne l’ai pas fait. J’étais moins bon et j’ai perdu, c’est tout.”

Vérifications minutieuses faites, Georges Cristiani dit en effet la vérité. Ces trois dernières années, C et C n’a pas engrangé de nouveaux marchés et en a perdu. Elle a en revanche continué à remporter des marchés qu’elle possédait déjà comme à Trets en ce début d’année. Dans cette commune, le maire Jean-Claude Féraud est un très proche de Georges Cristiani avec qui il a monté un parti, Maires de Provence, destiné à incarner le soutien des édiles à Martine Vassal. Cristiani travaille pour la mairie de Trets depuis plus de dix ans.

Proximité politique et relations commerciales

Un marché comme celui-là, parmi les plus gros réalisés par C et C, représente un montant hors taxe entre 15 000 € et 42 500 € pour “la réalisation des journaux et bulletins d’information” selon le rapport du maire au conseil municipal du 17 avril dernier. Sur les derniers comptes annuels publiés, en 2016, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 161 800 euros pour un résultat négatif de 6400 euros. Cette même année, Georges Cristiani, unique actionnaire, a reçu 27 033 euros de traitements.

Un autre cas intéressant est celui d’Auriol où C et C opère de longue date. La maire Danièle Garcia a un point commun avec Georges Cristiani. Elle aussi tient la mairie depuis 2001. Durant cette campagne, elle fait appel à un prestataire, Georges Cristiani, “et j’ai gardé toutes les factures”, assure-t-elle. Une fois élue, à l’heure de construire le nouveau journal municipal, c’est Cristiani qui est choisi. Aujourd’hui dans l’opposition, Alain Goléa était à l’époque adjoint à la communication : “Avec une personne de l’équipe qui travaillait à La Provence, nous avions soumis notre projet au maire en lui disant qu’il faudrait un appel d’offres. Elle m’avait répondu que ce n’était pas la peine et que ce serait Georges Cristiani. Il se proposait à bas prix pendant la campagne et disait en échange “si tu gagnes, c’est moi qui tire le bulletin municipal””, assure aujourd’hui l’élu.

Georges Cristiani jure lui que ces accusations sont “du n’importe quoi ! J’éditais déjà le journal municipal d’Auriol avant que madame Garcia devienne maire. J’ai continué après, c’est tout”. Danièle Garcia assure elle aussi que “tout a été fait dans les règles la première fois et cela a été renouvelé par appel d’offres après puisque la loi avait changé”. Quant à savoir pourquoi avoir choisi Georges Cristiani, la réponse fuse : “Ben, parce qu’on le connaissait !”. Sans franchir la ligne blanche de la loi, George Cristiani entrepreneur et Cristiani George homme politique parcourent les même routes du département et serrent les mêmes mains.

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Commentaires

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  1. Michel Samson Michel Samson

    J’aime beaucoup ces articles, très informés, qui racontent comment fonctionne le monde politique. Tranquillement, sans jugement moral
    Un monde souvent décrié par des acteurs sociaux qui rêvent d’un monde idéal et n’aiment pas beaucoup qu’on décrive leur propre monde, ses réseaux, ses connivences ordinaires… Un monde social quoi !

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Oui, cet article donne plus à réfléchir sur le statut des “petits” élus qu’à les blâmer

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  2. julijo julijo

    Une porosité certaine entre intérêts « communaux », collectifs et dépendant d’un mandat électif, démocratique et des intérêts particuliers et personnels.
    Article très intéressant et significatif d’une certaine façon d’envisager une carrière politique au service d’une commune.
    Doit-on jeter le bébé et l’eau du bain. Même si on pense généralement qu’un « élu » doit se trouver exempt de tout soupçon d’intérêt personnel au détriment d’un intérêt collectif qu’il doit représenter, on ne peut s’empêcher de supposer que tout ceci n’est pas forcément si grave ( et semble dans ce cas, sous contrôle)….les électeurs d’élus soupçonnés et/ou condamnés d’abus de biens sociaux ou autres délits (si légèrement souvent), ont fait la preuve quelquefois que ça ne gênait en rien leur réélection…
    Il y a des attitudes de certains élus qui sont choquantes. Sont-elles pour autant illégales, anti-démocratiques, non respectueuses du mandat confié ?
    A vu de nez, des modifications du cumul et de la durée des mandats pourraient résoudre certaines « dérives », des verrous, préfecture ou cour des comptes, pourraient être posés au plus près…cependant installer la « peur du gendarme » peut-elle suffire…
    Oui, un monde social, les deux pieds posés sur le sol, dans la réalité. Si loin d’un monde idéal.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    On comprend mieux, maintenant, pourquoi il y a des points communs entre les journaux internes de mairies différentes.

    On se souvient qu’au moment de la création de la métropole, plusieurs d’entre elles avaient publié une plaquette de propagande un poil caricaturale dont l’iconographie choc (barres d’immeubles des quartiers nord de Marseille vs charmant village provençal) était identique. Ainsi, celle de Meyreuil : http://www.ville-meyreuil.fr/upload/Meyreuil%2520Infos/meyreuil-metropole-internet.pdf

    Du coup, quelle est l’influence de M. Cristiani sur le contenu de ces journaux, compte tenu de ses positions personnelles tout sauf neutres sur certains sujets locaux ?

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  4. martine Colombani martine Colombani

    comment ça ? l’axis mundi de la vie politique bucco-rhodanienne perçoit des indemnités ? dans le discours des voeux il disait que les mandats étaient pratiquement tous bénévoles, et lisait le dernier bulletin municipal -si, si il est sur le site officiel- vous verrez que chaque fois qu’il peut il met bénévole.

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  5. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    C lient ou fournisseur ? N’y a t’il pas une coquille ici : Comment cet élu peut-il à la fois exercer une forme de leadership politique sur des maires – son activisme contre la métropole lui a aussi valu d’en devenir vice-président – tout en restant leur client ? C’est la question que nous avons cherché à creuser.

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      En effet, bien vu ! Je corrige. Merci de me l’avoir signalé !

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