Au foyer pour mineurs Calendal, les salariés crient leur souffrance
Deux ans après les premières alertes à leur direction, les salariés du foyer Calendal sont en grève. Ils dénoncent une souffrance au travail alimentée par leur management, mais aussi un manque de reconnaissance de leurs missions auprès d'adolescents aux parcours de vie chaotiques.
Une partie des salariés en grève devant le foyer calendal, ce lundi.
Un œil goguenard, une curiosité, voire un soutien. Depuis lundi, les adolescents du foyer Calendal voient leurs éducateurs dans une autre posture que le travail social et d’insertion : la grève, drapeaux de la CGT bien en vue. Dépendant de l’association Fouque, cet établissement du 5e arrondissement accueille des mineurs ou des jeunes majeurs placés par les services de l’aide sociale à l’enfance (conseil départemental) ou la protection judiciaire de la jeunesse (ministère de la justice). Certains ont été mis à l’abri d’un contexte familial violent ou ont fui la guerre dans leur pays, d’autres ont déjà une ou plusieurs condamnations pénales.
“Dans le milieu médico-social, il est extrêmement rare de voir les salariés faire grève car ils pensent toujours aux usagers. Mais au bout d’un moment, quand les salariés souffrent, les usagers aussi par ricochet”, commente Christian Barde, délégué du comité central d’entreprise. La situation dépeinte par le tract des salariés grévistes est grave : “souffrance au travail, climat de peur, inégalités, licenciements, traitements de faveurs, pressions psychologiques, maltraitance institutionnelle, propos discriminatoires et harcelants”.
Dialogue de sourds
Reçus lundi par la direction générale, les grévistes se disent “étonnés de l’absence de réponse satisfaisante” estimant dans un document rédigé mardi que “la montage accouche d’une souris”. “Ils ont pourtant entendu nos collègues grévistes qui leur ont dit notre souffrance”, raconte Nadine Djafar, déléguée CGT. Jointe mardi soir, la direction assurait travailler avec l’objectif d’une sortie de conflit ce mercredi.
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Actualisation le 24 février à 16h :
Les grévistes ont levé le mouvement ce mercredi. Plus d’informations ici.
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Un signe que cette fois-ci le message est passé ? “Chaque fois qu’on a posé les problèmes, la direction générale a fait la sourde oreille. Elle était dans une position d’attente“, raconte Christian Barde. C’est que la crise couve depuis au moins deux ans, au fil des alertes : d’abord en 2014 en comité central d’entreprise, puis via une mission sur les risques psycho-sociaux confiée début 2015 au cabinet d’expertise Secafi. Rendu en septembre, son rapport “n’a fait que rendre scientifique, mettre des mots, sur ce que les gens ressentent”, commente un salarié. Cette situation n’est pas sans rappeler la crise révélée par Marsactu au sein de la Chrysalide, autre grosse association marseillaise du secteur médico-social.
D’autres établissements concernés
Selon les grévistes, la direction assure être en train de tirer les leçons du rapport et a proposé la mise en place d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Trop incertain, trop long, estiment-ils. Leur proposition de “protocole de fin de conflit” pose comme “préalable” la “mise à l’écart des acteurs de l’équipe d’encadrement reconnus comme s’opposant formellement au processus d’amélioration des conditions psychiques et physiques de la situation de travail”. Par cette longue formule alambiquée, les grévistes visent un chef de service dont les méthodes de management sont, pour eux, à l’origine de bien des problèmes. Interrogé par la Marseillaise, le directeur du foyer Calendal Bernard Eynaud se refuse pour sa part à entrer dans “une logique de bouc-émissaire”.
“Beaucoup d’établissements sont dans la même problématique”, reconnaît Christian Barde. Vieille maison issue des œuvres de l’abbé Fouque au tournant des XIXe et XXe siècle, l’association emploie plus de 600 salariés sur dix établissements. En 2014, c’est au centre Fouque de Saint-Tronc qu’un mouvement de grève éclatait ; un an plus tôt c’était aux Écureuils. Venu rendre visite aux grévistes mardi, un éducateur du site de Saint-Tronc témoignait de difficultés bien actuelles avec de nombreux arrêts de travail. Pour Christian Barde, une extension du mouvement est tout à fait possible. Le point commun selon lui ? “Une gestion basée sur la rentabilité, l’aspect comptable” malgré une “situation financière très saine”.
“Perte de sens”
Dans les mots des salariés, ce sont les conditions d’exercice du métier et sa reconnaissance qui sont en jeu, au-delà des questions personnelles. “On ne prend plus des jeunes, on accueille des « prix de journée » [financement du conseil départemental, ndlr]”, résume une éducatrice. Une fois la discussion lancée, ses collègues évoquent “une déontologie mise à mal”, une “perte de sens”. Plusieurs citent un épisode de juillet 2014 avec un mauvais coup porté par un éducateur tentant de maîtriser un adolescent qui le menaçait d’une fourchette. Ils dénoncent le manque de soutien du chef de service qui a au contraire mis en route la machine administrativo-judiciaire : licenciement, poursuites pour violence sur mineur… “Nous avons une direction générale qui n’a pas vraiment de connexion avec le terrain, le métier. C’est pourtant elle qui recrute les cadres et non les directeurs d’établissements”, note un salarié.
De son côté, le conseil départemental se dit “attentif à ce qu’il s’y passe. On leur confie des enfants.” La collectivité a échangé avec les salariés ce mardi et se dit prête à les recevoir si les négociations reprennent. Sur un budget de l’association de 32 millions d’euros, la quasi totalité est issue des financements publics du CD13 et du ministère de la justice.
Commentaires
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A la séparation de l’Eglise et de l’état, la bonne bourgeoisie marseillaise s’est offusquée de laisser aux soins de l’Etat la prise en charge des enfants dont elle s’occupait. “Ah oui mon brave, Dieu les sauvera…. ” C’était la charité pour les nécessiteux. Entrée en résistance contre la loi de 1905, cette bourgeoisie a légué de magnifiques demeures pour faire perdurer l’éducation catholique . Ils sont pour beaucoup restés dans les conseils d’administration et c’est difficile de lutter puisqu’ils nomment leurs directeurs, désormais formés et laïques certes, mais devant tout de même rendre des comptes à la hiérarchie….Toutes ces instituions sont malades de leurs (dys)fonctionnements. Cela est souvent lié à du népotisme, du bon “piston” et du fonctionnariat (subventions, ASE…), les institutions renouvelant les agréments sans trop regarder (pendant ce temps on sait quoi faire de ces enfants). Le personnel, en bout de chaîne trinque entre institutions malades, prise en charge des enfants et parents déboussolés, exigeants souvent.
Le problème était soulevé pour la Chrysalide le 9/02 par Marsactu.
Fouillez encore et vous en trouverez bien d’autres. Pourquoi ? Parce que le travailleur social, quel qu’il soit, n’est jamais en grève pour des raisons relatées dans l’article.
J’ai démissionné pour ces mêmes raisons en 1997 d’une autre grande institution, je vois que rien a changé. Mais à l’époque on en parlait pas : on partait, écrasé par l’omerta et les magouilles.
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