Face au drame, Gaudin sans regrets ni réponses

Actualité
le 9 Nov 2018
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Ce jeudi, Jean-Claude Gaudin tenait une première conférence de presse en mairie suite au drame de la rue d'Aubagne. Il y a réaffirmé la confiance en son équipe et ses choix politiques en matière d'habitat. Il "ne regrette rien" et ne démissionnera pas.

Face au drame, Gaudin sans regrets ni réponses
Face au drame, Gaudin sans regrets ni réponses

Face au drame, Gaudin sans regrets ni réponses

C’est avec son habituel air serein que Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille depuis vingt-trois ans, s’assoit ce jeudi au centre d’une brochette d’élus aux traits tirés pour une conférence de presse extraordinaire. Ce lundi, deux immeubles fortement endommagés de la rue d’Aubagne, dans le quartier de Noailles, se sont effondrés. À ce jour, sept personnes sont officiellement déclarées mortes dans les décombres. Les opérations de recherche sont loin d’être finies. De toutes parts, sa responsabilité est mise en cause. D’abord parce que la Ville était propriétaire — via Marseille Habitat — d’un des deux immeubles effondrés. Ensuite parce que cet effondrement meurtrier est vu comme la conséquence d’une politique de lutte contre l’habitat indigne indigente depuis son arrivée au pouvoir.

Face à une foule de journalistes venus l’entendre justifier sa politique de lutte contre l’habitat indigne, il tape sur la table. Un souci technique empêche le démarrage de la conférence de presse. Directeurs de service, membres de son cabinet, tous ont un air grave qui contraste avec la bonhomie habituelle qu’affiche le maire en lisant un discours écrit par d’autres.

“Je souhaite, au nom de la ville de Marseille, rendre hommage aux personnes décédées et disparues et je m’incline devant la douleur des proches de ces hommes et de ces femmes disparus”, entame Jean-Claude Gaudin, sans que sa voix n’exprime une quelconque émotion. Devant un parterre de journalistes, où la tension et l’attention sont à leur comble, l’édile ajoute : “L’heure n’est pas à la polémique, ni à l’expression d’intérêts particuliers.” Et, juste après avoir évoqué la “dignité à l’égard des familles qui s’impose à tous”, lui-même n’attend pas longtemps pour vanter l’action municipale sur un mode défensif.

“Nous avons fait tout notre possible”

Le maire félicite chacun pour les efforts faits sans compter après le drame, auprès des évacués et des familles de victimes. Il répète à l’envi le mot “solidarité” dont font preuve ses équipes. Il insiste ainsi sur l’arrêté pris permettant “la déconstruction des deux immeubles 69 et 71”, pour “éviter l’effondrement des immeubles contigus”. Comme si le pire ne venait pas déjà d’arriver.

“Il s’agit d’un événement exceptionnel, qui n’est arrivé en vingt ans qu’une seule fois, au pied de la gare Saint-Charles, il y a quelques années”, tente de minimiser Jean-Claude Gaudin, qui décrit sa collectivité comme “consciente du problème de l’habitat indigne”, active sur le sujet et qui a fait “tout ce qui était en [son] possible”.

Depuis plus de vingt ans, nous sommes porteurs, mon équipe municipale et moi, d’une ambition forte pour la réhabilitation des secteurs dégradés et indignes. Cette ambition s’est traduite par des actions multiples, importantes et constantes”, avance-t-il sans hésiter. Des actions censées concerner “tout le périmètre de la ville”. En appui de ses dires, il sert un pot-pourri d’actions et de plans, parfois hors contexte et très souvent hors centre-ville.

“Moi ? Démissionner ?”

Projets financés par l’Agence nationale de rénovation urbaine dont environ 90 % se trouvent dans les cités du Nord de la ville, opération de rénovation de l’immense copropriété de Bellevue, dans le 3e, entamée voici vingt ans et toujours en cours, chèque premier logement en faveur de l’accession sociale à la propriété… Ces mesures mises de côté, il ne reste que peu de choses dans le discours du maire à avoir directement trait à la lutte contre l’habitat indigne dans le cœur de ville marseillais. Un mal qui touche à Noailles 48 % des logements.

Mais ce chiffre, il le balaie comme il rejette le rapport Nicol (lire notre entretien). “Ce monsieur a passé à peine quelques jours ici, il n’a eu que les éléments que nous lui avons donnés, il a été de parti pris de manière extraordinaire”, fustige-t-il sans voir de contradiction entre les deux éléments. “Nous aurions aimé que monsieur Nicol nous fasse des propositions” alors même que le rapport est construit sur une longue série de préconisations que l’État et la Ville devaient mettre en œuvre dans un calendrier précis.

Peu importe ce constat. Il n’a pas de regret. Peu importe que le budget alloué au logement chaque année, soit 15 millions, représente un tiers de la patinoire de 56 millions construite par l’opérateur en charge de la rénovation du centre-ville, Marseille Aménagement, prédécesseur de la Soleam. Il insiste : “Pour tout vous dire, je ne regrette rien. D’autant plus que la patinoire a été payée intégralement et sans aide extérieure par la Ville de Marseille, et qu’elle a eu un grand succès. Par conséquent…, s’arrête-t-il avant de se reprendre. Mais on ne peut pas comparer ! Et si on veut nous amener sur un terrain un peu plus politique, nous avons 14 chantiers de l’ANRU avec des sommes considérables dont 13 sur 14 sont dans le secteur Nord, et ce n’est pas là que je suis élu.” Une sortie surprenante pour celui qui se présente maire de Marseille, une et indivisible.

Reste la question fatidique, celle d’une éventuelle démission induite par l’échec d’une politique de lutte contre l’habitat indigne qui s’est transformée ce lundi en drame. Passée la surprise et pour évacuer la question, Jean-Claude Gaudin joue la carte de la phrase toute faite. “Moi ? Démissionner ? Mais enfin, le capitaine ne quitte pas le navire quand il y a une tempête.” Mais si le maire ne montre pas une once de malaise, à ses côtés, certaines mains tremblent.

L’adjointe au logement lâchée dans la tempête

Arlette Fructus, adjointe au maire au logement et présidente de la société publique Marseille Habitat, propriétaire de l’immeuble vide au n°63, a elle fait preuve d’une vive énergie pour défendre son travail et sa responsabilité. “Cet immeuble, sous le coup d’un arrêté de mise en péril, a été muré et sécurisé”, n’a-t-elle de cesse de rappeler, sans pouvoir en dire plus sur la réalité de la situation mais avec, toujours aux lèvres, l’argument des poings liés.

“Que pouvait faire la Ville ? Nous ne sommes pas restés les bras ballants mais notre action est encadrée par la loi et contrainte par des procédures obligatoires”, se défend-elle, le regard endurci de colère retenue. L’élue centriste, qui avait dû il y a peu faire face à une fronde du parti LR lors de l’élection des vice-présidents de la métropole où elle occupe des fonctions complémentaires, se trouve bien seule ce jeudi (voir les dernières élections métropolitaines). Après la traditionnelle séance de questions micros tendus, le maire la laisse seule en tribune. Aucun technicien ne l’accompagne, sauf les communicants présents en masse.

Martine Vassal toujours muette

Face à l’assaut des journalistes laissés sur leur faim, Arlette Fructus n’a pu compter que sur elle-même. La maire de secteur Sabine Bernasconi — qui n’a jamais entendu parler du “permis de louer” — est partie, le maire du 6/8 Yves Moraine — qui n’a pris la parole que quelques secondes en une heure et demie — aussi, Patrick Padovani, adjoint à la santé — chargé des dossiers logement où il est question de salubrité… tous ont quitté leur chaise en un claquement de doigt. Alors qu’une enquête pour blessures et homicides involontaires a été ouverte par le parquet, l’adjointe au logement ne défend sa responsabilité que sur le plan politique. Sans vraiment répondre aux questions sur la sécurisation du bâtiment dont la société qu’elle préside était propriétaire, elle est exfiltrée très vite vers le bureau du maire.

Elle seule se retrouve à porter le bilan de la politique de lutte contre l’habitat indigne. Sans l’adjointe à l’urbanisme Laure-Agnès Caradec qui chapeaute pourtant en partie les questions liés aux périls. Sans le président de la Soleam, Gérard Chenoz, qui a longtemps été l’adjoint au centre-ville avant de prendre la tête de l’aménageur. Tous deux sont dans le Nord (le département) pour un congrès de la fédération nationale des agences d’urbanisme.

Il est une autre personnalité qui a, pour le moment, brillé par son absence. Présente sur les lieux le jour de la catastrophe, comme beaucoup d’autres politiques, Martine Vassal s’est contentée d’un commentaire sur les réseaux sociaux. Alors que la présidente de la métropole partage la compétence de la lutte contre l’habitat indigne avec la Ville, elle ne s’est pas montrée depuis plusieurs jours sur ce sujet. Questionnée sur la raison de son absence ou sur une éventuelle prise de parole tardive, son service de presse n’est jamais revenu vers Marsactu. Entre déni assumé et indifférence apparente, difficile de dire ce qui est le pire.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Merci pour cet article qui pointe clairement les différents acteurs, responsables de l’urbanisme et de l’habitat. Leur discours et leur attitude sont toujours les mêmes, quels que soient les sujets. Et même maintenant face à un drame. Honte à eux. On peut affirmer que l’incompétence, l’immobilisme, le mépris social tuent à Marseille.

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  2. François Mouren-Provensal François Mouren-Provensal

    Malgré la tentative de mise en scène tout ceci manque cruellement de dignité

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  3. Laurentbouisset8 Laurentbouisset8

    Merci beaucoup, Violette Artaud, pour la justesse de cet article reflétant bien l’esprit horripilant de cette conférence de presse ; et merci également à Benoît Gilles d’avoir posé la question de la démission à l’auguste, éclairé et non moins valeureux capitaine de rafiot.

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  4. pierre-yves pierre-yves

    Très fier de participer modestement à ce beau travail journalistique : Bravo Marsactu

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  5. LaPlaine _ LaPlaine _

    On notera, en corollaire, le dégonflement de la baudruche Vassal qui n’assume déjà rien et se terre quelque part “entre la ville et la métropole”. C’est ce type de personne, demain encore, la patronne du territoire? Et Bruno Gilles le “renouveau” de Marseille, ou est-il? Et toute ces campagnes d’affichage souriantes et vide de sens “Aimer la France”, aiment-ils déjà leur ville et ses habitants?

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  6. Zumbi Zumbi

    Ce qui est particulièrement crade dans ce petit théâtre c’est que neuf principale urgence…. est de tout coller sur le dos d’Arlette Fructus, dont ils cherchaient à se débarrasser depuis un bon moment. Et si eelle décidait de lâcher tout ce qu’ elle sait ?

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  7. manu théron manu théron

    Bravo Violette Artaud pour cet article, et bravo à Benoît pour poser les bonnes questions aux bonnes personnes au bon moment ! Mr Gilles, La mairie vous le demande, arrêtez de les tourmenter avec vos questions, car ils souffrent, savez-vous ? Quelle indignité ! Pas de minute de silence. Pas de proposition de journée de deuil. Pas de rassemblement de toutes les composantes du territoire autour de cette tragédie. Chacun rentre chez soi, Moraine boit du champagne en mangeant du chocolat à Bagatelle, et Mme Bernasconi joue à Martine Infirmière, en attendant de retourner admirer les travaux de l’îlot Feuillants. Il va falloir leur expliquer ce que c’est qu’un être humain …

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  8. toine toine

    Qu’il laisse son poste! Son bilan est minable comme son équipe!
    Du balai, il est temps de reconstruire Marseille dans tous les sens du terme!

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  9. Jean Peuplus Jean Peuplus

    Bof, intervention élaborée par des professionnels de la communication (un peu comme ceux recrutés à grands frais depuis Paris par le Département) dont les conseils en cas de crise reposent sur une stratégie Défense/Attaque bien huilée, où chaque intervenant selon un déroulé établi (attitude comprise) développe les points de défense :
    – Des élus la main sur le cœur s’indignent par la mise en cause de leur responsabilité dans cette tragédie alors qu’ils mènent depuis des années une politique volontaire.
    – Globalisation des crédits consacrés : Amalgamer sous le registre les dépenses de façon à faire apparaitre un montant exorbitant. Tout le monde ne sait pas que dans un budget local il convient de regarder les crédits votés (affichage politique) et ceux réalisés (reflet réel de l’état d’avancement des projets).
    – Orientation vers d’autres responsables : l’Etat qui ne facilite pas l’action des Collectivités et les marchands de sommeil qui profitent de la misère.
    – Esquiver les réponses embarrassantes en avançant le motif d’une instruction.
    Voila, la messe est dite, les élus peuvent continuer à déguster des chocolats ou à jouer les fantômes en prévision des prochaines élections, trop contents de ne pas voir leurs noms associés à cette affaire.

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  10. Mars1 Mars1

    Le problème c’est qu’on retrouve les mêmes à tous les postes de commande, municipalité , métropole, département etc. Ils sont accrochés à leurs sièges et à leurs privilèges de notables qui ne se déplacent qu’en voiture avec chauffeur et ne mettent jamais les pieds dans les quartiers du centre ville ou de la périphérie, sauf avant les élections pour se montrer au bon peuple.
    Il n’y a rien à attendre de tous ces individus, ni regret ni compassion envers les victimes de leur négligence et de leur incompétence notoires. Après les enquêtes du Parquet financier, que la Justice établisse les responsabilités dans ce drame et fasse payer ceux qui ont laissé mourir ces gens.

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