Exceptionnel ou dépassé : choisissez votre Gaudin

Exceptionnel ou dépassé : choisissez votre Gaudin

Jean-Louis André revient à Marseille retrouver son professeur du collège Saint-Joseph-les Maristes qu'il n'a pas recroisé depuis 34 ans. Entre temps, l'enseignant d'histoire-géo est devenu maire de Marseille, l'élève, documentariste. Le produit de ces retrouvailles tient en 52 minutes qui seront diffusées le 1er décembre par France 3 Provence-Alpes (et déjà en ligne). Le film s'articule essentiellement autour des apparitions publiques du sénateur-maire de Marseille, entrecoupées de scènes plus intimes, dans la maison familiale de Mazargues, au restaurant ou à l'arrière de la berline avec chauffeur. En entendant Gaudin, en diminuant au minimum le commentaire et en se passant de témoignages laisse une large place à l'interprétation, sorte de Strip Tease version politique.

Les amis de Jean-Claude Gaudin et sans doute le maire lui-même – puisqu'il les convie ce soir à une diffusion au Pharo- y verront un portrait particulièrement humain d'un amoureux de sa ville. Un Gaudin se déplace, connaît tout le monde, est à l'aise tant dans une assemblée de Comoriens qu'avec les ministres. Il aime les paysages marseillais, narre sa ville entourée de corsets montagneux, connaît son histoire sur le bout des doigts. Son parcours est sans faute et sans tache quand bien même il a désobéi à sa mère en devenant ministre alors que le poste de sénateur offrait une bien plus grande sécurité de l'emploi. C'est peut-être aussi ce Gaudin là que Jean-Louis André était venu chercher.

"Aspergé d'eau bénite"

En entendant Gaudin, c'est aussi le clin d'oeil à Beckett. Qui est cet homme qui ne vient jamais ? Peut-être aussi une part de Gaudin lui-même. Le récit de son parcours s'arrête à sa victoire à la mairie, consécration d'une carrière politique. Il n'évoque pas l'exercice des mandats, les parapheurs défilent sans qu'aucun problème de la ville ne soit abordé, comme si l'action politique concrète n'était jamais venue. Sa ville en chantier, il ne l'aime pas, tranche l'auteur qui, interrogeant Gaudin sur un manque de modernité dans l'architecture se voit répondre : "Nous avons Louvel, nous avons Saha Edine, euh, comment elle s'appelle, celle qui a fait la tour de monsieur Saadé… Zaha Hadid, je crois qu'elle s'appelle".

Pour Gaudin, hors de question de "toucher à l'image de la carte postale marseillaise" et c'est un maire ancré dans le passé ou dans la tradition – c'est selon – qui est dépeint. Le maire est tout d'abord un homme pieux dans sa posture bonhomme. Il inaugure une cloche à son nom à Peypin sans y voir d'entorse à la laïcité : "Les Marseillais savent que je suis aspergé d'eau bénite". Ritournelle habituelle.

Quand il tient une bonne formule, il la réutilise, l'use jusqu'à l'os. Des thèmes le hantent comme l'expulsion des Roms de la porte d'Aix pour lesquelles il n'aurait jamais manqué d'humanité. Dans la même veine, il démine devant les Comoriens les propos stigmatisants de Guéant. Le documentariste le renvoie alors vers ses alliances avec le Front national. Le maire évoque un Front de l'époque pas aussi dur que celui de Le Pen et une discussion avec l'archevêque des valeurs "contraires à l'Évangile", seule vraie référence évoquée tout au long du film. Le portrait s'achève sur un Gaudin écrivant ses mémoires à la main avant que celles-ci ne soient "tapées à la machine". Il rêve qu'on se souvienne de lui comme "un bon maire qui a géré du mieux qu'il pouvait une ville pauvre". Pour cela comme pour le reste du documentaire, on vous laisse juge.