Entre Sophie Joissains et Martine Vassal, le divorce est acté

Actualité
le 19 Nov 2021
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La nouvelle maire UDI d'Aix-en-Provence a décidé en pleine séance du conseil de métropole ce vendredi de lâcher la présidente LR de l'institution. Une rupture sur fond de critiques particulièrement appuyées des positions politiques de l'élue marseillaise.

Sophie Joissains démissionne de sa vice-présidence en plein conseil de métropole.
Sophie Joissains démissionne de sa vice-présidence en plein conseil de métropole.

Sophie Joissains démissionne de sa vice-présidence en plein conseil de métropole.

“On va passer au vote…” Ce vendredi après-midi, Martine Vassal (LR) vient de refermer le débat d’orientations budgétaires pour 2022, dans un contexte très particulier. Les orateurs inscrits se sont exprimés chacun leur tour. Puis une main se lève, celle de Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence. Surprise, Martine Vassal refuse dans un premier temps. Puis se ravise devant son insistance. Ouvrant la voie à une intervention “d’une violence, d’une froideur jamais vue”, dira plus tard un vieux routier de la politique locale.

Posément, Sophie Joissains reproche à la présidente de l’institution de tenir “un double discours”, l’un aux maires, l’autre au gouvernement, dans le cadre des négociations en cours. Et pour tout dire de s’apprêter à une “trahison” en négociant la baisse des reversements aux communes, qui figure dans les principaux casus belli des conditions posées par Emmanuel Macron. “C’est inacceptable madame la présidente”, cingle-t-elle, rompant avec les habituels éloges des rangs majoritaires.

La fin d’une alliance scellée en 2020

Le discours, qui aboutit à la démission de sa vice-présidence dédiée justement à la “réforme métropolitaine”, est déjà un événement politique. En juillet 2020, fragilisée par sa défaite aux municipales, Martine Vassal avait été réélue avec le soutien puissant de Maryse Joissains et du pays d’Aix. Le maintien des équilibres financiers, comme la latitude importante laissée aux mairies faisaient partie des principes de l’alliance, incarnée par la vice-présidence de Sophie Joissains mais aussi celle de Gérard Bramoullé, premier adjoint à Aix, propulsé premier vice-président à la stratégie budgétaire.

“À l’époque j’avais même entendu des louanges de Maryse Joissains pour Martine Vassal. Moi, je n’ai pas vu de changement dans la politique de la métropole”, remarque Yves Moraine. Envoyé au feu pour répondre à la presse, l’élu LR dément tout accord avec le gouvernement. “Le choix du ou des leviers pour trouver les marges de manœuvre financières n’est pas fait et je crois que Martine Vassal n’est pas d’avis de toucher aux attributions de compensation [les reversements financiers aux communes, ndlr].” Il voit donc derrière l’attaque de la maire d’Aix “des objectifs politiques, peut-être une recherche de légitimité”. Une manière d’insister, comme Martine Vassal en séance, sur le fait que Sophie Joissains siège depuis peu en tant que maire alors que c’était sa mère qui portait la liste devant les électeurs.

Si des pressions se faisaient sur Aix-en-Provence par rapport aux projets déposés pour des subventions du département, je n’hésiterais pas à aller au tribunal administratif.

Sophie Joissains

La pique égratigne, mais dans l’hémicycle, l’intéressée en réserve une analogue à une présidente élue “au suffrage indirect […] par l’onction de Maryse Joissains” après avoir perdu devant les Marseillais. Un échange d’amabilités au regard de la suite du discours de Sophie Joissains, qui bascule dans une autre tonalité, celle des ruptures fracassantes, accusant Martine Vassal de “clientélisme institutionnel”. “Je vois aussi autre chose dans cette assemblée, qui me fait très peur. Le fait que vous soyez à la fois présidente de la métropole et du département conduit inévitablement à une pression sur les communes qui ont toutes besoin des subventions du département. Cette pression institutionnelle tient évidemment la parole des uns et des autres. Sachez que si des pressions se faisaient sur Aix-en-Provence par rapport aux projets déposés pour des subventions du département, je n’hésiterais pas à aller au tribunal administratif pour défendre ma commune. Au revoir madame.”

“Je sentais depuis quelques semaines que les relations se tendaient, mais je n’avais pas vu venir ce coup d’éclat”, réagit Yves Moraine. En effet, cette critique n’avait jamais été émise aussi frontalement dans un hémicycle local, même depuis les rangs de la gauche. Mais Maryse Joissains l’avait déjà exprimée, de manière plus voilée, dans un des multiples courriers rendus publics ces dernières semaines. “C’est l’habituelle agression aixoise contre Marseille – la mère insultait Jean-Claude Gaudin, la fille agresse Martine Vassal”, philosophe Yves Moraine.

Entre Joissains et Payan, un nouvel axe Aix-Marseille

Aix contre Marseille, ou contre sa métropole ? Car un courrier, daté de début octobre, contenait un autre élément, tout aussi central dans la crise : “La gestion catastrophique de la ville de Marseille depuis les années 2000, a été celle de nombreux élus de la métropole qui ont aujourd’hui, l’ambition de gouverner de nouveau Marseille en lieu et place d’un maire et de sa majorité, élus démocratiquement.” Alors que Jean-Claude Gaudin concentrait les pouvoirs municipaux et métropolitains, leur dissociation aboutit à une situation d’entente inédite avec la majorité municipale de Benoît Payan (PS). “Martine Vassal a fait ce que les comtes de Provence n’avaient jamais réussi”, ironise le maire PS des 2e et 3e arrondissements Anthony Krehmeier, un très proche du maire de Marseille, comprendre : réunir les deux villes.

Après une rencontre début août, les deux maires ont rapproché leurs positions.

Officiellement, le rapprochement vient du sort fait à la ville-centre par l’exécutif métropolitain. Régulièrement en conseil métropolitain, les adjoints au maire de Marseille défilent au micro pour contester des décisions qui s’appliquent sur leur territoire. “Maryse Joissains avait déjà plusieurs fois dit que ce n’était pas normal que la Ville de Marseille soit traitée de cette manière-là, parce qu’on ne peut pas dénier à un maire de gouverner sa commune, explique Sophie Joissains. Et ils ont eu un rendez-vous [avec Benoît Payan] qui s’est admirablement bien passé le 6 août et à partir de là on a travaillé à voir ce qui pouvait nous réunir.”

Le pilier de ce consensus est une volonté de récupérer davantage de compétences pour les communes. Quant à la contrepartie marseillaise du soutien aixois, elle se lit bien dans les positions adoptées par Benoît Payan, qui ne s’attaquent ni aux attributions de compensation, ni aux conseils de territoire, sauf pour en réclamer un dédié à Marseille.

Pendant ce temps, Martine Vassal observait ce rapprochement de circonstance avec une part de colère. Et entendait faire du remplacement à venir de Maryse Joissains à la tête du conseil de territoire du pays d’Aix un symbole, en faisant savoir qu’elle s’opposerait à une candidature de Sophie Joissains. C’est finalement Gérard Bramoullé, sur la même ligne politique la virulence en moins, qui devrait diriger cette assemblée promise à une disparition rapide. Malgré cela, sa prochaine réunion sera, sans nul doute, très scrutée.

“Vous devriez aller avec la gauche”

Cet axe des maires d’Aix et Marseille n’inquiète pas Yves Moraine, pour qui il n’est pas de nature à faire vaciller la majorité métropolitaine de Martine Vassal. En séance ce vendredi, cette dernière ne résiste tout de même pas à caricaturer. “Vous devriez peut-être changer de côté, aller du côté de la gauche, où vous êtes très défendue aujourd’hui”, lance-t-elle à Sophie Joissains, qui par ailleurs n’est pas membre de LR mais du parti de centre-droit UDI. “En étant de droite on est aussi démocrate. J’ai souvenir d’une séance particulièrement épouvantable où une élue a dû partir, sous les huées, on n’a jamais vu ça en pays d’Aix”, réplique la maire d’Aix

La suite de la séance confirmera qu’à défaut d’être voisins de sièges, droite aixoise et gauche marseillaise avaient désormais des intérêts communs. Après le dépôt inopiné de d’une délibération sur les tarifs réduits de la RTM, la gauche se voit refuser une suspension de séance, pourtant de droit. Après de longues minutes d’esclandre, l’adjointe au maire de Marseille déléguée à la solidarité Audrey Garino (PCF) obtient la parole pour défendre le souhait de la Ville de ne plus en porter la charge financière qui n’est pas de sa compétence.

Ce qui lui attire cette réponse lourde de sous-entendu de Martine Vassal : “Je note que lorsque vous n’êtes pas compétents dans quelque chose, vous ne devez pas intervenir [financièrement]. Monsieur le rapporteur général du budget du conseil départemental, je pense que vous l’aurez entendu comme moi.” Comme un écho aux accusations de la maire d’Aix sur l’utilisation de l’aide aux communes comme moyen politique. Autant dire que les deux maires vont devoir défendre âprement leurs demandes de subventions.

Avec Jean-Marie Leforestier

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “Je note que lorsque vous n’êtes pas compétents dans quelque chose, vous ne devez pas intervenir [financièrement]. Monsieur le rapporteur général du budget du conseil départemental, je pense que vous l’aurez entendu comme moi.”

    Incroyable, cette réplique de la battue du suffrage universel, qui fond littéralement les plombs devant tout le monde. En l’espèce, il s’agissait de revoir une vieille convention entre la ville et l’intercommunalité, convention obsolète et surtout non conforme à la loi, ni plus ni moins. Un sujet purement technique. Mais Madame Vassal en profite pour glisser un petit chantage en mélangeant ses deux casquettes de présidente. C’est d’une vulgarité sans nom.

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  2. Alceste. Alceste.

    Et le “Fou” de la reine qui ramène sa fraise, en invoquant la guéguérre entre Aix et Marseille. Ce pauvre Moraine est pitoyable ,il n’a rien compris de ce qui est en train de se passer et c’est tout ce qu’ils ont trouvé.Concernant la vacherie de Vassal au sujet de l’incompétence, elle sait au moins de quoi elle parle pour une fois, car en matière d’incompétence nous avons avec elle une spécialiste.
    Bonne à rien et mauvaise en tout.

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  3. MPB MPB

    Vassal, Moraine, carrièristes pathétiques

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  4. Dark Vador Dark Vador

    Les adversaires de Macron en viendraient presque à souhaiter sa réélection uniquement dans le but de le voir prendre à bras-le-corps le devenir Marseillais… Misère…

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  5. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Quelle riche idée que de nommer Moraine porte-parole. On note l’évolution du Marseille-bashing : avec Gaudin, maire de Marseille, ancien ministre, ancien sénateur, cela venait de Paris. Avec Moraine, ancien maire de secteur, conseiller municipal d’opposition et conseiller départemental d’un canton acquis à la droite, cela vient d’Aix.

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    • Alceste. Alceste.

      C’est dommage Moraine va être obligé de se priver des chocolats de Puyricard par solidarité avec Martine.C’est dur la politique.

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