Effectifs policiers : le paradoxe marseillais

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le 6 Sep 2011
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Même Jean-Claude Gaudin n’y croyait pas. Marseille est la ville de France, après Paris, qui compte le plus de policiers nationaux au nombre d’habitants. C’est un article du Journal de Dimanche qui le révélait ce week-end : avec un flic pour 305 habitants, Bordeaux (un pour 406), Lille (un pour 428) ou Nantes (1 pour 461). Curieux paradoxe que relève donc le JDD en comparant ces effectifs à la hausse de 7,6% du nombre d’infractions en 2010, soit la plus importante du pays. Des chiffres que la Préfecture des Bouches-du-Rhône s’est empressée de contester, arguant que les infractions peuvent être comptabilisées plusieurs fois. Il n’y aurait en fait que 92 834 infractions,soit une hausse de 1,17%. Sans toutefois démentir le nombre d’environ 3 000 policiers nationaux.

Des policiers plus au bureau que sur le terrain

Au-delà de cette guerre des chiffres, impossible à vérifier tant l’opacité règne autour des services de l’Etat sur cette question, ce paradoxe laisse à penser qu’il existe un vrai problème d’organisation à Marseille, tant on nous répétait à longueur de journées (médias, droite, gauche) qu’il manquait des effectifs sur la ville. Le JDD explique par la voix d’Alphonse Giovannini, secrétaire départemental d’Unité SGP Police (majoritaire et classé à gauche), que les agents seraient plus prompts à faire du chiffre depuis leur bureau que de mettre les mains dans le cambouis, avant de pointer les spécificités de la ville de Marseille et de son organisation délinquante.

Ce qu’explique aussi Diego Martinez, autre délégué syndical Unité SGP, et premier surpris par l’annonce de ces chiffres : « Marseille n’est pas une ville comme les autres du fait de sa superficie très étendue. La circonscription s’est encore agrandie avec le rattachement du secteur de Septèmes-les-Vallons et plan de campagne le 1er août, ce qui requiert le travail d’une soixantaine de fonctionnaires. Si vous les enlevez aux 160 promis par Claude Guéant ça ne pèse plus lourd… Un nouveau préfet, très bien, mais je lui souhaite bien du courage si les effectifs n’augmentent pas, parce qu’il nous faudrait encore minimum 300 policiers« . Mais Diego Martinez ne nie pas que des choses puissent être faites pour améliorer l’organisation et donc l’efficacité des forces de police. Annonces flamboyantes et cars de CRS à la porte d’Aix, des mesures court-termistes qui ressemblent donc à un arbre cachant la forêt de la désorganisation policière marseillaise.

Une ville encore très peu vidéosurveillée

Autre chiffre et autre paradoxe qui, selon cette fois un indiscret du Point de jeudi dernier a fait bondir les conseillers de Claude Guéant avant son déplacement à Marseille : celui des caméras de vidéosurveillance. L’hebdomadaire avance le chiffre de 5. Que le ministère se rassure, il y en aurait en réalité 23, disséminées dans le quartier de Noailles, la rue Saint Férréol et aux abords de quelques lieux publics comme la Mairie. Ce qui ne suffit pas à combler son retard par rapports à Lyon (238 caméras) ou Bordeaux (60). Seule Lille fait figure de ville du même calibre encore non vidéosurveillée : pas de caméras dans l’espace public (hors gare et métro). Mais qu’à cela ne tienne. Jean-Claude Gaudin a pour objectif d’installer 1000 caméras d’ici la fin 2013. Pour mémoire, le Premier ministre François Fillon est venu ce week end rendre une petite visite surprise dans un commissariat du XVème arrondissement, avant de faire un petit tour au Campus de l’UMP. Manque de chance, un homme était tué par balle en plein centre-ville le soir même. Juste avant qu’un Franprix du Cours Lieutaud ne se fasse dévaliser en pleine nuit, les malfaiteurs ayant au passage détruit la caméra de surveillance… Le lot quotidien remarquez, mais décidément, quand ça veut pas, ça veut pas.

Un lien Correction du 7 septembre : Contrairement à ce que nous avions indiqué préalablement, Diego Martinez est délégué syndical d’Unité SGP Police (majoritaire), et non d’UNSA Police. C’est corrigé.

Un lien Pour en savoir un peu plus sur la vidéosurveillance à Marseille : le blog de Phillipe Pujol, journaliste à la Marseillaise.

Un lien L’efficacité de la vidéosurveillance vu par Rue89 et du sociologue Sébastien Roché

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Commentaires

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  1. at engel at engel

    Les chiffres, on leur faire dire ce qu’on veut, et en général surtout n’importe quoi…
    Si Marseille n’est évidemment pas Paris (Grand Paris: 1 flic sur 200 h.), il faut être vraiment être journaliste parisien (“nous et la province”) pour comparer Marseille avec d’autres communes comme Lille (superficie: 1/7; population 1/4), Nantes (~1/4 de la s.; <1/3 de la pop.), Bordeaux (1/5 de la s.; <1/3 de la pop) et Lyon (~1/5 de la s.; presque 1/2 de la pop.).
    Si on prend en compte en plus que les phénomènes de délinquance et de criminalité augmentent avec la taille de la ville – sinon pourquoi pas comparer Marseille avec Moulins (puisqu'on y est) – on arrive déjà à des conclusions tout à fait différentes. On pourrait peut-être commencer par comparer les différentes agglomérations – pour comparer ce qui est comparable – combien de flics sur Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Rillieux-la-Pape, Vénissieux, etc.??!
    Comparer bêtement les différentes communes, cela frise la désinformation!Et ce qu'on nous présente ici, ne relève pas de l'information, mais plutôt de la politique (au mauvais sens du terme).
    Puis on arrive inévitablement aux caméras de surveillance. Aucun débat politique, aucun débat de société, ni sur les droits des citoyens dans l'espace public, les libertés individuelles, et encore moins sur l'utilité; si on regarde ce qui s'est passé récemment en Angleterre – et ce ne sont pas les caméras qui manquent – la force dissuasive reste encore à prouver… arrêter les gens, à chaque fois que tout est en feu me semble pas franchement satisfaisant.
    Mais puisqu'on a bien commencé à installer des caméras (Nice, Sartrouville, etc), on se lance tout de suite dans la compétition: plus il y en a, mieux c'est… évidemment!? Puisque Nice en a plus de 600 (1 pour 600 h.), nous, on en aura 1000 – pourquoi pas 2000, ou 10000…?? Au fond, on sait pas; mais après, il faudra évidemment embaucher pour surveiller tous ces écrans; encore un autre problème…
    Ici on n'est plus dans la réflexion, ni dans l'information, mais dans la démagogie totale.

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  2. eric scotto eric scotto

    Très schématiquement : où il y a un nombre suffisant de policiers et ça ne fonctionne pas où les forces de police ne sont pas adaptées en quantité et en qualité d’organisation et ça ne marche pas non plus. A cela s’ajoutent des “désordres de voirie”, un nettoiement difficile à assumer, une pauvreté croissante et une paupérisation rampante. Si par dessus on rajoute un manque de fermeté et de clarté dans l’expression politique, l’insécurité et son sentiment finiront par brunir les chemises et les corsages. Alors que je préfère des couleurs plus vives.

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  3. Carla2marseille Carla2marseille

    Je suis d accord avec at engel: les chiffres ont leur fait dire n importe quoi et il faut vraiment pas vivre a Marseille pour nous dire qu il y a assez de policiers dans la ville. La realite, c est qu il n y a plus aucune autorite dans notre ville: le jour ou Gueant etait a Marseille il y a eu un assassinat en pleine journee, au moment ou Fillon visitait un commissariat il y a eu un autre assassinat; les cambriolages, les agressions, les vols a l arrache, les trafics en tout genre ne cessent d augmenter. Ca devient insupportable et les journalistes parisiens et les ministres peuvent nous dire ce qu ils veulent, nous qui vivons ici nous savons bien la realite. La verite, c est qu on l impression de plus en plus que cette ville est laissee a l abandon: au dela des problemes enormes de securite, les rues sont de plus en plus degueulasses, les transports en commun sont minables ( en plus on nous annonce encore une greve a la RTM!), les voiries sont dans un etat lamentable, on ne peut plus circuler qu on soit automobiliste ou pieton, pour trouver des places de creches c est la galere. Bref, y a rien qui marche. C est a desesperer!

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  4. kerozene kerozene

    Combien faut il de policiers pour conduire une voiture de policiers ?

    Vous avez peut être remarqué à Marseille comme ailleurs qu’ il y a rarement moins de quatre policiers dans une voiture qui patrouille le centre ville, qu’ il y a rarement moins de quatre cars de CRS qui font le planton devant les matches de l’ OM apaisés depuis longtemps…

    Ceci pour illustrer que le débat sur l’efficacité des policiers, n’est pas un débat d’effectifs, mais un sujet d’organisation du travail qui appelle reformes sur missions des policiers, leur temps de travail, formation et aussi rémunération. Moins de policiers, plus formés, plus rémunérés et mieux équipés.

    Cela rappelle les sujets des effectifs des enseignants ou des éboueurs. Comme il apparait qu’on est incapable de mener des réformes de fond sur la productivité des fonctionnaires, on utilise les effectifs comme variable d’ajustement….politique.

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  5. Casanovette Casanovette

    Politique du chiffre, instrumentalisation de la police en instrument de pouvoir et non plus de service public, opacité, manipulation de l’opinion et des statistiques, fabrication artificielle du chiffre, rentabilisation des infractions “mineurs”, effet d’annonce, coups d’épée dans l’eau, promotions sous forme de “mode”, inutile et inhumaine …

    L’inefficacité dans toute sa splendeur décortiquée ci-dessous … à écouter sans modération !

    http://www.wat.tv/video/regardeavue2005-449pb_2grb7_.html

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  6. VictorHugo73013 VictorHugo73013

    Je ne vois dans tous les commentaires que des critiques contre la police et l’état.
    Et si on critiquait les malfras ?
    Ils sont 4 dans une voiture, OUI, et combien sont-ils en face, et quelles armes ont-ils ?
    Et quelles punitions ont-ils ?
    Français arrêtez de toujours défendre ou plaindre les bandits.

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  7. Marius Marius

    En 2003 un ministre nommé Sarkozy brandissait verbalement un karcher, en promettant de nettoyer l’insécurité.
    En 2011 un président nommé Sarkozy est obligé de se planquer derrière des statistiques démenties par la réalité, et de recommencer à lancer des promesses et des effets d’annonce, du grand baratin.

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  8. kerozene kerozene

    Je réagis au commentaire de Victor Hugo qui regrette que l’ on critique la police au lieu de denoncer les malfrats de tous genres.

    Tu as raison Victor, les malfrats sont bien le point de départ du besoin de policiers.Mais tu conviendras que la delinquance et la criminalité sont differentes suivant les quartiers. J’ ai l’etroitesse d’ habiter à Marseille des quartiers sûrs, où je vois patrouiller des vehicules pleins de policiers et lorsque je les vois intervenir c’est pour mettre des PVs.

    Bien sûr, je comprendrai que dans dans des quartiers moins sûrs, il faille davantage de policiers et davantage de voitures.

    Plus généralement, je veux juste dire que le policier est une ressource essentielle de notre “vivre ensemble” et qu’ il faut se donner les moyens d’organiser son intervention de la manière la plus efficace et utile possible.

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  9. Tresorier Tresorier

    Plusieurs commentaires :

    – les chiffres on leur faire ce qu’on veut (surtout pour faire baisser artificiellement la délinquance : refus d’enregistrer les plaintes, absence d’enquêtes, poursuites ou sanctions, menaces sur les victimes, pertes de temps pour celles-ci, abandon des dépôts de plainte par fatalité,…).

    – on ne peut comparer les autres villes avec Marseille, qui comprend ses banlieues sur son territoire, concentre la pauvreté et la délinquance de sa métropole. Nous avons bien plus de pauvres, clandestins que les autres !!!!

    – on manque de videoprotection sur Marseille, de policiers en nombre dans les rues. Les policiers ne sont ils pas ici pour faire bronzette plus que pour faire leur boulot comme indiqué par le journaliste Arrighi ?

    – Marseille, vue sa grande taille, semble abandonnée par l’Etat dans ce domaine comme dans bien d’autres.

    – si l’Etat abandonne la sécurité des personnes et des biens, il doit le dire et permettre aux gens de défendre leurs droits via des polices pou milices privées voire par eux mêmes. On devrait pouvoir déduire de ses impôts les sommes affectées à sa protection privée.

    Je suis d accord avec Carla2marseille et Joliette13 concernant les espoirs perdus des néo habitants. Il n’ya pas d’autorité dans la ville, que ce soit de l’état, de la région, du CG 13, de MPM, de la mairie ou d’ailleurs. La ville semble à l’abandon et s’autogérer comme elle peut. Alors que nos services publics sont dispendieux et inefficaces (propreté, sécurité, transports en commun, équipements sportifs ou culturels, ordures ménagères,….), la loi ne s’applique pas jusqu’au sommet de nos collectivités locales.

    Nous redevenons la risée de l’extérieur, notre image se dégrade alors que le seul espoir de la vie repose surtout dans les habitants venus de l’extérieur.

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