Du soja OGM américain aux cantines marseillaises : où va notre agriculture ?
« Plus verte la PAC ». C’était l’accroche trouvée par France Nature Environnement (FNE) pour son congrès annuel qui a eu lieu jeudi et vendredi à Marseille, consacré à l’avenir de la politique agricole commune (PAC) européenne, qui se joue cette année. Bien tenté, mais en quoi notre métropole de plus d’un million d’habitant devrait-elle s’intéresser aux champêtres débat de cette fédération qui regroupe environ 3000 associations écologistes ?
Coûts cachés
Peut-être parce que même ceux qui n’ont jamais touché une bêche de leur vie doivent bien remplir leur assiette chaque jour ? Et y consacrent pour cela, en moyenne en France, 13% de leur budget. Mais surtout parce que ce chiffre, tout comme les prix agricoles « sont faux, car les coûts sont externalisés », explique Jean-Claude Balbot, vice-président de la Fédération nationale des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (FNCIVAM, ouf). En clair, en achetant votre kilo de farine ou votre laitue, « vous ne payez pas la dépollution de l’eau, les problèmes de santé, la politique de soutien à la production intensive, aux exportations, aux agro-carburants », détaille-t-il.
Qui règle la douloureuse alors ? C’est toute la question. Exemple avec les engrais et les pesticides : ils permettent aux agriculteurs d’augmenter facilement leurs rendements – du moins à court terme – et l’agriculture façon tricolore en a en général largement usé. Idem pour l’irrigation, qui a notamment permis à l’Ouest d’être la Mecque du maïs, très gourmand en eau. C’est tout bénéf : les coûts pour faire face aux conséquences sur les milieu naturels et la dépollution de l’eau du robinet sont en grande partie puisés dans… votre facture d’eau du robinet.
Aides perverses
Des engrais et autres produits chimiques que les 49,8 milliards d’euros d’aides de la PAC, soit près de la moitié du budget de l’UE, ont largement permis de régler. Car, aujourd’hui, 60% du chiffre d’affaires des agriculteurs part dans le carburant, les engrais, les pesticides, l’eau, les produits vétérinaires, l’alimentation achetée pour le bétail… Une dépendance vis-à-vis des prix du pétrole, des industries chimiques, phyto-pharmaceutiques et autres instituts techniques ou vétérinaires qui n’est pas pour rien dans l’érosion des revenus des paysans. Avec des cas extrêmes comme lorsqu’un groupe agro-alimentaire fixe à l’éleveur le prix des poussins qu’il lui vend, le prix du poulet qu’il lui achètera après une durée qu’il doit respecter, avec des conditions imposées, des machines fournies clé en main…
« Quelle est la légitimité de la PAC ? Pourquoi les citoyens accepteraient qu’avec leur impôts on aille contre leur intérêt, en terme de santé, d’emploi et d’environnement », résume José Bové, vice-président (Europe Ecologie-Les Verts) de la commission Agriculture et développement rural au Parlement européen. Qui sur ce coup n’est pas isolé, comme l’ont confirmé les deux autres députés européens invités de ce congrès, Stéphane Le Foll (PS) et Michel Dantin (UMP).
De l’avis quasi-général, avec ses deux piliers (aides directes et développement rural), la PAC ne conditionne pas encore assez le soutien public à la pollution, la consommation de ressources, la biodiversité, la préservation des paysages, le maintien de la ruralité. Ces derniers aspects étant largement relégués dans le second pilier. « On ne peut pas continuer dans le schéma actuel où le premier pilier se contente d’inciter à la production, avec quelques miettes pour rattraper. Il faut que ce soit l’acte de production en lui-même qui intègre ces critères, notamment environnementaux », estime Jean-Claude Bévillard, monsieur agriculture de FNE.
OMC et soja OGM
Qui propose, pour la PAC d’après 2013, en plus d’un soutien spécifique à l’agriculture bio ou encore dans des zones Natura 2000, un « socle de base » plafonné en fonction du nombre de travailleurs, réservé aux exploitations qui consacrent 5% de leur surface à la préservation de la biodiversité et sont engagées dans la voie de l’autonomie. Dernière exigence, cruciale et qui rend le chantier d’autant plus difficile que l’agriculture fait partie des prérogatives de l’Organisation mondiale du commerce : « Il faut une régulation écologique aux frontières ».
Car certains aspects renvoient directement à des enjeux internationaux. Exemple avec les aliments du bétail : ils sont aujourd’hui à 85% importés, avec en guest star le soja OGM brésilien et américain. Cultiver à côté des légumineuses, riches en protéines végétales nécessaires à nos bêtes à cornes, permettrait d’« améliorer notre balance commerciale, les revenus locaux et de diminuer les engrais azotés », acquiesce José Bové. Car notre bonne vieille luzerne a le bon goût de transférer de l’azote de l’air, vers le sol… Sauf que « le système d’aide actuel ne favorise pas du tout » ce type de symbioses.
Et nos cantines ?
Plus près du porte-monnaie des consommateurs, les enjeux sont aussi conséquents. « Il y a une vraie différence de prix entre la production et le caddie », signe d’une « confiscation au profit de la grande distribution » dénonce Serge Molinari de l’UFC-Que Choisir. Mais aussi l’industrie agro-alimentaire et les grossistes. Les pistes pour sortir les paysans de ces rapports de force défavorables sont désormais connues : Amap, vente directe. Mais aussi débouchés locaux dans les cantines. Des orientations qui sont désormais sur la table dans les négociations européennes, assure Stéphane Le Foll.
Un appel du pied à la ville de Marseille, dont les minots engloutissent 45 000 repas par jour à la cantine. « Les collectivités locales doivent se réapproprier leur systèmes de restauration collective », lance Jean-Claude Balbot. « En tant que paysan, c’est l’un des éléments fondamentaux pour retrouver du revenu : que la valeur ajoutée leur revienne au lieu d’aller à des grands groupes ». Qui ajoute que des paysans, c’est aussi des foyers imposables et des habitants qui font tourner l’économie.
« Je sais que ce n’est pas facile, qu’il y a des difficultés réglementaires, mais cela s’est déjà fait dans beaucoup de villes. C’est un long travail, mais qui est aussi un travail de démocratie, que l’on peut comparer à celui en cours dans de nombreuses communes sur la gestion de l’eau. » Aïe. Vu comment ce dernier est engagé à Marseille, ce n’est peut-être pas le meilleur exemple. La mairie confie depuis 17 ans ses cantines aux deux poids lourds Sodhexo et Avenance.
Et la délégation de service public en cours de renouvellement est partie pour ressembler à la précédente, mis à part quelques aménagements s
ur les produits locaux et pas de bio (l’adjointe à la mairie chargée du dossier Danielle Casanova ne souhaitant pas communiquer pour le moment). Avec un argument qui a cependant été avancé auparavant : la taille du marché. « Si vous mettez 45 000 repas dans un seul lot, il est évident que les paysans du coin ne pourront pas y répondre. Mais cette taille a été créée, elle peut être défaite », argumente Jean-Claude Balbot. Alors, plus verte la politique agricole marseillaise ?
Le débat public sur la PAC post-2013, c’est ici
Les constats et les propositions de FNE en détail
Pendant ce temps, François Fillon était lui au congrès de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire
Cantines bio approvisionnées par une régie agricole : l’exemple toulousain
Une interview fleuve de Marc Dufumier, prof à AgroParisTech et éminence agricole de Nicolas Hulot, dans Telerama
Avantages d’une relance des légumineuses en France, sur le site du ministère du Développement durable
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Du soja OGM américain aux cantines marseillaises : où part notre agriculture ? … en cou ..lles 🙁
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