Drame de la rue d’Aubagne : l’étude qui arrange la Ville n’existe pas
Depuis les effondrements de la rue d'Aubagne, la Ville met régulièrement en avant une cause souterraine, due aux fortes précipitations. Elle évoque notamment une étude du BRGM censée accréditer cette thèse. Or, celle-ci n'existe pas.
Le haut de la rue d'Aubagne, toujours en chantier. (Image CM)
L'enjeu
La Ville continue de mettre en avant la pluie comme cause des effondrements, via une fragilisation des sols. Problème l'étude sur laquelle elle appuis sa thèse n'a jamais existé.
Le contexte
Les juges d'instruction ont décidé de poursuivre l'expertise judiciaire par une exploration des sols de la rue d'Aubagne. Aujourd'hui celle-ci est différée pour des raisons de sécurité du site.
La volonté – aujourd’hui différée – des experts judiciaires d’explorer le sous-sol des immeubles relance une hypothèse depuis longtemps chérie par la mairie de Marseille concernant le drame de la rue d’Aubagne : la pluie. Avancée le jour même des effondrements, le 5 novembre 2018, l’idée d’une cause souterraine liée à l’eau est régulièrement mise en avant, même si l’indignation à propos de la responsabilité de la Ville suscitée dans les jours qui ont suivi le drame l’a rendue inaudible.
Depuis, la Ville n’a jamais vraiment cessé de privilégier cette thèse d’une cause extérieure aux immeubles qui la dédouanerait en partie de ses responsabilités pénales, notamment sur l’état dans lequel a été laissé le n° 63, propriété municipale, via son satellite Marseille Habitat.
La municipalité l’a remise en avant en octobre dernier, alors que l’ampleur des précipitations faisait de nouveau monter l’inquiétude à Noailles. Dans un communiqué du 24 octobre 2019, la Ville produisait un nouvel argument :
“L’éventuelle fragilisation des immeubles effondrés de la rue d’Aubagne suite aux fortes pluies qui s’étaient abattues sur Marseille les jours précédents, avait été évoquée lors des dramatiques effondrements du 5 novembre dernier. Une thèse étayée, depuis par une expertise du Bureau des recherches géologiques et minières réalisée à la demande du ministère du Logement.”
Le jour de la conférence de presse du maire à l’occasion de la commémoration du premier anniversaire des effondrements, un haut fonctionnaire de la Ville insistait encore auprès de Marsactu : “Les immeubles vétustes, ceux qui relèvent de l’habitat indigne ne s’effondrent pas comme ça. La cause des effondrements est à trouver dans le sol et dans la présence d’eau sous les immeubles.”
En clair, selon ce point de vue, l’habitat indigne ne tue pas. Il s’agit d’un faux débat puisque les causes sont à chercher du côté du sous-sol qui se serait dérobé sous les deux immeubles, après un épisode de pluie historique.
L’expertise fantôme du BRGM
Problème, l’expertise du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) censée étayer la thèse de la Ville n’existe pas. Nous avons contacté le responsable en charge de l’hydrogéologie du BRGM à Marseille. Celui-ci dément toute expertise réalisée pour le compte du ministère du Logement ou de la Ville. En réalité, la Ville fait référence à une communication du géologue Michel Villeneuve qui, en février 2019, a fait une présentation générale de la situation hydrogéologique du bassin de Marseille et d’Aubagne, qui n’était “pas focalisée sur la rue d’Aubagne”.
“Cela visait plutôt à convaincre les différentes institutions du bien-fondé de connaître la nature géologique des sols pour mieux prévenir les risques naturels”, explique Michel Villeneuve, par ailleurs candidat aux municipales sur les listes écologistes de Sébastien Barles. Selon lui, la rue d’Aubagne a bien été construite sur le parcours d’une rivière qui rejoignait le Jarret dont le lit naturel empruntait jadis l’axe de la Canebière.
Le géologue est très loin de présenter ce fait comme une cause des effondrements. Il explique qu’il s’agit d’un cours d’eau souterrain ancien qui a trouvé depuis longtemps son chemin dans le sous-sol, sauf si de nouveaux obstacles bloquent son avancée. Or, à cet endroit, nul aménagement souterrain comme un parking ne pourrait jouer ce rôle.
Le problème des cavités souterraines
En revanche, les premières investigations de la commission mise sur pied à la demande du ministère du Logement pointaient l’absence de raccordement de certains immeubles de la rue au tout-à-l’égout. Dans cette partie de la rue d’Aubagne comme ailleurs dans le centre-ville, de nombreuses canalisations en grès qui permettent aux eaux pluviales comme aux eaux sales de rejoindre le système d’assainissement sont cassées, voire n’existent plus.
Ce sont ces écoulements d’eau qui pourraient avoir fragilisé les murs porteurs. Et la Ville connaît cette problématique depuis longtemps, comme Marsactu l’a révélé en novembre 2018, citant un rapport d’expertise de 2010 sur les n° 61 et 63 de la rue. Voilà ce qu’écrit sa propre directrice des affaires juridiques à un expert judiciaire à propos des problèmes rencontrés sur ces immeubles :
« Concernant les venues d’eau dans les caves du n°61, un pompage des caves a été effectué, mais il n’est pas possible de garantir qu’elles ne se reproduisent plus à l’avenir, car ces venues d’eau concerneraient vraisemblablement toute la rue d’Aubagne, et pas uniquement le 61. »
De plus, au fil du temps, ces eaux ont créé des cavités sous les immeubles, qui se vident ou se remplissent au gré des précipitations comme de l’activité humaine. Elles subsistent sans doute sous les immeubles de la rue comme sous ceux du Domaine Ventre qui y sont accolés. D’ailleurs, l’une des lignes budgétaires du projet partenarial d’aménagement État-Ville-métropole sur le domaine Ventre consacre plusieurs centaines de milliers d’euros à une étude géo-technique.
Dans les premiers mois après les effondrements, la Ville a fait de la réparation des raccordements une priorité pour accepter de lever les périls concernant les immeubles de la rue évacués. De la même façon, les gouttières du côté impair de la rue ont été coupées pour éviter que l’eau ne rejoigne des canalisations fantômes. L’eau des toits coule désormais sur l’asphalte.
Ce sont ces éventuelles cavités souterraines présentes sous les immeubles effondrés et, probablement, sous d’autres immeubles voisins que pourraient être amenés à découvrir les experts judiciaires dès qu’ils pourront reprendre leurs investigations. Elles sont aussi au cœur des questionnements sur la sécurisation du site et une éventuelle réouverture de la rue à la circulation, en attendant le rapport final des experts et les premiers faisceaux de responsabilités.
Commentaires
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Que de questions vont se poser face à cette information capitale !
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Moralité: une information indépendante, autonome avec des spécialistes, des experts, ds sachants ou tout autres qui permettrait à notre journal préféré de se passer d’informations ” officielles”. Je pense notamment à la CRIIRAD qui fut créée lors du nuage de Tchernobyl dont nous savons que l’immense professeur Pèlerin avait déclaré sans contradicteurs durant qq jours que le nuage radio-actif n’avait pas franchi la frontière…
Donc mesdames et messieurs de la rédaction profitez du confinement pour solliciter des spécialistes, des experts, ds sachants ou tout autres afin de vous passer de la propagande ”officielle’ quel que soit le bord de la Mairie. Excusez moi le ton ”donneur de leçon” mais il en va des médias pas comme les autres…!
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Le professeur Pellerin n’a jamais dis que “le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière” ou que “le nuage radio-actif n’avait pas franchi la frontière” pour reprendre votre expression.
On demande aux journalistes de vérifier leurs sources, qu’il e soit de même pour les commentateurs.
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Bonjour,
je ne suis pas sûr de bien comprendre votre commentaire. Mais je ne crois pas que nous ayons relayé tel quel le discours de la mairie de Marseille sur cette supposée étude, n’ayant justement pas pu la voir.
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Vous avez raison M. Ramondou le Pr Pèlerin n’a jamais dit que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière. Il a d’ailleurs été ”blanchi” en cour de cassation…! Mais avouez qu’en ce qui concerne le nucléaire nous sommes tous assez concernés pour savoir qu’il est nécessaire à la fois de prendre parti d’une façon précise comme d’avoir une position militante. ce que je voulais dire c’est qu’il convient peut être de faire confiance d’une façon méfiante vis à vis des informations d’où quelle viennent. C’est pourquoi je pense que notre journal préféré se doit d’être entouré d’experts, de connaissants et autre sachants. Merci d’être mieux informé que moi…!
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Comme dirait 8e,un maire ectoplasmique présentant un rapport fantôme, rien d’étrange.
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Je confirme. Et j’ajoute que le prix de l’inaction de l’ectoplasme est lourd : les immeubles effondrés étaient bien réels, et leurs occupants bien vivants, eux.
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“L’eau des toits coule désormais sur l’asphalte.”
Mais avant de couler sur l’asphalte, il me semble (sauf erreur) qu’elle passait par les logements, tout simplement parce que la toiture était éventrée. Quand la flotte passe dans les murs (un des reportages de Médiapart sur la rue d’Aubagne) et les ancrages des poutres en bois qui portent les planchers, il ne faut pas des lustres pour que tout s’effondre. D’ailleurs, un des locataires a certifié que cela durait depuis des années. Mais bon, les études, c’est comme les commissions, quand on veut enfumer la population on fait faire une étude… ou on crée une commission.
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Je suis convaincu que la Justice va poursuivre son action dans cette affaire. Je suis convaincu que si des fautes ont été commises nous nous dirigerons vers du sursis, comme d’habitude.En revanche , un système d’incompétence sera démontré.
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… Après les élections! Une justice trop lente perd presque tout son sens: les présumés innocents sont souvent vilipendés et parmi eux les vrais coupables se sentent légitimes à persévérer avec juste un peu de modération. Modernisons la justice, cassons les rentes juridiques, aménageons les peines… Il en va de l’Egalité.
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