Désordre urbain sur le sentier de la résistance

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le 11 Sep 2013
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Désordre urbain sur le sentier de la résistance
Désordre urbain sur le sentier de la résistance

Désordre urbain sur le sentier de la résistance

"Dans quelques minutes, une personne ordinaire va basculer dans une forme radicale de désobéissance civile" avertit un haut parleur brouillé à la manière de Radio Londres. La vingtaine de volontaires réunie devant les grilles du théâtre des Bernardines est prévenue. Sur le toit d'une cabine téléphonique, perché, un homme danse, se déploie lentement, avachi sur une chaise longue. Les papiers d'identités des participants sont ramassés, enfermés dans une valise noire. Piochés à l'aveuglette, ils serviront de couverture aux résistants du collectif Ornic'art. Ces "performeurs indisciplinaires" en résidence à la Friche de la Belle de Mai relient le festival Préavis de désordre urbain aux Sentiers de résistance urbaine d'Ici-Même. Un projet proposé dans le cadre de l'année capitale autour de la résistance à Marseille durant la Seconde Guerre mondiale.

Pendant une heure, les spectateurs vont suivre un sentier du centre-ville, construit autour de haltes remémorant des actes de  résistance résumés au sol. Sur un papier distribué à tous et adressé aux "passeurs", un petit texte introduit l'expérience : "Face à la pression de l'histoire, des existences ordinaires, souvent jeunes, ont basculé dans une forme radicale de désobéissance civile, qualifiée de résistance par certains et de terrorisme par d'autres". Une question en découle, celle lancinante et toujours brûlante d'actualité, "la vie d'un résistant, d'un terroriste a t-elle un prix?". Le sentier de résistance est censé tester "notre degré de liberté face aux dispositifs de contrôle, éprouver la clandestinité et révéler son esprit et son corps de résistance dans l'espace public". Tout un programme.

Désobéissance ordinaire

Dans la salle plongée dans l'obscurité des Bernardines, une artiste résistante explique justement le principe des caméras de vidéo-surveillance et comment les déjouer par saturation d'image. Les consignes sont données : "dans la rue, vous suivrez la résistante à distance minimale pour rester discret mais assez rapidement pour ne pas la perdre". Dehors, pendant qu'un artiste simule une fabrication de bombe au Bar du peuple, le groupe est invité à agiter les bras sous les caméras et à "vandaliser" le trottoir en écrivant sauvagement  – à la craie – le mot résister. Les graffitis s'étalent sur la route, débordent malgré les klaxons impatients. De la valise à roulettes tirée par la comédienne vêtue d'un long manteau, une voix explique l'histoire malheureuse des trois jeunes résistants qui avaient posé une bombe le 5 juin 1943 dans le cinéma le Capitole, réquisitionné et utilisé comme Soldatenkino. Les trois jeunes ont été arrêtés puis fusillés sans que leur tentative n'ait pu aboutir.

Plus loin, l'artiste pioche un passeport dans sa valise. Elle revêt aussitôt cette nouvelle identité ainsi qu'un vêtement emprunté à un spectateur, désormais dépossédé de son nom. Devant le commissariat de Noailles, juste sous la caméra de vidéo-surveillance, le groupe est appelé encore une fois à faire diversion pour couvrir de nouveau la "résistante". "Vous sentez-vous exposé? Répondez!" ordonnent les artistes. Dans l'agitation et la précipitation de ce jeu de rôle où chacun semble s'y croire, les participants s'emparent des craies et tracent leur réponse, des lettres étirées qui forment des "oui", jusque sur les roues d'une voiture de police. 

Plus tard, le groupe se dirige vers le tramway où l'homme au transat, cette fois-ci hissé en haut de l'abri, jette des fleurs blanches d'un geste nonchalant. Il rappelle les milliers de fleurs jetées par les fenêtres du tramway marseillais sur la plaque commémorative de l'assassinat d'Alexandre 1er de Yougoslavie. Les participants s'entassent dans le tramway tandis que des passagers, interloqués, râlent après ce groupe encombrant et pour le moins étrange. La voix sortie de la valise enjoint ceux qui ont ramassé les fleurs à caresser doucement les doigts de leurs voisins. L'appel de la résistance se transmet, discrètement, de manière épidermique, presque sensuelle. Au terminus, lorsque chacun récupère son identité, une dernière question est posée : "Clandestins, à combien estimez-vous le prix de votre existence ?" Nul a priori ne peut y répondre en rejoignant sa vie bien ordinaire.

Toute la programmation du festival Préavis de désordre urbain en ligne.

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