Dans les Bouches-du-Rhône, des listes “citoyennes” dans tous les sens

Décryptage
le 7 Mar 2020
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Pour ces élections municipales 2020 les listes "citoyennes" fleurissent de toutes parts. De gauche, écologistes ou apartisanes. Issues des mouvements sociaux ou environnementaux, soutenues ou non par des partis... Une détonante diversité s'affuble du label "citoyen". Marsactu dresse un inventaire de ces listes pour les Bouches-du-Rhône. Non sans mal.

Dans les Bouches-du-Rhône, des listes “citoyennes” dans tous les sens
Dans les Bouches-du-Rhône, des listes “citoyennes” dans tous les sens

Dans les Bouches-du-Rhône, des listes “citoyennes” dans tous les sens

L'enjeu

Que ce soit suite à un travail collectif de longs mois ou pour se démarquer des partis (tout en ayant parfois leurs étiquettes) les listes se présentant comme "citoyennes" fourmillent.

Le contexte

La défiance à l'égard des politiques traditionnels progresse, comme en témoigne le mouvement des Gilets jaunes. Et des expériences d'autres gestions municipales tentent d'essaimer.

“Citoyenne par la force des choses”, c’est ainsi que Michel Bruschetti aime présenter sa liste “Lucide”, pour : “La Ciotat unie citoyenne indépendante démocratique écologique”. Soit une enfilade de mots clés dans l’air du temps d’une défiance vis-à-vis du personnel politique, que le mouvement des “gilets jaunes” a exacerbé (lire notre reportage auprès des “gilets jaunes” de La Barque). Sur les ronds-points, certains ont envisagé de présenter des candidatures aux municipales. Mais finalement, dans les Bouches-du-Rhône, aucune liste ne se présente strictement avec la chasuble fluo. Néammoins, des “gilets jaunes” participent à des rassemblements “citoyens” plus larges.

La profusion de listes se revendiquant comme “citoyennes” est telle que l’électeur pourrait en perdre son latin. Pas mal sont présentées ou soutenues par des partis : de LREM au PCF, en passant par le parti animaliste… Même le RN en soutient une, baptisée “Union des citoyens de Marignane”, qui n’a rien à voir avec “Marignane citoyenne, écologique et solidaire”, qui est l’union de gauche locale. Fréquemment, elles présentent des personnes qui ont déjà été aux affaires ou opposants.

Des inspirations de municipalités plus collectives
Quelques listes “citoyennes” trouvent des inspirations dans des expériences singulière conduites à l’extérieur du département : comme celle de Saillans, cette commune de la Drôme qui associe depuis 2014 les habitants à la gestion municipale via des commissions ; ou encore celle de Kingersheim (Haut-Rhin) dont le maire DVG propose depuis les années 1990 une “co-construction” des projets municipaux.

Ces offres “citoyennes” sont-elles systématiquement le gage d’une promesse de renouvellement des pratiques démocratiques introduisant une gestion plus collective et participative du pouvoir municipal ? La réponse à cette question est loin d’être évidente. Des observateurs pointent les risques d’un marketing électoral sans un réel engagement à changer les pratiques de la vieille politique. Gare au “citizen-washing”, ou blanchiment citoyen prévient le politologue Guillaume Gourgues (lire notre interview avec le chercheur de l’université Lyon 2).

Dans les Bouches-du-Rhône, rares sont les communes qui ne comptent pas au moins une liste “citoyenne”. Deux, voire bien plus, sont souvent en lice. La Ciotat en compte trois qui, entre rassemblement de partis de gauche et anciens élus de majorités de droite comme tête de liste, composent autant de nuances détonantes.

“Précurseur” et “visionnaire”

Michel Bruschetti a été élu avec le RPR dans les années 1990. L’autre candidat “citoyen”, Lionel Giusti, est un ancien conseiller municipal UDI (2001 à 2014). La liste de Giusti est animée par Les Ciotadens, un mouvement constitué fin 2018. Parce qu’il a “initié des réunions de quartier un mois avant le lancement officiel des “gilets jaunes””, le chef des Ciotadens se considère comme “visionnaire”. “J’étais précurseur”, affirme pour sa part Michel Bruschetti, pour les mêmes raisons. Tous deux se mettent plus facilement en scène en leader éclairé plutôt qu’il ne parle de collectif. Les deux hommes proposent néanmoins, s’ils parvenaient aux affaires, des espaces de débat pour les citoyens et des budgets participatifs.

J’étais visionnaire. J’ai initié des réunions de quartier un mois avant le lancement officiel des Gilets Jaunes.

Lionel Giusti, candidat du mouvement Les Ciotadens

À gauche, la liste “Plus que jamais La Ciotat nous rassemble” fédère PS, PCF, EELV, Génération.s et affirme associer des personnes actives dans les associations ou les mouvements sociaux, dont des “gilets jaunes”. Depuis fin septembre la liste organise “un collectif citoyen et plusieurs ateliers pour faire le programme de manière co-construite”, dit Karim Ghendouf, responsable PCF et tête de liste.

À l’instar du cas ciotaden, il parait difficile de faire le tri entre toutes les modes citoyennes de ces municipales 2020. Nous avons tenté d’établir une typologie, pour laquelle, vu leur nombre sur l’ensemble du département, nous n’avons pas pu citer toutes les initiatives.

 

Les rassemblements de gauche ou écologistes

À l’image de la liste “Aix en partage” le discours de la plupart des forces de gauche valorise leur rassemblement comme “liste citoyenne soutenue par”…, enchaînant une liste à la Prévert de logos d’organisations politiques, réunies sous ce chapeau citoyen. Et dans les grandes villes, les écologistes font union “citoyenne” dans leur coin. Même cette étiquette est accolée au nom de Dominique Sassoon, candidat soutenu par EELV à Aix et suppléant de la députée LREM Anne-Laurence Petel. Dans les petites et moyennes communes, les rassemblements dits “citoyens” entre gauche et écologistes sont plus fréquentes mais pas systématiques.

Un citoyen égal une voix. Il n’y a pas de prédominance des partis.

Arlette Parola, candidate “Fuveau verte et solidaire”

À Fuveau, la dynamique est large. “On rassemble la gauche, l’écologie et les forces progressistes”, expose Arlette Parola pour présenter sa liste “Fuveau verte et solidaire”, constituée de militants EELV, PCF et FI, mais aussi des “personnes engagées dans des associations, des syndiqués et des gilets jaunes“. À noter qu’une autre liste fuvelaine se dit “citoyenne”, s’affichant “sans étiquette” autour de l’élu d’opposition sortant Jean-François Dubus, mais nuancée “divers gauche” par la préfecture. Selon Arlette Parola, les décisions de son rassemblement se mènent sur un principe “un citoyen égal une voix. Il n’y a pas de prédominance des partis”.

Autre singularité, cette liste ne fait pas la publicité de sa tête de liste, préférant mettre en avant le collectif. La fonction de maire serait assurée par “un binôme : un homme une femme”. Sans forcément reprendre les propositions détaillées ci-dessus, d’autres initiatives de ce type se mènent à Miramas, aux Pennes-Mirabeau ou encore à Trets.

Les issues du mouvement social ou environnemental

D’autres listes se sont constituées dans la continuité des engagements dans le mouvement social ou dans des associations environnementales de leurs colistiers. Seule commune de Vaucluse intégrée à la métropole Aix-Marseille Provence, Pertuis accueille la liste “Ensemble décidons Pertuis”, menée par Jean-Luc Botella, syndicaliste CGT et gilet jaune. Elle est la seule de la métropole qualifiée “gilets jaunes” (LGJ) par la préfecture. La candidature pertuisienne rassemble “des syndicalistes, des gilets jaunes, des gens politiquement engagés. Même s’il y a des gens de la France insoumise ou du PCF, on n’affiche aucun logo”, expose la colistière Anne-Marie Huascar. “On voudrait que les Pertuisiens s’impliquent. Il faut partir de leurs besoins, c’est eux qui les connaissent. On proposera des assemblées citoyennes par quartier”, propose-t-elle.

Nous sommes candidats parce qu’on a suffisamment fréquenté les autres candidats pour ne pas s’imaginer qu’il allaient basculer à 180° en quelques mois. Ils ne font que mettre un peu de vernis vert et citoyen.

Cyril Giraud, liste “Changeons d’avenir” à Arles

Du côté d’Arles, pas moins de deux listes issues des associations environnementales et des mobilisations sur l’urgence climatique se présentent. “En 2018, dans la suite des manifestations pour le climat que l’on organisait, on a commencé à faire des forums pour imaginer la ville de demain”, explique Cyril Girard tête de liste de “Changeons d’avenir”. Au départ l’enjeu n’était pas d’aller aux municipales. Mais l’idée à “germer à nouveau un an et demi plus tard, parce qu’on a suffisamment fréquenté les autres candidats pour ne pas s’imaginer qu’il allaient basculer à 180 degrés en quelques mois. Ils ne font que mettre un peu de vernis vert et citoyen”, affirme celui qui agit depuis des années avec l’association Nacicca (Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles).

“Avec les copains de Nacicca on se retrouvera le 22 mars”, s’amuse Philippe Taillefer, candidat sur la liste “Arles citoyenne” et militant de l’association Agir pour la Crau. Face à l’urgence climatique et la crise démocratique, les deux listes appellent à une réappropriation collective des affaires municipales. Et si elles n’ont pas fait alliance, c’est pour des différends sur la stratégie selon Philippe Taillefer : “On a le même schisme qu’avec nos associations. Nous, nous sommes moins radicaux, plus dans la négociation”. Nous avons recensé une autre liste issue du monde associatif écologiste sur les rives de l’étang de Berre. La liste “Saint-Chamas commune éco-citoyenne” est menée par Jean-Luc Platon, l’une des chevilles ouvrières de l’association L’étang nouveau.

les En Marche ou soutenues par En Marche

Il y a des listes du parti présidentiel qui se présentent en “citoyennes”. C’est le cas de celle de Cassis portée par le référent de La République en marche dans les Bouches-du-Rhône, Bertrand Mas-Fraissinet, ou encore de celle de la députée aixoise Anne-Laurence Petel. La liste “Faire respirer Istres”, menée par le marcheur Thierry Blanc recherche la proximité avec les électeurs, jusqu’à proposer via sa page Facebook, de prendre rendez-vous pour un café avec sa tête de liste.

On peut se targuer d’un programme co-imaginé. Et 90% de nos candidats ne s’étaient jamais engagés

Lila Lokmane, militante LREM, candidate à Istres

Mais pas question de brandir “En Marche” pour faire campagne. Le parti affiche un simple logo sur la communication de la liste, aux côtés d’Agir et de Génération Écologie. “On est totalement indépendants des partis quels qu’ils soient”, affirme la militante LREM et seconde de liste, Lila Lokmane. L’affichage des partis “peut être un repère pour certaines personnes qui ont l’habitude des étiquettes”, convient-elle néanmoins. À partir du comité local d’En Marche, une association Imagin’Istres a vu le jour en 2018, “comme espace de débat citoyen”, raconte la marcheuse, puis, “à l’époque du grand débat, il y a un an, plein d’Istréens sont venus apporter leurs doléances. On a continué en faisant des ateliers participatifs et des questionnaires. On peut se targuer d’un programme co-imaginé”, s’enthousiasme Lila Lokmane.

Listes menées par des anciens  élus

Parmi les listes affiliées à LREM, parce qu’elle a le soutien du parti, nous aurions pu aussi classer la liste “Agissons ensemble” de Jacques Bucki à Lambesc. Tout comme nous aurions pu classer avec les unions “citoyennes” de gauche, celle de son ancien premier adjoint, Jean-Michel Carretero. Battu par la droite en 2014, Jacques Bucki avait conquis la mairie en 2008 avec une carte du PS. Puis il s’est présenté avec EELV aux européennes de 2014. À Aix, Stéphane Salord fait aussi figure de recyclé d’une ancienne majorité. L’ex-adjoint UMP de Maryse Joissains est à la tête d’une liste présenté comme “100% citoyenne et écologiste”, investie par Génération écologie. Début février, il a été rejoins par Charlotte de Busschère, élue “société civile” sur la liste PS en 2014 et pour 2020 d’abord soutien du député Modem Mohamed Laqhila, puis candidate autonome avant son ralliement.

Je souhaite mettre en place des outils numériques pour sonder les habitants sur des propositions et recevoir des propositions d’initiatives citoyennes.

Yannick Guérin, “Velaux l’aventure citoyenne”

Les candidats “citoyens” de Velaux devront quant à eux se défaire de l’ombre de Jean-Pierre Maggi. Le maire depuis 1977 est réputé pour une gestion très centralisée entre ses mains. Il est en outre poursuivi pour “détournement de fonds publics” et “favoritisme” concernant sa gestion du service départemental d’incendie et de secours (SDIS 13), dont il était président. L’édile, qui ne se représente pas, soutien la liste “Velaux l’aventure citoyenne” de son adjoint à la culture, Yannick Guérin. La première adjointe Laurence Monet, encartée LREM, porte une candidature “Ensemble Velaux”, qui revendique aussi un ancrage “citoyen”.

Prudente, la candidate a “du respect pour tout le travail que Jean-Pierre Maggi a accompli pour la commune”, tout en s’étonnant “que la justice ne soit pas plus rapide”. Elle promet “la transparence budgétaire” et propose des “agoras citoyennes où les élus ne parlent pas et écoutent”, ainsi que des budgets participatifs. “Je sais aussi ce qu’a fait ce maire pour le village. Ma ligne politique défendra une autre façon de faire de la politique. Notre projet est là pour le montrer”, pare Yannick Guérin. En plus de mettre en place “des outils numériques pour sonder les habitants sur des propositions et recevoir des propositions d’initiatives citoyennes”, il veut aussi faire des budgets participatifs et des conseils de quartiers. Il faudra le voir réaliser pour le croire, à condition que les électeurs choisissent le changement soutenu par l’héritage.

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Commentaires

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  1. Marieke Marieke

    “À partir du comité local d’En Marche, une association Imagin’Istres a vu le jour en 2018, « comme espace de débat citoyen », raconte la marcheuse, puis, « à l’époque du grand débat, il y a un an, plein d’Istréens sont venus apporter leurs doléances. On a continué en faisant des ateliers participatifs et des questionnaires. On peut se targuer d’un programme co-imaginé »,. … Je crois que c’est également un peu l’histoire de l’association marseillaise Nos quartiers demain ….

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