Des habitants déposent plainte contre les pollutions d’une carrosserie du centre-ville

À l'angle des rues du Jarret et Carasso, un atelier de carrossier occasionne des nuisances, notamment environnementales pour les riverains. (Photo : C.By.)

“Si on interdit les fumées des bateaux, alors on interdit aussi les carrosseries en centre-ville”. Comme plusieurs autres riverains, cette habitante de la rue des 3 Frères Carasso (4e arrondissement) fait partie des Marseillais représentés par l’avocate Julie Andreu qui, ce mardi à 14 h 30, déposera en leur nom une plainte contre X “pour atteintes involontaires à l’intégrité d’autrui, mise en danger de la vie d’autrui et atteintes à l’environnement”, explique-t-elle.

En cause, l’installation durant l’été 2020 d’une carrosserie dans un local, à l’angle des rues du Jarret et Carasso, qui avait auparavant fait office d’espace de stockage et de parking. Rapidement, les voisins font état de nuisances multiples, notamment d’une pollution environnementale qui leur rend la vie insupportable. “Cela signifie des odeurs très fortes de peinture et de solvants, et beaucoup de poussière. Régulièrement ce n’est tout simplement pas respirable”, commente une riveraine.

Conséquences sanitaires

“Ces émanations sont extrêmement importantes avec des pics impressionnants au moment de l’activité”, abonde Julie Andreu. L’avocate qui fait état de “conséquences sanitaires certaines” pour ses clients et leurs enfants voit là une question de santé publique majeure. Outre cette plainte pénale, elle envisage une assignation au civil avec une demande d’arrêt de l’activité de la carrosserie.

Saisi par ces habitants qui, pendant plusieurs mois ont vu “les services de l’État et de la mairie se renvoyer la balle sans rien faire”, AtmoSud (organisme de surveillance de la qualité de l’air en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur) a installé en avril 2021 des capteurs dans le logement d’une des familles concernées. “L’impact des activités de la carrosserie sur la qualité de l’air intérieur du logement du plaignant est clairement mis en évidence”, détaille le rapport rédigé par l’organisme en septembre 2021.

Les nuisances olfactives relevées par les riverains sont associées à des niveaux élevés voire très élevés de solvants et de particules fines.

Dominique Robin, AtmoSud

“Nous observons deux choses. D’abord, les nuisances olfactives relevées par les riverains sont associées à des niveaux élevés, voire très élevés, de solvants et de particules fines. Ensuite, nous constatons que la majorité de cette pollution passe à travers les murs”, décrypte Dominique Robin, directeur général d’AtmoSud, pour qui “il est urgent d’agir dans l’intérêt du quartier.”

En creux, cette plainte collective soulève la question de la présence de ces installations en centre-ville. Selon la réglementation en vigueur, seuls les ateliers de réparation de véhicules d’une surface supérieure à 2000 mètres carrés sont actuellement soumis à une déclaration, et à une autorisation pour ceux de plus de 5000 mètres carrés. Dans les deux cas, ils entrent dans le champ des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Rue Carasso, la carrosserie – dont l’activité déborde bien souvent sur la rue – ne fait guère plus de 120 mètres carrés. “Du fait de ce régime favorable permettant d’échapper à des contrôles réguliers, les gérants successifs n’ont jamais été inquiétés“, regrette Julie Andreu.

Or, relève encore Dominique Robin, “concernant ces activités urbaines, l’attente sociétale et la compréhension des risques ont évolué”. Le directeur général d’AtmoSud pointe en outre que d’autres carrosseries à proximité d’écoles ou de logements, notamment dans les quartiers nord, ont été identifiées à Marseille. Comme les riverains contactés par Marsactu, qui désirent tous garder l’anonymat, il plaide pour une réflexion sur l’installation de ces activités en milieu urbain et une évolution des textes les encadrant.

Manque de volonté politique

“Tout le monde est d’accord pour dire qu’on dépasse là les taux acceptables mais personne n’agit. Cette carrosserie n’est pas une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) donc elle échappe à la règlementation sur ces installations, mais pas à la règlementation tout court sur les émanations atmosphériques. À notre sens, les services de l’État n’ont pas pris la mesure de la problématique”, pique l’avocate qui espère que le parquet de Marseille qualifiera rapidement les infractions.

Cette attente est encore plus manifeste chez les plaignants. “Au moment où on parle d’interdire les bateaux de croisières, où l’on met en place une zone à faibles émissions (ZFE), nous on vit chaque jour avec une pollution comparable à celle de Dehli en Inde. Tout est documenté, mais personne ne bouge”, regrette un père de famille. Avec cette plainte, il veut aussi, dit-il, souligner “le manque de volonté politique” à se saisir du sujet.