Coronavirus : l’appel d’un médecin met la communauté comorienne en alerte

Actualité
le 2 Avr 2020
10

Dans une vidéo très partagée, un médecin généraliste des quartiers Nord assure que les Marseillais d'origine comorienne sont surreprésentés parmi les malades du Covid-19. Une affirmation difficile à vérifier qui secoue et mobilise cette communauté de quelque 100 000 personnes.

Coronavirus : l’appel d’un médecin met la communauté comorienne en alerte
Coronavirus : l’appel d’un médecin met la communauté comorienne en alerte

Coronavirus : l’appel d’un médecin met la communauté comorienne en alerte

Publiée ce week-end, la vidéo enregistre des dizaines de milliers de vues sur les réseaux sociaux. Un médecin généraliste, Slim Hadiji, entend lancer l’alerte sur l’épidémie de coronavirus auprès de la communauté comorienne de Marseille. “Les services de réanimation sont actuellement remplies aux trois-quarts par des Comoriens”, assure-t-il après avoir “perdu [son] premier patient” à cause du Covid-19.

https://www.facebook.com/ali.martiniky.50/videos/660897594673405/

Le chiffre est impossible à vérifier mais le discours fait son chemin autour des quelques 100 000 Marseillais d’origine comorienne. “Nous ne faisons pas de statistiques selon les origines”, argumente-t-on à l’agence régionale de santé (ARS), l’antenne locale du ministère, ou à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. L’intéressé, dont le cabinet est basé aux Oliviers (13e), dit avoir subi des menaces de mort après ce message et ne souhaite plus répondre à la presse. Dans sa vidéo, il dit tenir ses informations de plusieurs confrères de l’hôpital européen, de la Timone, de l’hôpital Nord ou encore de celui de Lavéran.

Constats mitigés

Stanislas Rebaudet, infectiologue à l’hôpital européen, partage avec prudence le constat, dans une interview visible en ligne : “L’épidémie est sérieusement en train de flamber. On reçoit ces derniers jours de plus en plus de patients. Et c’est vrai qu’un certain nombre de Marseillais sont des Marseillais issus de la communauté comorienne. Cela peut s’expliquer par des raisons géographiques mais ça peut aussi être le reflet de pratiques et de rassemblements communautaires plus importants que dans d’autres franges de la population marseillaise.”

À l’hôpital Nord, le chef du service de réanimation Laurent Papazian pondère : “A l’échelle de mon service, il n’y a pas plus de Comoriens que d’autres personnes. Mais cela ne veut pas dire que cela ne va pas arriver dans les jours prochains. J’ai appris qu’il y avait notamment eu plusieurs mariages. On n’est pas resté les bras croisés et l’ARS a été alertée à ce propos.” L’ARS confirme s’intéresser de près à la question. “Nous avons averti pas mal de personnes de la communauté comorienne. Nous avons cherché à atteindre celles qui ont de l’audience pour qu’elles communiquent notamment sur les gestes barrière.”

Parmi elles, on trouve Ben Amir Saadi, l’auteur de l’interview de Stanislas Rebaudet. Sur Facebook et sur sa chaîne Youtube, ce journaliste multiplie les vidéos en comorien ou en français. Comme Slim Hadiji, il estime qu’une partie des membres de la communauté, notamment les anciens n’ont pas pris la mesure de la situation : “Le week-end du 15 mars, il y a eu des événements traditionnels et notamment des mariages. Dans la tradition musulmane, les mariages courent le vendredi et se terminent le dimanche, l’annonce d’Édouard Philippe le samedi soir n’a pas fait modifier les comportements. Depuis, ça a beaucoup baissé mais ça continue, les mariages musulmans qu’on appelle les nikâh, qui réunissent 20, 30 personnes se poursuivent dans les appartements et ça expose nos anciens”, explique-t-il.

Zaïna* était invitée à ce mariage et ses centaines d’invités, le week-end du 15. “C’est quelqu’un de mon village et je devais y être avec mon époux mais j’ai pris au sérieux les premiers avertissements et j’ai décliné l’invitation.” En revanche, des proches n’ont pas eu la même prudence. “Aujourd’hui, ils sont malades et confinés chez eux. Dans un mariage, il est impossible de maintenir le moindre geste barrière, la moindre distance”.

“Ils se sont dit : « si on peut faire une élection, on peut faire notre cérémonie. On paye aussi le discours gouvernemental qui n’était pas clair », renchérit Nassurdine Haidari, ex élu des 1er et 7e arrondissements et d’origine comorienne, tout comme son épouse, Chahidati Soilihi, tête de liste pour les écologistes aux municipales dans les 15e et 16e arrondissements.

“Un électrochoc”

Ben Amir Saadi en est persuadé, le message du docteur Hadiji sert d’“électrochoc. Il fallait que ça s’arrête.” Il vient renforcer d’autres appels lancés précédemment, notamment par le mufti des Comoriens de France. Mariage, deuil… il faut se résoudre à déroger aux rites habituels. Ainsi, les obsèques de Mzé Saïd Aboudou, un des doyens de la communauté comorienne marseillaise, se sont déroulés dans la plus stricte intimité. Le rite musulman habituel n’a pu être respecté et notamment les visites de condoléance à la famille. “Quand il y aurait pu avoir des centaines de personnes à son enterrement, il n’y en avait qu’une trentaine”, note le député LREM de la 7e circonscription Saïd Ahamada.

Avec d’autres “forces vives de la communauté” et Slim Hadiji, Nassurdine Haidari a décidé de créer une “cellule de soutien”. “Il faut informer, orienter les gens, par exemple expliquer aux personnes qui ne parlent pas bien français et les rediriger vers le personnel médical qui parle leur langue vernaculaire”, explique-t-il.

Saïd Ahamada est lui un des rares à tenir un discours critique sur la vidéo de Slim Hadiji. Sans accabler le médecin, il estime que le discours pourrait conduire à “une stigmatisation des Comoriens de Marseille. C’est très dangereux, demain les Comoriens seront montrés du doigt !”. L’élu LREM, lui aussi candidat aux dernières municipales, pointe des facteurs sociaux de risque : “Les femmes de ménage continuent à travailler, les cuisiniers de restauration collective continuent à travailler, les bus sont bondés. Tous ces gens sont exposés davantage que les autres”. Nassurdine Haidari le rejoint sur ce point : “On parle d’une communauté parmi les plus fragiles économiquement et socialement. Elle risque de payer un lourd tribut mais il faut tout faire pour éviter de constater une hécatombe à la fin de la crise.” En ce sens, le message du docteur Hadiji n’a pas pu faire de mal.

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Tarama Tarama

    Elles ont bon dos les élections… Aucun rapport entre se rendre ponctuellement dans un bureau de vote et le fait d’être regroupés à plusieurs dizaines dans un même lieu pendant 48 heures.
    Argument débile ressassé ad nauseam.

    Signaler
    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Il y a autant de danger à aller voter qu’à aller acheter du pain chez le boulanger. Ce qui est dangereux dans les élections, c’est quand Vassal et Moraine, porteurs du virus, encadrent une présidente de bureau de vote qui, elle, ne l’est pas, pour une photo au mépris de toute précaution.

      Signaler
  2. Dark Vador Dark Vador

    “Facteurs sociaux de risque : « Les femmes de ménage continuent à travailler, les cuisiniers de restauration collective continuent à travailler, les bus sont bondés. Tous ces gens sont exposés davantage que les autres ». Tous travailleurs précaires, socialement dévalorisés et donc très exposés. Les voilà, en grandes parties, les explications de la propagation réelle du Covid dans cette population.

    Signaler
    • toto toto

      Ce député devrait suggérer à sa majorité de faire arrêter toutes les activités non indispensables… Ca réduira d’autant les femmes de ménages, les cuisiniers et les bus bondés.
      Il pourrait aussi suggérer à sa majorité de fournir de quoi manger à ceux qui souffrent le plus de ce confinement: ceux qui bricolaient à droite à gauche, ce qui avaient des boulots précaires et qui habitent dans des taudis ou des apparts trop petits.

      Signaler
  3. Input Output Input Output

    En ce qui me concerne, j’ai cru hier soir à un mauvais poisson d’avril de la part du RN…Mais si les chiffres sont réels, les opposants de Ravier vont devoir prendre une sacrée dose de “Padamalgam” pour l’empêcher de rafler à nouveau les quartiers nord de Marseille…voire davantage…https://bit.ly/2Jwr6fx

    Signaler
  4. Zumbi Zumbi

    Juste une remarque : les rituels de deuil qui durent plusieurs jours, avec des visites des familles larges, des amis, des gens originaires du village, et d’autres compatriotes, n’ont rien de spécialement musulman. J’ai connu cela avec des personnes de plusieurs religions (ou pas de religion) et plusieurs pays.

    Signaler
  5. Manipulite Manipulite

    Que de susceptibilité mal placée : ce médecin constate des faits, il fait les alertes qu’il croit utiles. Merci.
    Il en est de même pour d’autre communautés dont les responsables ont fini par déclencher les alertes et conseils de distanciation sociale. On voit les dégâts dans la communauté ultra orthodoxe en Israël. Dégâts pour elle même et pour les autres.

    Signaler
  6. Caroleldin Caroleldin

    Je pense qu’il ya une erreur dans votre article, le dr Rebaudet n’est pas me semble -t-il chef de service de la réanimation… il est infectiologue

    Signaler
    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour, en effet, son titre a semble-t-il été mélangé avec celui de Laurent Papazian, qui intervient juste après dans l’article. Merci pour votre vigilance !

      Signaler
  7. corsaire vert corsaire vert

    Toutes les communautés d’origine étrangère vivent en majorité dans des appartements insalubres, dont les marchands de sommeil font des choux gras, et s’entassent faute de moyens .
    Combien sont eux qui ont les moyens de s’informer et sont touchés par la campagne de sensibilisation ?
    Ce problème, soulevé après le terrible accident de la rue d’Aubagne a été rapidement enterré sans que rien ne soit fait pour cette population qui va être sans tarder, non seulement malade ,mais encore stigmatisée et donnée en pâture à la vindicte populaire .
    Les pires moments de l’histoire de l’humanité se révèlent : aux maux qui frappent la société il faut trouver un bouc émissaire , et les victimes d’hier peuvent être les bourreaux d’aujourd’hui .
    Ce médecin a fait son devoir et il faut le remercier .
    Rappelez vous de la pandémie du virus Ebola en Afrique , les ONG ont eu un mal fou à faire changer des traditions qui contribuaient à étendre la contagion .
    Si les pouvoirs publics donnaient l’exemple , à commencer par la RTM ( voir bus 31 ) le maintien des élections et les non- dits de l’état le message passerait mieux .

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire