Classer la rade de Marseille à l’Unesco, à quoi ça sert ?

Décryptage
le 7 Sep 2021
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À l'ouverture du congrès mondial de la nature ce 3 septembre, Benoît Payan a annoncé la candidature de la rade de Marseille au label de patrimoine mondial de l'Unesco. Derrière cette ambition symbolique, c'est un vieux projet qui fait son retour, dont les bénéfices pour la préservation du lieu ne sont pas évidents.

Le dossier pour faire classer la baie a été déposé pour la première fois en 2002. (Photo JV)
Le dossier pour faire classer la baie a été déposé pour la première fois en 2002. (Photo JV)

Le dossier pour faire classer la baie a été déposé pour la première fois en 2002. (Photo JV)

“Nous sommes devenus les gardiens d’un jardin qui se meurt. C’est pour cette raison que nous portons le projet de classer la rade de Marseille au patrimoine mondial de l’Unesco”, annonçait Benoît Payan, dès l’ouverture du congrès mondial de la nature à Marseille ce 3 septembre. Pointant du doigt une biodiversité à nulle autre pareille” mais des “centaines d’espèces déjà menacées”, le maire de Marseille a martelé sa volonté de faire de la ville un modèle de “sanctuaire marin”.

Des espaces naturels et culturels candidats depuis vingt ans

Cette volonté de classer la rade de Marseille ne date pourtant pas d’hier – elle fêtera même bientôt ses vingt ans. La candidature de ce site au label Unesco a en effet été déposée en février 2002, sous la majorité Gaudin. La rade figure aujourd’hui encore sur la liste des 37 sites français encouragés à réévaluer leur dossier pour pouvoir être labellisés. 44 sites bénéficient pour l’instant de ce classement en France, créé dans les années 1930 pour mieux mettre en avant et protéger des lieux naturels ou culturels considérés comme “ayant une valeur exceptionnelle pour l’humanité”.

Aujourd’hui comme hier, le secteur de la rade candidat à la labellisation s’étend de Corbières à la Madrague de Montredon, en passant par la Joliette, le Vieux-Port, Notre-Dame-de-la-Garde ou encore la Corniche. Les îles du Frioul et du Planier sont aussi incluses dans la candidature. Mais des zones plus éloignées de la façade maritime sont aussi concernées, comme le quartier du Panier, la Canebière, Belsunce et Longchamp. Des espaces naturels, mais aussi culturels sont donc mis en avant dans cette candidature, qui s’arrête à l’entrée du parc des Calanques.

Un outil pour la reconnaissance comme “territoire de la mer”

Davantage qu'une vraie avancée dans le dossier de candidature, c'est "un regard différent porté par la majorité" qui aurait relancé le projet selon Hervé Menchon. Pour l'adjoint au maire (EELV) en charge de la biodiversité marine et de l'aménagement du littoral, cette demande est pour la Ville un "passage obligé" afin de d'obtenir une reconnaissance maritime, culturelle et historique du territoire marseillais. "Ce projet est entier, estime l'élu. Il infuse sur les déchirures qui existent aujourd'hui, entre le Nord et le Sud de la ville, mais aussi entre le littoral et les territoires qui en sont plus éloignés."

Une valorisation avant tout, donc - au risque d'attirer un peu trop le regard. Les labellisations Unesco sont en effet souvent suivies d'un regain de fréquentation touristique. Le Havre a ainsi comptabilisé une hausse de 29% de touristes supplémentaires un an après son inscription en 2006. Si Hervé Menchon confirme ce risque, il y voit une opportunité pour un "remarketing de la totalité du territoire". "Cela permettrait une meilleure répartition des flux de visiteurs, étant donné qu'il n'y aurait pas que le parc des Calanques d'attractif", avance l'adjoint.

Une protection concrète encore incertaine

Au-delà du poids symbolique d'un tel classement, les effets concrets d'une labellisation Unesco sur la biodiversité et le patrimoine de la rade restent difficiles à évaluer. Juridiquement, le classement n'implique pas directement de protection nouvelle en termes de dispositifs ou de moyens financiers. La convention qui serait signée avec l'Unesco en cas d'inscription entraînerait davantage un renforcement des obligations de protection existantes que des obligations spécifiques ou inédites.

Les avancées attendues restent donc limitées et laissent certains dubitatifs. "Ce n'est pas à travers un discours un peu démagogique qu'on fait avancer le sujet", taclait samedi Didier Réault. Interrogé par Gomet', le président du parc des Calanques et vice-président (LR) de la métropole délégué à la mer a précisé que la métropole "n'apportait pas son soutien pour l'instant" à la candidature portée par la Ville.

L'esprit d'un classement Unesco reste toutefois bien d'encourager les États à prendre des mesures pour une gestion protectrice et durable du site concerné. Une "déclaration de valeur universelle" sert ainsi de cahier des charges pour détailler la gestion du secteur. Surtout, la labellisation implique des rapports périodiques sur l'état du site et des réactions de l'Unesco si la zone se trouve menacée ou endommagée.

Une sanction telle que le retrait du label est alors possible en cas de projet portant atteinte au site. La ville de Liverpool a ainsi perdu son classement en juillet 2021, suite à un développement du port jugé dommageable par l'Unesco. "Le label offre une garantie en cas de décision écocide ou nuisible, souligne Hervé Menchon. Nous sommes dans une période de transition, dans laquelle certains freins persistent. En cas de projet néfaste, le label Unesco donne une ampleur différente au débat qui s'ensuit".

Des années d'attente avant la décision finale

Mais la route vers la labellisation risque d'être encore longue, car elle suit une lourde procédure. La Ville dit avoir terminé ses feuilles de route, mais elle doit encore les soumettre à un arbitrage, régler des questions budgétaires et organiser plusieurs réunions techniques. Une fois prêt, le dossier de candidature devra ensuite être examiné par l’Union internationale pour la conservation de la nature, le Conseil international des monuments et des sites et le Centre international d’étude pour la préservation et la restauration des biens culturels. Avant d'espérer une décision finale favorable de la part du comité intergouvernemental du patrimoine mondial, qui se réunit une fois par an. Le site devra alors répondre à un des dix critères de sélection prévus par l'Unesco.

À titre de comparaison, la candidature déposée en 2019 par la Ville de Martigues pour l'inscription au patrimoine mondial de l'Étang de Berre ne devrait pas obtenir une réponse définitive avant plusieurs années. Après deux tentatives infructueuses, en 2009 et 2011, la cité radieuse du Corbusier à Marseille, elle, a fini par être classée en 2016 en même temps que 16 autres sites créés par l'architecte. Le projet concernant la rade de Marseille devrait, lui, faire son retour en conseil municipal le 1er octobre, une fois passée l'agitation autour du congrès mondial de la nature. La Ville espère multiplier ses soutiens locaux d'ici là.

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Commentaires

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  1. BRASILIA8 BRASILIA8

    le classement n’apporte aucune protection
    exemple La Citée Radieuse du Corbusier est classée par l’UNESCO et malgré cela le PLUI contient un projet d’aménagement de la zone avec des tours , une forte densification du secteur ce qui supprimera le classement du bâtiment
    ce classement sert surtout d’argument pour attirer des touristes

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  2. Avicenne Avicenne

    Il est vrai que le cours Belsunce et la Canebiere sont dignes de rentrer dans le patrimoine mondial de l’UNESCO ! Les touristes vont se précipiter !

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      les touristes se précipitent dans la rue d’Aubagne !

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