La carte du Marseille végétal

Chronique
le 29 Avr 2017
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Vue depuis la Cité radieuse © Elena Manente
Vue depuis la Cité radieuse © Elena Manente

Vue depuis la Cité radieuse © Elena Manente

Le GR2013 n’est pas qu’un projet culturel ou touristique: c’est aussi un équipement urbain, qui valorise les relations de la ville à la nature. Randonneurs, urbanistes, écologues, architectes, naturalistes, artistes, élus… Ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la nature en ville. Un groupe de chercheurs a établi une nouvelle carte de Marseille, qui indique non pas le bâti, mais la présence du végétal en ville. Cette carte, publiée dans un ouvrage intitulé “Petit atlas d’une ville-nature”: Jardins urbains et cultures buissonnières à Marseille, paru en avril 2017, marque une nouvelle étape dans l’usage et l’aménagement de la ville.

Pour découvrir la réalité de cette écologie métropolitaine sur le terrain, RV les 20 et 21 mai au premier bivouac du GR2013.

Pour pouvoir émettre des préconisations dans la préservation et l’enrichissement de la trame verte, il fallait commencer par regarder la carte. La carte de la nature en ville à Marseille. Ou du moins du végétal. Or une telle carte n’existait pas.

La construction d’une telle carte a semblé un préalable indispensable et un objectif en soi. C’était l’occasion de croiser les données, d’enquêter, de regarder autrement Marseille. Ce qui devait au départ n’être que la base et l’outil d’analyses ultérieures, est devenu la première pierre, la première esquisse d’une nouvelle représentation de la ville – d’ailleurs déjà obsolète, à reprendre sans cesse, puisque l’état du végétal non cartographié est par définition mouvant. Ce qui devait être le support d’une recherche en écologie urbaine est devenu l’objet même de cette recherche.

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Un regard inversé

La carte “Marseille : un regard inversé” fait apparaître une étonnante réalité verte qui tranche avec le paysage très minéral que donne à voir le territoire communal depuis le sol. La carte met en exergue une importante végétation intra-urbaine. Plusieurs unités de structuration du territoire se dégagent en fonction de la densité et de la composition de la végétation en liens étroits avec les particularités topographiques, paysagères et urbaines.

La façade littorale détermine les relations de la ville à la mer. Au nord du centre-ville, l’activité portuaire dessine un trait de côte totalement artificiel. En direction du sud, le littoral se pose en véritable gradient de naturalité, partant de la ville dense, passant par le domaine balnéaire et aboutissant au massif des Calanques.

Par ailleurs, depuis le centre vers la périphérie, la densité de la végétation augmente selon une organisation auréolaire. La matrice urbaine dense du centre-ville et du péricentre offre peu de couvert végétal – alignements d’arbres liés à la voirie, jardins publics (parcs et squares) ou jardins privatifs en coeur d’îlots et, plus rarement, espaces résiduels (friches ou bois). Au sein des espaces périphériques, le maillage d’espaces végétalisés est plus dense, plus complexe (avec une grande diversité de formes) et essentiellement lié au passé agricole de cette partie du territoire.

Jardins collectifs, Plombières, impasse de Gibraltar, 3e arrondissement © Geoffroy Mathieu

Les massifs calcaires périphériques s’imposent, quant à eux, comme des espaces de grande naturalité. Ceinturant le territoire marseillais, ils sont principalement composés de garrigues et se dressent en véritables réservoirs de biodiversité. Ils font l’objet de protections différenciées. Au nord, les massifs de la Nerthe, de l’Étoile et du Garlaban sont protégés par des outils de planification locaux (PLU), tandis qu’au sud la chaîne Saint-Cyr et les massifs de Marseilleveyre et des Calanques relèvent d’une protection institutionnelle (Parc national).

Cette première lecture met en évidence le rôle fondamental que tient la couronne périphérique dans l’organisation d’une potentielle trame verte à Marseille. Depuis les piémonts des massifs jusqu’au coeur de la ville, nous voyons en effet s’y dessiner des continuités vertes qui pourraient favoriser les déplacements des espèces animales et végétales entre les réservoirs de biodiversité de la périphérie naturelle et les espaces verts de la matrice urbaine dense.

Un paysage façonné par l’eau

L’organisation de la végétation à Marseille est en partie inféodée au réseau hydrographique du territoire. La basse vallée du fleuve côtier de l’Huveaune, le ruisseau des Aygalades et le bassin versant de la rivière du Jarret, reliés entre eux par le canal de Marseille, s’imposent comme des éléments structurants d’une véritable trame bleue. Au sein de la couronne périphérique, cette dernière détermine un riche maillage d’espaces à caractère de nature et de continuités vertes associées.

À l’échelle du territoire communal, l’armature végétale semble ainsi se dessiner autour de deux axes majeurs. Le premier, que l’on peut appeler “axe nord”, est structuré par les bassins versants du Jarret et des Aygalades. Il part de la ville dense, en s’organisant finement le long des cours d’eau, pour atteindre les quartiers Nord, où il s’évase du fait de la forte densité d’espaces à caractère de nature périphériques.


Cluse des Aygalades : résidence le Montleric, vue depuis le chemin de la Guillermy, 15e arrondissement © Geoffroy Mathieu

Le second axe, que l’on peut appeler “axe sud” suit, quant à lui, le fleuve côtier de l’Huveaune. Ainsi à Marseille, trames vertes et bleues relèvent-elles bien d’un même système territorial articulé autour de ces deux ensembles qui ne dépendent pourtant pas des mêmes enjeux urbanistiques.

Au-delà de ces facteurs hydrographiques déterminants, la structuration de la végétation à Marseille résulte de facteurs historiques et urbanistiques particuliers. Véritables patrimoines bâtis, le canal de Marseille qui ceinture la ville et le réseau de bastides qu’il irrigue ont contribué à façonner la physionomie de la périphérie marseillaise. En tant que singularité de la ville, les bastides présentent une signature paysagère unique tant en termes architecturaux que végétaux. Lorsqu’ils n’ont pas disparu sous les effets de l’urbanisation, ces domaines restent en effet souvent associés à des reliquats de jardins luxuriants et à des paysages verdoyants.

par Jean-Noël Consalès, géographe-urbaniste

Commentaires

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  1. Helene Goldet Helene Goldet

    Suite aux incendies de l’été dernier, la partie du GR entre la gare TGV d’Aix et Vitrolles est ravagée. Le site de la source de l’Infernet est rasé. L’incendie s’est arrêté au delà des premières maisons de Vitrolles. J’ai fait ce trajet avant et après l’incendie, c’est poignant. Puisqu’il existe un “bureau des guides” avec un peu de sous et des géographes botanistes, j’espère qu’ils vont être à l’initiative de. ..je ne sais pas quoi car incompétente… pour soigner ces lieux dévastés. Cet article me laisse une impression d’indifférence doctorale.

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    • Regard Neutre Regard Neutre

      La végétation endémique servira la nature à reprendre rapidement ses droits sans que l’homme n’y mette la main.

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  2. barbapapa barbapapa

    Toujours triste et énervé quand le Biaou est dénommé “ruisseau des Aygalades”

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