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Voilà le travail

Samir Dahmani, le dur labeur du livreur de fruits et légumes

Chronique
le 22 Août 2020
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Avec "Voilà le travail", la journaliste Sandrine Lana aborde le sujet quotidien qu'est le travail en partant des femmes et des hommes au labeur. En cette fin d'été touristique, elle suit Samir Dahmani, livreur de fruits et légumes dans le quartier du Vieux-Port.

Samir Dahmani, livreur du carré Thiars. Photo : Sandrine Lana
Samir Dahmani, livreur du carré Thiars. Photo : Sandrine Lana

Samir Dahmani, livreur du carré Thiars. Photo : Sandrine Lana

Samir Dahmani arpente le quartier du cours Estienne-d’Orves, à deux pas des bureaux de Marsactu, six jours sur sept. La rencontre était inévitable. Ce matin-là, il attend l’ouverture du bar-restaurant de son dernier client pour lui acheminer la commande de fruits et légumes préparée plus tôt dans la nuit. En attendant, le livreur de 33 ans a du temps à tuer pour nous parler de son travail physique et contraignant qu’il trouve somme toute banal. Pourtant, le rythme n’a rien d’anodin.

“Je commence mes journées à 1 h 30 et je termine vers 10 h du matin.” Bien avant l’aube, le jeune homme embauche au marché d’intérêt national (MIN) des Arnavaux après cinq ou six heures de sommeil. “Oui, c’est un travail pénible, six jours sur sept, toute l’année. C’est comme ça.”

En réalité, Samir ne se plaint pas mais constate qu’il faut être fort pour mener ce genre de vie. En plus du rythme soutenu et de nuit, “il y a la façon dont les clients aussi lorsqu’il y a des erreurs dans les commandes qu’on livre. Parfois, il y a trois kilos de poires au lieu de trois kilos de poireaux… mais ce n’est pas forcément de notre faute.”

Charger, décharger. Quotidiennement, Samir manipule une tonne de marchandises. Photo : Sandrine Lana

La nuit, chaque livreur prépare ses “bons”, les commandes des clients, qui seront livrées aux bars-restaurants du Vieux-Port et d’ailleurs. Chaque nuit, Samir Dahmani est dans le hangar frigorifique de l’entreprise de gros qui l’emploie, où sont stockées les marchandises­: “J’essaie de respecter ce que la médecine du travail nous dit pour porter les charges. Mais ça va… Ce sont de petites charges”. Tout est relatif. Il s’agit d’une cinquantaine de caisses de vingt ou vingt-cinq kilos.

Un rapide calcul nous amène à une tonne chargée et ensuite déchargée… Seul, il remplit de marchandises le camion frigorifique floqué du nom de l’entreprise avant de prendre la route. “Je charge puis j’allume le frigo pour respecter la chaîne du froid. Ce froid, il peut donner des douleurs dans le dos, on est chaud quand on charge et le froid peut nous froisser les muscles. J’ai déjà été en arrêt plusieurs semaines pour ça.”

“Je vois presque pas le patron mais lui il me voit…”

Samir est arrivée du nord de la France après un bac professionnel en maintenance automobile mais l’expérience du secteur ne lui a pas plu. “C’est un monde de vicieux et voleurs. On te fait une réparation d’une pièce qui coûte 50 euros qu’on te facture 500. C’était pas fait pour moi. Ici au moins, il n’y a pas de pression. Je vois presque pas le patron mais lui, il me voit… Mais on a l’habitude. Il y a une plaque dans le hangar qui dit qu’il est autorisé. En tout, il y a quarante caméras sur nous. On est filmé partout de toute façon. Même en ville, il y en a…”

“En ce moment, ça va…”, dit-il en buvant son café offert par un patron de bar qu’il sert quotidiennement. La pression est moins forte en raison du virus qui circule. “les charges sont plus petites et il y a moins de commandes. Depuis mars, on travaille moins. J’ai une dizaine de clients par jour contre vingt à vingt-cinq d’habitude et pendant le confinement, j’ai continué à travailler mais j’ai aussi été en chômage partiel.” En revanche, le masque lui pose problème. “À cause de mon asthme. Je ne le porte pas. De toute façon, les contrôles policiers commencent à dix heures, à cette heure-là, j’ai déjà terminé ma journée et je rentre chez moi”.

En rentrant, il retrouve ses trois enfants et sa femme. “Je vais dormir vers 18 h… J’ai le temps de les voir. Mais je n’ai pas le même rythme de sommeil que ma femme.” Pour les vacances, la famille est partie à la Ciotat en camping-car. “La voiture était en panne… et j’ai pas eu trop le choix pour mes vacances.”

“Un homme qui ne travaille pas, ce n’est pas un homme”

Samir Dahmani vit pour ces moments-là, en famille. “Le travail, c’est la vie d’un homme. Un homme qui ne travaille pas, ce n’est pas un homme. Mais on est tous remplaçables par quelqu’un d’autre et nous, on peut remplacer un travail par un autre aussi. À mes enfants, à mon fils, je lui conseillerais mon travail s’il ne s’en sort pas dans la vie mais je lui souhaite un emploi qualifié, comme aide-soignant ou infirmier.”

On laisse Samir devant son camion, d’autres livreurs le saluent. Ils doivent se croiser tous les jours. Une tape dans le dos, un blague sans s’arrêter. Il décharge les dernières caisses de tomates et de poires avec son chariot en quelques secondes. Quand Marseille se réveille, lui termine son labeur.

Actualisation le 28 août 2020 à 11 H 20 : correction de certains passages à la demande de l’intéressé.

Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Intéressant, et on n’a pas trop envie de travailler chez Sud Primeurs N&A : 51 heures par semaine, dont la plupart de nuit , payées au smic…
    + Une correction à faire : “il y a la façon dans le patron nous parle”

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    • Samir Dahmani Samir Dahmani

      Bonjour non les heure de nuit sont payer en heure nuit

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  2. mireille reymond mireille reymond

    merci Samir

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  3. Samir Dahmani Samir Dahmani

    Je parler de mon ancien patron pas celui-ci .merci

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  4. Pussaloreille Pussaloreille

    Edifiant portrait. Merci Marsactu et bravo Samir !

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  5. Samir Dahmani Samir Dahmani

    Et mes collegue ne sont fragiles ces les nouveaux qui essaye de faire notre metier et qui ne tiennent pas coup le face a difficulté du boullot.

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    • Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

      Merci Monsieur pour votre témoignage, courage, et merci aussi à Sandrine Lana pour nous montrez l’autre aspect d’une ville qui dort lorsque d’autres travaillent

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  6. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    Merci Monsieur pour votre témoignage, courage, et merci aussi à Sandrine Lana pour nous montrez l’autre aspect d’une ville qui dort lorsque d’autres travaillent

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  7. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Bon courage à Samir.

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