[Marseille secret] Mais qui écrit les légendes ?
Guillaume Origoni, photographe et journaliste, raconte des pans de Marseille qui ne se donnent pas à voir au premier regard. Explorateur de l'urbain, il aime se glisser dans les lieux abandonnés, cachés, voire oubliés. Cette semaine, il nous partage les plus grandes légendes urbaines de la ville.
(Photo : Guillaume Origoni - Agence Hans Lucas)
Il reste tant de choses à découvrir dans notre ville et aux alentours. Les moins visibles sont cachées, abandonnées, voire oubliées dans les entrailles de la dirty old town méditerranéenne. D’autres secrets se nichent derrière les façades des commerces, à l’intérieur de maisons privées, sous les trappes rouillées qui pullulent sur nos trottoirs, ou dans les pièces dérobées des bâtiments institutionnels.
Plusieurs pistes de recherches s’offrent à tous ceux qui cherchent l’inédit. Les archives municipales sont à ce titre un trésor disponible pour tous. On peut y trouver des collections, publiques ou privées, de documents et de photos qui permettent de reconstituer les mutations du territoire. Lorsque je m’y suis rendu pour consulter les plans souterrains de la ville, la documentaliste m’a reçu avec défiance : “Ah ? Vous êtes journaliste ? Vous n’êtes pas le premier. En général, lorsque vous venez jusqu’ici, c’est pour chercher du croustillant. Bien peu d’entre vous ont une démarche un tant soit peu scientifique. Sachez que de tels plans n’existent tout simplement pas !” L’échange se poursuit plusieurs minutes, mon interlocutrice s’adoucit et m’offre un livre que je conseille vivement : Les beaux dimanches d’Edouard Cornet – Photographies 1900-1928. Jetez-vous sur l’ouvrage si vous voulez voir et comprendre le Marseille du début du siècle dernier. C’est beau, documenté et très étonnant. Mais bon, je ne suis pas pour autant plus avancé dans mes recherches.
L’autre moyen d’accéder à l’invisible consiste à arpenter le territoire et parler avec les gens. Tous finissent par discuter volontiers une fois qu’ils ont compris que vous n’avez rien à vendre et rien à voler. Rapidement, vos amis et connaissances savent aussi que vous chassez l’inédit et vous font part d’histoires entendues çà et là. Cet amas d’informations disparates finit par fusionner et donne naissance aux rumeurs qui ne sont ni plus, ni moins, que le carburant des légendes en cours d’écriture.
Ce sont certaines de ces rumeurs que je vais partager avec vous aujourd’hui en me gardant bien de vous dévoiler lesquelles sont fondées et celles qui relèvent vraisemblablement plus de légendes urbaines.
Cependant, qu’elles soient vraies ou fausses, elles participent toutes à la construction d’un imaginaire sans lequel ces chroniques n’existeraient pas.
La source du Panier
Je me trouve dans le bunker de la préfecture lorsque j’entends parler pour la première fois de cette source d’eau qui coulerait de façon ininterrompue depuis la nuit des temps entre les murs et la roche du Panier. Ce bunker s’avère en fin de compte assez décevant. Il sert désormais de débarras et ne présente que peu d’éléments exploitables pour l’image. La personne qui me sert de guide m’oriente alors sur un autre secret marseillais qui va me conduire tout droit dans l’antre des sirènes, objet de la quatrième chronique Marseille Secret. Elle me donne aussi une autre information dont elle n’est pas vraiment certaine : “Et la source du Panier, vous connaissez ? C’est un filet d’eau planqué derrière la sacristie d’une chapelle. Ceux qui arrivent à convaincre le prêtre ou le sacristain, l’ont paraît-il vu. Mais pour ça, il faut que l’un ou l’autre vous ouvrent les doubles fonds d’une armoire.”
Plus tard, j’ai à nouveau entendu cette histoire et il est possible que certains d’entre vous aussi. Peut-être avez-vous déjà touché cette eau de source qui s’affranchit des parcours urbains auxquels nous avons assigné le liquide de vie ?
Les petits squelettes de la rue Sainte
“La rue Sainte recouvre les plus anciennes catacombes de Marseille.” Cette assertion m’accompagne depuis toujours. Dans les commerces d’Endoume, alors que j’étais enfant, j’étais à l’agachon des conversations sur ces catacombes soi-disant garnies d’alcôves destinées à d’anciennes sépultures. “Y parait même que, on a retrouvé des squelettes de bébés. Je suis sûre que c’est les curés qui avaient mis enceintes les bonnes sœurs qui les ont enterrés là”, avais-je entendu dans une boucherie de la bouche d’une ménagère du quartier. Pendant les années qui suivent, je ne peux m’empêcher de penser à ces petits squelettes en sous-sol lorsque j’emprunte la rue Sainte. Puis, peu à peu, j’oublie ces hypothétiques fantômes, jusqu’à ce que j’entende à nouveau parler d’eux à la terrasse d’un bar de la Plaine. À la table d’à côté un groupe de trentenaires avec enfants, dont les prénoms évoquent au mieux l’époque Pagnol et au pire celle de l’occupation, évoquent cette drôle d’histoire. Je les questionne pour savoir où et quand ont-ils entendu cette rumeur. “Bah, je sais plus, on est là depuis une dizaine d’années et j’ai entendu ça chez la tante d’un ami marseillais.”
Les petits squelettes de la rue Sainte sont peut-être ces fameux éléments “croustillants” évoqués par la documentaliste des archives municipales ?
Les beaux restes de la dévergondée
On s’en souvient peu, mais Marseille, comme beaucoup d’autres villes, comptait entre les années 70 et 90, de nombreux sex-shops et autres clubs de strip-tease. Et comme dans beaucoup d’autres villes, ils se concentraient autour des axes qui de la gare rayonnaient vers le centre.
Peu à peu, ce commerce d’artisans a cédé du terrain à l’industrie numérisée des vidéos en streaming et des commandes en ligne. Il en reste toutefois quelques-uns dans les artères qui conduisent au cœur de la ville, alors que d’autres jouxtent les magasins de bricolage ou les concessions automobiles de la périphérie, depuis longtemps promise à la multiplication des centres commerciaux. L’une de ces rares échoppes toujours actives aurait été dans les années folles l’une des salles de bal les plus en vogue de Marseille. Un “dancing” disait-on alors.
Reste-t-il des vestiges de cette époque révolue ? La belle et vieille dame est-elle toujours endormie sous la bête (de sexe) ? Si tel est le cas, alors j’irai voir et bien sûr je vous raconterai tout.
Le secret le mieux gardé de Marseille ?
Il y a peu, alors que j’avais rendez-vous en mairie centrale, j’ai entamé une conversation avec une employée. Cette jeune femme assez prolixe, me révèle “qu’il y a pas mal de choses cachées dans cette mairie”. Voyant qu’elle m’avait ferrée, elle consent alors à partager quelques secrets municipaux. Certaines de ces indiscrétions ont aussi abouti à une chronique sur les cellules du pavillon Daviel.
Mais reste toutefois le mystère des mystères.
Il existerait sous la mairie un tunnel d’évacuation à l’utilisation exclusive du maire. Celui-ci doit assurer au premier citoyen de Marseille, la possibilité d’une exfiltration urgente. Il s’étendrait du bâtiment principal à une sortie en “bord de mer, près du Mucem”, m’a-t-on dit ce jour-là. J’ai interrogé officiellement et officieusement pas mal de monde à ce sujet et je n’ai toujours pas lâché l’affaire. Le service presse de la mairie ne confirme pas l’existence d’un tel dispositif. L’un des responsables de la sécurité m’a affirmé : “On vous a raconté n’importe quoi !”
Le tunnel d’évacuation du maire est-il un mythe ? Une légende urbaine en train de prendre corps sous nos yeux ? Ou bien est-ce effectivement le secret le mieux gardé de Marseille ?
Monsieur le maire, si vous nous lisez, on vous écoute bien volontiers sur ce mystérieux tunnel.
Il y en a encore beaucoup de ces histoires. Toutes accrochées à des lieux réels ou imaginaires. Le lac sous la Plaine, les réseaux secrets des contrebandiers dans les quartiers Sud, le puits sous-marin de Malmousque, l’entrepôt historique des camions de pompiers, les galeries de mines qui relient Gardanne à l’Estaque, les mystères de la rue Marignan…
Et puis surtout, il y a tous ceux dont nous n’avons pas encore entendu parler et que nous découvrirons. Nous deviendrons alors le patient zéro d’une légende nouvelle.
Commentaires
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Si le taux de mortalité infantile (dans la 1ere année) est proche de 0,4 % depuis les années 2000, il était de 25 % au XVII et XVIIIe siècle. Un enfant sur quatre mourrait avant l’age d’un an, dont certainement près de la moitié avant l’age d’un mois (actuellement près des 3/4 des enfants décédés la première année le sont dans la première semaine).
Il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve énormément de squelettes de bébés dans les ossuaires, et certainement énormément plus que les quelques uns conçus par des bonnes sœurs dans la clandestinité. Mais c’est dans la nature humaine de ne retenir que les pires hypothèses et de s’en pourlécher !
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Entre la réalité et la légende, choisis la légende.
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Au secours ! Où est-elle, la statue sans tête ? Je l’ai vue, mais j’ai oublié où…
Merci.
B. L.
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Cher Monsieur Lamizet,
en général je ne commente pas les commentaires de mes propres publication. Mais je garde un souvenir très positif de vos enseignements et je fais donc exception à la règle : le bar de la femme à la tête coupée ( qui n’en est plus un depuis longtemps ) est au début de la rue Fénelon Guidicelli dans le 7°.
Bien à vous.
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