[Cuisine à croquer] La catchoupa de Maria Tavares
Pour Marsactu, Malika Moine va à la rencontre des gens dans leur cuisine et en fait des histoires de goût tout en couleurs. Ce samedi, elle a rendez-vous avec Maria Tavares. Originaire du Cap-vert, elle cuisine pour elle une spécialité locale : la catchoupa.
Maria dans sa cuisine à Saint-Mauront. (Illustration : Malika Moine)
Marie d’Hombres, autrice notamment d’un livre sur le quartier de Saint-Mauront, est à l’origine de ma rencontre avec Maria qui de sa voix chaleureuse, m’a invitée pour une catchoupa, une spécialité du Cap-Vert. Me voilà chez elle, un beau samedi d’été, jour de repos pour Maria qui est aide à domicile. Son mari est parti voir un cousin, ses deux filles dorment encore, son fils souriant part travailler dans un magasin de bricolage. On s’assoit autour d’un thé. Les plantes vertes partagent harmonieusement l’appartement avec les humains. La grande baie vitrée est ouverte sur le ciel bleu. Au loin, la Bonne Mère veille sur l’urbanisme décousu de la cité. Il est l’heure de tirer les stores pour amoindrir la chaleur encore tenace de cette fin août.
“Ce qui distingue la catchoupa de la fejuada, l’autre plat traditionnel, c’est qu’en plus des haricots, il y a du maïs. Tu peux y mettre ce que tu veux : du poisson, du poulet, du manioc, de la patate douce, du chou portugais…”
Mais aujourd’hui, c’est avec du cochon que Maria le prépare.
Elle cuisine pour dix personnes “mais on compte jamais : des voisins peuvent venir en prendre, ou elle se mange « refogada » le lendemain avec des oignons revenus et des œufs au plat : y a pas mieux le matin avec le café !”
Ingrédients pour dix personnes-1 poignée d’ haricots secs que l’on trouve dans l’épicerie cap-verdienne de la rue de l’Arc
– imbonges (semblables à nos cocos)
– haricots verts clairs qui ressemblent aux petits pois
– zapatina mantega
– 2 verres de maïs sec
– 4 oignons
– 1 tête d’ail
– 1 ou 2 chorizos
– 1 kg de poitrine
– des pieds et 1 demie tête de cochon
– gros sel, laurier, cumin
– huile d’olive
– concentré de tomates
Hier, Maria a fait tremper les haricots et a découpé et mis à mariner la viande avec du gros sel, du laurier et de l’ail. “Tu peux saler la viande plus longtemps mais il faudra la mettre à dessaler…”
Elle plonge le maïs lavé, un oignon coupé en quatre, du laurier, quelques gousses d’ail écrasées, et du cumin dans une cocotte. Quand l’eau boue, elle ajoute les haricots. Elle met la viande soigneusement rincée dans un faitout avec un oignon coupé en huit, deux cuillères de concentré de tomate, des gousses d’ail, ajoute la poitrine coupée en dés et fait revenir le tout dans de l’huile d’olive.
“Ma mère est de Sao Tome de Principe. Elle y a rencontré mon père venu du Cap-Vert pour travailler. Après leur premier enfant, ils sont partis au Portugal. Je suis née à Lisbonne. À mes trois ans, mon père nous a emmenés en vacances au Cap-Vert pour rencontrer sa famille, mais un jour, il est parti et n’est jamais revenu”.
Le jardin, les plantes, la famille
Maria ajoute de l’eau dans la viande. “Rester chez ma grand-mère n’était pas possible. On ne parlait pas le créole du Cap-Vert, on avait ni maison, ni terre à cultiver. On a galéré des années. La famille de mon père a fini par nous donner un cabanon que maman a retapé. Devenue jardinière pour la mairie, elle a fait un jardin autour de la maison. Elle y cultivait des plantes qu’elle vendait à Praia. À 12 ans, j’ai été travailler chez un neveu de mon père et sa femme. Joachim est devenu le papa que je n’avais pas et Fati ma deuxième maman. Elle m’a appris les choses de la vie, on rigolait… Je les aidais, m’occupais des enfants, vivais avec eux et retournais chaque week-end chez ma maman.”
Tandis que l’odeur de la viande se mêle à celle du maïs, Maria évoque la passiflore du jardin, les mangues qu’elle allait chercher sur les arbres à l’instar des garçons, la bonne odeur de cuisine de sa maman qui faisait venir les voisins : “Tu nous en donnes un peu ?”
“Ma maman a appris les spécialités du Cap-Vert, mais cuisinait aussi comme à Sao Tomé, avec du manioc, du lait de coco…”
Mon oncle mettait mon salaire dans une chaussette et quand quelqu’un allait au Cap Vert, il portait les sous à ma mère.
Elle met le maïs et les haricots en mode cocotte et poursuit son histoire : “Quand j’ai eu 16 ans, mon oncle et parrain qui vivait à Paris, a proposé de m’y emmener travailler. J’ai pris l’avion pour Lisbonne et mon père dont je n’avais aucun souvenir est venu me chercher à l’aéroport. Il m’a emmenée chez sa femme qui venait depuis toujours au Cap Vert nous apporter des cadeaux. J’ai rencontré mon frère et ma sœur. Ils étaient gentils mais je ne voulais pas rester, je pleurais. Mon oncle a payé le bus pour Paris et là, ma tante m’a trouvé du travail chez une famille. Je travaillais la semaine et passais le week-end chez l’un ou l’autre de mes oncles et tantes. Le samedi, je choisissais ce qu’on allait manger et des choses pour moi. Mon oncle mettait mon salaire dans une chaussette et quand quelqu’un allait au Cap Vert, il portait les sous à ma mère…”
Maria ôte la peau des chorizos et les découpe en tranches qu’elle ajoute à la viande. Elle fait revenir un ou deux oignons émincés pour retrouver le goût de la “catchoupa refogada”. Il est temps de mélanger les plats pour que ça mijote ensemble. Quand le jus est remonté, la catchoupa est prête ! Avant de se mettre à table, Maria raconte : “J’ai rencontré mon futur mari avant de partir du Cap Vert, et on est resté en contact jusqu’à ce qu’on se retrouve en vacances au Portugal. Lui venait de Praia, moi de Paris. On est resté ensemble à Lisbonne. Mais un jour, son cousin nous a invités à Marseille pour les vacances. Et on s’y est restés !”
“À table !” Les filles nous rejoignent pour grignoter et je découvre ces saveurs nouvelles. Le maïs est ferme, les haricots tendres, la viande fondante, le tout délicieusement parfumé… Lorsqu’il me faut partir, c’est avec un doggy-bag dans les mains, pour goûter plus tard à la “catchoupa refogada” : Succulente !
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Cet article donne envie de manger la catchoupa avec sa cuisinière et sa famille !!
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