À Marseille, un interstice pour les marchés bio

Chronique
le 9 Juin 2018
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Tous les mois, la journaliste culinaire, créatrice du blog So food So good, Cécile Cau passe en revue les tendances de la table et de tout ce qui se passe autour. Pour cette deuxième chronique, elle a fait le tour des marchés bio et de petits producteurs de Marseille.

Le marché bio du Cours Julien. Photo : Benoît Gilles.
Le marché bio du Cours Julien. Photo : Benoît Gilles.

Le marché bio du Cours Julien. Photo : Benoît Gilles.

Faire son marché dans la 2e ville de France est un peu une gageure. Pourtant le succès de l’unique marché bio hebdomadaire et de micros marchés de producteurs qui s’incrustent en centre-ville montrent l’engouement pour une consommation saine et responsable.

Le petit marché de Lulli est de retour. Tous les jeudis matins, au pied de l’Opéra Noir, des fruits et légumes poussés en bio, du miel d’abeilles butinant à l’Estaque, des brousses de chèvres broutant à La Tour-d’Aigues, s’installent face aux magasins de marques et aux cafés. Dernier né des marchés de producteurs, ce rendez-vous hebdomadaire remplira jusqu’en septembre le panier des habitués du quartier et des clients qui veulent consommer mieux et responsable.

L’après-midi, on passe le Vieux-Port et même topo au pied de l’Intercontinental. Depuis trois ans, une petite demi douzaine de producteurs régionaux a investi le carré Merry avec ses légumes, volailles et autres mozzarellas fabriquées à la Bédoule. A peine la marchandise déballée, à 16 heures, les habitués du quartier patientent paniers à la main. Beaucoup de personnes âgées mais au fil du temps, de plus en plus de jeunes en mal de transparence et de traçabilité. “Les gens ont vraiment envie de nous voir, c’est le contact qui prime”, raconte Johnny du GAEC de Carluc qui convoie depuis Céreste (Alpes-de-Haute-Provence) une belle panoplie de ses petits chèvres. En moins de 60 minutes, les trois quarts des produits frais sont vendus.

Autre jour, autre lieu, les étals de fruits et légumes produits dans le département se sont aussi installés, le mardi, devant le hall institutionnel du conseil départemental. La veille en plein espace culturel, à la Friche la Belle de Mai. Et un dimanche par mois, sur l’avenue la plus célèbre de Marseille ! “Les dimanche de la Canebière, c’est un joli moyen de faire revenir, par le biais des producteurs, les gens dans leur centre-ville”, estime Guillaume Sicard, président de Fédération Marseille Centre.

Se glissant dans tous les interstices possibles d’une société urbaine en mal de champs de persil et de basilic, l’agriculture vient nous rappeler ce besoin urbain de rester en prise avec le vert. A en croire le succès de ces récentes initiatives, la demande ne cesse de croître, même si l’offre de marchés paysans demeure ici limitée. “Pour créer un marché, il faut qu’il y ait une demande politique”, rappelle Anne Coppola, animatrice de l’Association pour le développement de l’emploi agricole et rural (ADEAR 13).

Clientèle fidèle

Au marché paysan du cours Julien le mercredi matin, l’affluence est impressionnante. Passé 8 h 30, les files d’attente sont interminables. “On attire une clientèle fidèle depuis le début”, constate Steve Loré, boulanger de Lapaline présent sur ce lieu depuis sa création en 2001. Pour cet artisan installé à une heure et demie de là (Sisteron), le marché marseillais représente sa plus grosse fournée et sa plus grosse manne économique. “Le Pain Magnifique” en profite pour fournir quelques points de vente comme l’Écomotive, café écolo situé au pied de la gare Saint-Charles, ou la Descente des Accoules, caviste place de Lenche. Ainsi, la petite production artisanale essaime-t-elle dans toute la ville.

Mais comment expliquer que malgré les boulangeries avoisinantes se multipliant sur ce créneau du pain bio, au levain, vendu au poids, “les gens prennent ici leur pain pour la semaine” ? Sans aucun doute une attirance de plus en plus prégnante du consommateur pour “des produits de saison, locaux, parfois bio et surtout liés directement à leurs producteurs”, analyse Anne Coppola. En créant ce premier marché paysan de la ville, autour d’une charte d’agriculture paysanne, l’ADEAR 13 a réussi à conjuguer une double demande : celle de consommateurs soucieux de leur alimentation et celle de paysans désireux d’“écouler une marchandise hors des circuits longs”.

S’il faut aller jusqu’à Aubagne pour rencontrer la première épicerie de vente directe, les points de vente réduisant de plus en plus les intermédiaires entre producteur et consommateur se multiplient dans la ville. “C’est assez jouissif de prendre la température des légumes sur les étals, se confronter aux saisons”, s’amuse Arnaud Carton de Grammont, chef au Café des Épices qui rapporte tous les mercredis en métro, cagettes et caddy de la Plaine au Vieux-Port. Pour les professionnels, le marché est une signature de cuisine. On les rencontre parfois aussi, tôt, au marché aux poissons du Vieux-Port. Car au delà de l’image de carte postale et caricaturale digne d’Ordralfabétix, cette mini criée quotidienne offre encore, au cul du bateau, une petite pêche fraîche et durable.

Le succès de ces micros marchés ponctuels défiant modestement la grande distribution marque la nécessité d’incruster de petits poumons verts au milieu des embouteillages et d’une vie coupée de la campagne. Profiter de faire rentrer la petite agriculture pour piétonniser un centre-ville, inciter les citadins à se nourrir de produits cultivés sainement, faire vivre les saisons au pied des immeubles, voilà un bel enjeu à l’aube de l’année 2019 de la gastronomie.

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