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À Marseille, ce n’est pas Mélenchon qui a fait reculer le FN

Chronique
le 6 Mai 2017
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À Marseille, ce n’est pas Mélenchon qui a fait reculer le FN
À Marseille, ce n’est pas Mélenchon qui a fait reculer le FN

À Marseille, ce n’est pas Mélenchon qui a fait reculer le FN

Chaque mois, Joël Gombin mouline des données et les habille d’une représentation graphique. Ce week-end, il s’intéresse à l’évolution des scores du FN entre les régionales 2015 et le premier tour de la présidentielle. Une contre-performance qui ne doit pas tant au leader de la France insoumise qu’à une percée moins forte au sein de l’électorat droitier.

Marseille ressemble de plus en plus au reste de la France (d’un simple point de vue électoral, je vous rassure !), écrivions-nous avant le premier tour. Les résultats du premier tour semblent nous donner tort : l’ordre d’arrivée y est en effet bien différent de celui qu’on observe au plan national. Jean-Luc Mélenchon est arrivé premier, tandis qu’Emmanuel Macron pointe à la troisième place. D’aucuns – le chef des Insoumis (sic) le premier – d’y voir la preuve que le candidat de la gauche radicale a su faire reculer le FN.

Regardons-y toutefois de plus près. Tout d’abord, Mélenchon n’est le premier que… des votants. Un quart des 500 000 électeurs marseillais se sont abstenus. Il ne recueille donc que 18,2 % des inscrits, avec un peu plus de 90 000 voix – 4000 voix seulement devant Marine Le Pen. Si Mélenchon fait presque 3 points et demi de mieux que son score national, Le Pen quant à elle n’est qu’un gros point au-dessus de la moyenne du pays – une contre-performance notable dans une ville où d’aucuns voyaient le Front arriver en tête en 2014. Elle dépasse certes – avec une participation bien plus élevée – le résultat obtenu par Marion Maréchal-Le Pen au premier tour des élections régionales (16 % des inscrits), mais demeure deux points et demi en deça de sa performance du second tour (19,8 % des inscrits).

Cette contre-performance doit avant tout à son recul dans les arrondissements les plus à droite : 8e, 7e, 6e, 12e, 9e… À l’inverse, comme l’illustre la carte ci-dessous, dans les 14e, 15e et 16e, Marine Le Pen obtient quasiment autant de voix (voire légèrement plus, dans le 16e) que sa nièce en 2015. Le signe qu’à Marseille, la stratégie “ni droite ni gauche” de la direction du Front national fait moins recette que celle, droitière, de la nièce. Il faut pourtant se rappeler qu’en 2015, c’était bien à Christian Estrosi, secondé par Renaud Muselier, qu’était opposée Marion Maréchal-Le Pen au second tour. Autant dire des candidats qui ont largement leurs entrées dans les beaux quartiers de la ville… Dès lors, que Marine Le Pen, dans un contexte de déconfiture du candidat des Républicains, ne parvienne pas à égaler sa nièce démontre une inadéquation statégique avec les données de la ville.

C’est qu’à Marseille – mais il en va ainsi dans bien d’autres territoires – les réserves de voix du Front sont à droite, et même dans l’électorat de la droite bourgeoise, et pas ailleurs. Dans certains bureaux du sud de la Ville (0834, 0773, 0832…), Marine Le Pen obtient trois fois moins de voix que la liste FN lors du second tour des régionales ! Et la régression semble s’être faite au profit de Fillon, hégémonique dans ces bureaux. Où l’on voit que les électeurs les plus susceptibles d’aller et venir entre la droite et l’extrême droite ne sont pas ceux issus des classes populaires…

Lecture de la carte : pour chaque bureau de vote, la couleur illustre la progression (en rouge) ou la régression (en bleu) du FN entre le premier tour des régionales 2015 et celui de la présidentielle 2017.

Mélenchon a su lui remobiliser les électeurs des classes populaires, qui avaient peu participé lors des élections régionales. Ainsi, si l’on compare le total des voix des listes d’extrême gauche, de l’alliance Front de gauche-écolo et des socialistes en 2015 avec le score de Mélenchon, ce dernier fait mieux à lui tout seul dans tous les bureaux de vote de la ville. Dans les bureaux des quartiers les plus populaires, la progression est parfois spectaculaire, comme le montre la carte ci-dessous.

Lecture de la carte : pour chaque bureau de vote, la couleur illustre l’ampleur de la progression (du rouge le plus plus clair au plus vif) de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle 2017, comparé avec la somme des voix des listes d’extrême-gauche, de l’alliance Front de gauche-EELV et du PS au premier tour des régionales 2015.

Le FN régresse donc dans les beaux quartiers, Mélenchon progresse dans les quartiers populaires. On le voit, le leader de la France insoumise a tort d’affirmer – pour ce qui concerne Marseille, en tout cas ! – qu’il a fait reculer le FN au sein des classes populaires. Ce sont Marine Le Pen – par ses choix stratégiques – et Fillon – par son positionnement – qui ont fait reculer le FN dans des quartiers de droite. Le FN s’est en revanche maintenu dans les quartiers populaires, mais la dynamique suscitée par la candidature de Mélenchon a permis de remobiliser des électeurs qui, par leur abstention, permettaient au FN de s’imposer.

Les législatives vont donc avoir, pour les partisans de Mélenchon, cet enjeu fondamental de parvenir à maintenir la mobilisation des électeurs des classes populaires. Une gageure, dans une élection historiquement marquée par la faible participation des électeurs les moins politisés. Une éventuelle candidature de Mélenchon à Marseille pourrait-elle faire la différence ?

Commentaires

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  1. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Bien vu ! Je serais curieux de lire votre analyse comparée des votes de Marseille et, par exemples, de la Guyane et de La Réunion qui donnent le même ordre d’arrivée des quatre premiers (avec, il est vrai, un moindre score pour Fillon).

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  2. BernardMounier BernardMounier

    Peu convaincant, car il manque une analyse des flux E-S entre chaque “réservoir” dans les quartiers populaires. Ce qui aurait pu être établi par sondages, avec une modélisation particulière. Les militants, eux, ont bien leur petite idée, fondée sur leur pratique, leurs succès et leurs échecs.

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  3. leravidemilo leravidemilo

    Tant qu’à faire, l’analyse comparée serait intéressante encore pour toutes les autres grandes villes ou Mélenchon arrive en tête, genre l’ensemble de la seine st denis, que nombre de fins connaisseurs de marseille estiment socialement comparable à marseille, la quasi totalité du val de marne, mais aussi, mais encore Lille, toulouse, grenoble, montpellier…(liste non exhaustive). Si l’analyse quartier par quartier, et la remarque générale sur le recul du fn sont intéressantes, les ordres de comparaison plus globales, sur marseille qui ressemble à la france un coup oui, un coup non, me semble un peu courtes.

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  4. barbapapa barbapapa

    “Les gens se passent le mot” Une explication qui en vaudra d’autres pour expliquer des votes de masse non totalement prévus par les sondages :
    les groupes d’électeurs, de droite, de gauche, sont soumis au pilonnage des sondages, des médias, de la com des politiques et de personnalités relais d’opinion et en groupes non formalisés mais bien réels, ils se “passent le mot” – on l’a vu lors des primaires de la droite où Fillon a bénéficié de ce phénomène, id chez les militants PS pour Hamon. Ensuite, à Marseille, suite aux affaires révélées sur Fillon, la droite locale a fortement essayé de pousser Fillon au renoncement, n’a pas fait campagne, son électorat s’est fortement abstenu et n’a pas remplacé son vote pour le FN car il s’agit d’une présidentielle où les choses sont sérieuses. Id à gauche, il y a eu un moment où Hamon était dans la position de rassembler et de faire les scores de Mélenchon, mais mal positionné sur l’échiquier politique il s’est coupé le bras droit, du coup les électeurs se sont donnés le mot, Mélenchon est devenu le représentant de la gauche, phénomène accentué à Marseille à cause de la déliquescence locale du PS, de fuites vers Macron de pas mal de caciques PS tendance mafia, et d’autres caciques dans la ligne Valls…

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