Cercle Concorde : Cassone, "j'ai été parrain deux fois"

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le 3 Juin 2013
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Cercle Concorde : Cassone, "j'ai été parrain deux fois"
Cercle Concorde : Cassone, "j'ai été parrain deux fois"

Cercle Concorde : Cassone, "j'ai été parrain deux fois"

Appelé à la barre, Roland Cassone s'avance d'un pas lent et souverain pour répondre des chefs d'accusation de blanchiment de fonds criminels, association de malfaiteurs et détention d'armes. Pourtant avec ses lunettes rondes, son imperméable et sa taille moyenne, le personnage n'en impose guère. Mais dans le procès du Cercle Concorde, Roland Cassone, retraité du milieu du grand banditisme marseillais, tient le rôle obscur du "vieux monsieur", celui auquel on fait référence dans les écoutes tout en taisant le nom. Celui dont l'un des 19 autres prévenus dans cette affaire de blanchiment d'argent au sein de l'établissement de jeux parisien dira qu'il lui faisait penser à Marlon Brando dans Le Parrain.

Il est vrai que lorsque un impudent journaliste, profitant d'une suspension d'audience, tente de le prendre en photo – malgré les tentatives efficaces du fils pour masquer le père de sa stature imposante – Roland Cassone s'avance, menaçant et protestant. Le vieux monsieur ne souffre guère les journalistes, tenus en partie responsables de sa "réputation, précise-t-il, alors que je n'ai jamais contre-signé un article. Je laisse les gens à leurs fantasmes." Dans l'ordonnance de renvoi, on peut lire "retraité en invalidité, il bénéficiait dans le milieu du banditisme méridional d'un charisme d'autant plus méritoire que ses antécédents judiciaires souffraient d'une banalité ancienne". Il aurait ainsi travaillé pour des grands noms du banditisme tels Francis le Belge ou encore Jacky le Mat dont il aurait été porte-flingue.

Jardinier armé

C'est pour cette raison qu'en avril 1978, Roland et son frère Serge Cassone sont la cible d'un règlement de compte qui coûte la vie à son frère et le laisse pour mort. Mais à part une condamnation de 30 mois ferme dans les années 70 pour port d'armes, Roland Cassone n'a pas été inquiété outre mesure par la justice. Jusqu'au 28 novembre 2007, date à laquelle il est arrêté en train de jardiner, un pistolet de marque Glock à la taille muni d'un chargeur et de deux autres chargeurs dans la poche. "C'est un peu comme quelqu'un qui aurait une pipe et deux paquets de tabac dans la poche, ça fait partie de la panoplie" s'est-il justifié lors de l'instruction. Un gilet pare-balles était découvert dans sa voiture, conséquence du traumatisme lié au règlement de compte meurtrier. "J'ai entendu dire que je dormais avec", ironise-t-il. Face au tribunal, sans sourciller, Roland Cassone le taiseux se présente comme un retraité en maçonnerie sans qu'il ait été pour autant capable de citer une seule société du bâtiment lors des procès-verbaux.

Lorsque la présidente Christine Mée le somme de s'expliquer sur la possession du pistolet, il lance, "il m'a été livré, je n'ai pas commis le délit d'aller le chercher quelque part". Rapidement, la présidente l'interpelle sur ses relations avec Paul Lantieri, cet homme d'affaire corse, principal prévenu dans l'affaire du Cercle Concorde, interpellé à l'ouverture du procès après six ans de cavale. "Vous entreteniez des relations amicales avec Paul Lantieri, c'est bien ça ?" demande la présidente. "Non, ce n'est pas le mot. Ce sont des relations affectives. Un ami on lui confie tout. Moi je ne lui ai jamais rien confié. Mais il est d'agréable compagnie, Paul. Je le considère comme une membre de ma famille, je ne vais pas dire comme mon fils parce que mon véritable fils est dans l'assemblée…"

"L'argent, ça casse les familles"

Roland Cassone, c'est le nom que l'on prononce dans le milieu pour se donner de l'importance, celui qui, "suscitait à l'évidence une réelle appréhension chez ses interlocuteurs", lit-on dans l'ordonnance de renvoi. Un nom qui aurait justement fait office de gage de référence à Lantieri. "Est-ce que Paul Lantieri s'est servi de vous comme caution pour asseoir son pouvoir ?" poursuit la présidente. Une trahison inconcevable pour le "vieux monsieur" : "S'il s'avérait que Lantieri m'avait utilisé, ça me ferait de la peine, mais je ne lui en voudrais pas". Et d'ajouter : "Je ne ferai jamais d'affaire avec les gens que j'aime. Parce que l'argent, ça casse les familles. Voilà pourquoi je n'ai jamais eu d'association avec Lantieri". Mais pour ceux qui auraient eu l'effronterie de piéger son protégé [en l'occurrence le clan Federici, dans la bande des bergers braqueurs de Venzolasca -ndrl], Roland Cassone s'emporte violemment, tournant le dos au tribunal, hurlant vers l'assemblée : "S'il s'avérait qu'ils aient fait ça, ce sont des porcs ! Voilà mes propos !".

Le procureur Blachon invective le prévenu : "De quelle morale êtes-vous le gardien pour distribuer des bons et des mauvais points ? Quelle est la nature de votre autorité?". Me Eric Dupond-Morretti s'interpose, créant la cacophonie. "Respectez le contradictoire maître", tonne Christine Mée. Il reste au tribunal la tâche ardue de démontrer l'exactitude du rôle tenu par ce "vieux monsieur", parrain invisible de l'affaire s'il en est. "J'ai été parrain deux fois dans ma vie. Une fois il y a quarante ans dans une église orthodoxe, une autre fois il y a quinze ans quand j'ai baptisé un enfant à l'église de Saint-Just" affirme Roland Cassone, le mauvais garçon qui rêvait de couler une retraite paisible. En coupant ses rosiers, armé.

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