Pour ses opposants, le premier budget d’Estrosi fait le plein de coupes

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le 8 Avr 2016
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Quelques mois après sa victoire aux régionales soutenue par la gauche, Christian Estrosi défend un premier budget scruté de près. Certaines orientations sont rudes pour le PS, les communistes et les écologistes, soutiens d'hier contre le FN. Ce dernier demande au contraire une rupture plus nette.

Pour ses opposants, le premier budget d’Estrosi fait le plein de coupes
Pour ses opposants, le premier budget d’Estrosi fait le plein de coupes

Pour ses opposants, le premier budget d’Estrosi fait le plein de coupes

Il y a moins de cinq mois, de nombreux électeurs de gauche allaient aux urnes pour glisser un bulletin Christian Estrosi (Les Républicains) et faire barrage au Front national. Ainsi élu, le président du conseil régional doit défendre son premier budget ce vendredi. Sans surprise, de son propre aveu, l’opposition FN “n’a pas l’impression d’être face à un budget de rupture avec 18 ans de socialisme”, commente Franck Allisio, porte-parole du groupe. Mais ce document qui constitue traditionnellement un marqueur politique fort est aussi particulièrement guetté par les socialistes et plus largement la gauche. “Oui j’ai appelé à voter pour Christian Estrosi”, assume Jean-David Ciot, premier secrétaire du PS des Bouches-du-Rhône. Faut-il s’en étonner ? Pour lui comme pour ses camarades de l’union régionale, le compte n’y est pas.

Contactée pour un entretien avec un élu, la région a décliné notre demande. Mais le 30 mars, lors de sa conférence de presse intitulée sobrement “La région est de retour”, Christian Estrosi déroulait un discours plutôt social :

Pour moi être à la tête d’une collectivité territoriale aussi grande soit elle c’est porter de l’intérêt au plus petit détail, c’est se dire que nous n’avons pas le droit de laisser sur le bord du chemin le plus démuni.

Première secrétaire du PS dans les Alpes-de-Haute-Provence, Paola Valenti dénonce pourtant “un budget anti-jeunes”. Elle liste les coupes budgétaires touchant les lycées, la formation professionnelle, les bourses d’apprentissage, les TER ou encore la fin des pénalités pour les communes ne respectant pas le quota de logements sociaux… Taquin, Jean-David Ciot note que si la synthèse budgétaire (publiée en fin d’article) insiste bien sur les écarts de recettes entre 2015 et 2016, la référence à l’année passée disparaît lorsqu’il s’agit de détailler les dépenses.

Candidate de la Région coopérative (EELV/Front de Gauche) – éliminée au premier tour avec 6,5 % des voix, faute d’avoir pu fusionner avec le PS – Sophie Camard a dû sortir des cartons le budget 2015 pour comparer. Elle estime que le millésime 2016 s’attaque aux “marqueurs de la majorité précédente”, en particulier ceux portés par les écologistes et les communistes : tarification sociale dans les cantines, fonds Agir pour l’énergie, économie sociale et solidaire. “Je connais bien ce secteur, avec -25 % et un budget de 16 millions d’euros, on arrive à l’os”, assure l’ancienne présidente écologiste de la commission économie. Seul réel satisfecit : “Il a compris qu’il ne fallait pas toucher au budget de la culture.” La même prudence est observée pour le sport.

Après les écoles de Marseille, les lycées de la région ?

La chute la plus symbolique est celle qui touche les lycées, compétence phare de la région. Si les dépenses de fonctionnement sont à peu près épargnées, les investissements chutent de 6,7 %, malgré 21 millions d’euros consacrés à de nouveaux établissements, calcule Sophie Camard. Conclusion, également tirée par le communiste Jean-Marc Coppola, ancien vice-président chargé de cette question : c’est l’entretien qui va être touché. “Vous allez avoir ce qui se passe à Marseille pour certaines écoles, prévient-il. L’année dernière, j’avais obtenu la sanctuarisation. C’était déjà un défi quand on sait que pour cela il faut repousser des réhabilitations qui ne sont pas seulement faites pour la beauté des bâtiment mais pour l’hygiène et la sécurité.” Jean-David Ciot se dit également “très inquiet, même si la dégradation ne sera pas visible immédiatement”. Selon le détail des budgets, que nous avons pu consulter, la baisse portera en bonne partie sur les travaux de rénovation énergétique, épargnant ceux de mise aux normes des accès pour les personnes handicapées.

À la FCPE, fédération de parents d’élèves classée à gauche, Michel Vincent observe “un vrai sabrage sur les installations sportives liées aux lycées, -35 %”. Quant au fond d’acquisition des manuels scolaires, il chute de 70 %. Ce membre du conseil économique, social et environnemental régional (voir en fin d’article l’avis de cette instance consultative) s’inquiète également des annonces sur le non-remplacement des départs à la retraite. “Sachant que 80 % des agents relèvent des lycées, cela va forcément les toucher.”

Austérité et canons à neige

Sophie Camard reconnaît que cela aboutit à un fait rare : la baisse, certes réduite, des dépenses de personnel. De quoi valoir à Christian Estrosi le titre de “bon élève d’accompagnement de l’austérité” de la part Jean-Marc Coppola. Ce sera une particularité de la séance de vendredi : cette politique gêne moins l’opposition d’extrême-droite présente dans l’hémicycle. “Notre objectif était une baisse des dépenses de fonctionnement de 20 % sur le mandat, rappelle Franck Allisio du Front National. On avait bien conscience que c’était déjà difficile, mais Christian Estrosi a voulu faire de la surenchère en annonçant – 25 %…”

Pour justifier ses doutes, le conseiller régional élu dans les Bouches-du-Rhône retient quelques symboles médiatiques : “Quand on veut faire des économies, on ne commande pas une étude à un cabinet pour trancher sur la Villa Méditerranée alors qu’on a déjà tranché. C’était une économie facile à faire. On ne commande pas non plus un sondage pour tester la cote de popularité de Marion Maréchal-Le Pen, Philippe Vardon et d’autres. Quand on serre les boulons, on serre les boulons.”

D’ailleurs, tous les secteurs ne sont pas touchés par les coupes. “La vraie surprise de ce budget, ce sont les télésièges. En allant aux urnes, les électeurs imaginaient-ils que leurs impôts allaient financer des canons à neige artificielle ?”, sourit Sophie Camard. Le budget “Montagne et massifs alpins” bondit en effet de 170 % pour atteindre 14 millions d’euros, annonciateur d’un plan “Smart moutain” dévoilé en parallèle ce vendredi. Pour l’heure, nous n’avons pas pu vérifier le contenu exact de ce projet.

Mais la priorité officielle, assumée, c’est l’économie. “C’est vrai que ce sont des choix différents. Pendant 18 ans on n’aidait pas forcément le monde de l’entreprise, lançait Christian Estrosi le 30 mars. C’est un changement de cap, c’est un changement d’architecture budgétaire pour que nous mettions le paquet au service de l’entreprise, de la croissance.”

Aides en circuits courts

“Ce discours économique est financé par l’Europe, rétorque Sophie Camard. Lorsqu’on regarde de plus près, le fameux FIER [fonds d’intervention dans les entreprises de la région, ndlr], c’est PACA Investissement plus les fonds européens qui arrivent.” Parmi les critiques partagées à gauche, on trouve le basculement vers des aides directes, à l’image des 1000 euros de primes à l’embauche d’un apprenti. “Certes cela peut aider. Mais sur quel type de poste, quelle filière ?”, interroge Jean-David Ciot.

Une logique qu’il retrouve “dans l’ensemble des aides, qui sont recentralisées sur du soutien direct au lieu de bénéficier aux opérateurs locaux, aux filières, aux écosystèmes.” Les chiffres en fournissent une confirmation. Dans son dossier de presse “La région est de retour”, la nouvelle majorité met en avant l’augmentation de 12 % du budget des aides directes aux entreprises. Mais passe sous silence les réductions sur les politiques sectorielles : économie sociale et solidaire ; innovation et l’économie numérique ; l’enseignement supérieur et recherche ; tourisme.

Cette orientation est cohérente avec la volonté de Christian Estrosi de rendre la région plus identifiable : “Comme on se dit que ça ne sert pas à grand chose la région, et bien on se défoule [en votant FN, ndlr], expliquait-il lors de son point presse. Moi mon pari c’est qu’on ait changé d’ère et qu’on s’identifie à la collectivité régionale, une sorte de patriotisme pour sa terre régionale”.

Pour sa part, Franck Allisio ne s’offusque pas de l’augmentation du budget des aides directes, “mais c’est tellement saupoudré, alors que notre idée était d’aider en priorité celles qui créent de l’emploi, les petites entreprises”. Ses critiques portent surtout sur les effets d’annonce, les approximations, “cette impression que depuis 100 jours on est encore en campagne électorale”. Reste à savoir si Christian Estrosi sera plus à l’aise pour répondre à cette opposition “interne” du FN qu’à l’opposition “externe” de gauche…

 

 

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Commentaires

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  1. leravidemilo leravidemilo

    Il convient toutefois de ne point trop s’étonner; ce n’est pas parce que ce que nos média mainstream s’obstine à appeler la “gauche” fait assidument une politique de droite (et même parfois directement inspirée par l’extréme droite…) qu’il faut s’attendre benoitement que la droite fasse une politique de gauche… et qu’Estrosi fasse autre chose que de l’Estrosi. L’exemple des canons à neige et autres télé sièges est très parlant, et son passé de soutien permanent aux lobbys des pistes annonçait largement la chose. A t on déjà oublié son délire des années 2007-2008 lorsqu’il décida de faire candidater Nice pour les jeux olympiques d’hiver (!), lança la campagne de com ad hoc, mobilisa l’essentiel de son cabinet sur le dossier durant plusieurs mois… toujours aux petits oignons pour sa station isola 2000. Pour le reste, l’essentiel, la note est salée, dès le premier budget, pour notre belle région : Les lycées sont Quatre s fois touchés par les -25% sur l’investissement, les -35% sur les installations sportives dédiées, les -70% sur les manuels scolaires et la baisse du personnel. L’économie sociale bien entendu est aux premières loges (c’est quoi ce truc?), -25%, à l’unisson des décisions du CG 13 de l’équipe Vassal (les bdr prendront les deux coups en même temps.) Peut on rappeler à ce propos qu’elle est importante sur la région, qu’au niveau national elle représente près de 10% de l’emploi, et près de 10% de l’emploi privé pour les seules associations… Tout ceci rajouté aux coupes, non chiffrées ici, dans la formation professionnelle et les bourses d’apprentissage frôle réellement l’aberration et montre à quel point cette politique est à l’envers des attentes des acteurs et habitants et tout simplement de la situation réelle de la région et du pays, ce qui commence à se faire savoir… Concernant l’aide aux entreprises, qu’il faudrait, bien évidemment cibler sur des branches prioritaires et sur les pme, l’option aide directe, laissant dans le floue les contreparties même pas annoncéés, est là encore à l’unisson de ce qui a été commis au niveau national par l’improbable équipe actuelle, crédits d’impôts et autres joyeusetées… À l’unisson aussi du mémorable pin’s de Gattaz (made in china!) sur le million d’emploi ! Contrairement à ce qu’indique J M Coppola, ce n’est pas qu’une seule politique d’accompagnement, mais bien la même politique. La région réelle, ses habitants, va souffrir!

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