Bras de fer en vue autour de l’espace culturel Busserine

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le 10 Fév 2016
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Lieu de culture atypique dans les quartiers nord, l’Espace culturel Busserine a fermé ses portes en début d’année pour cause de travaux… qui ne débuteront pas avant des mois. Les employés ignorent quelles seront leurs nouvelles missions et le maire frontiste Stéphane Ravier joue un jeu trouble.

Bras de fer en vue autour de l’espace culturel Busserine
Bras de fer en vue autour de l’espace culturel Busserine

Bras de fer en vue autour de l’espace culturel Busserine

Ce lundi matin, les salariés de l’Espace culturel Busserine (ECB) était rassemblés autour d’un écran, pour regarder le conseil municipal en direct. Ils y ont vu leur maire, celui des 13 et 14e arrondissements, Stéphane Ravier, assurer qu’il n’y avait pas de problème à l’ECB, que les salariés avaient été reçus et qu’ils “avaient très bien compris” de quoi allait être fait leur avenir dans les mois qui viennent. Devant leur ordinateur, les concernés ont fait des bonds. “On ne savait pas qu’on avait été reçus par le maire, on ne savait pas qu’il y avait eu un accord, on ne savait pas non plus qu’on était satisfaits !” raille l’un d’eux sous couvert d’anonymat.

Depuis plusieurs semaines, un bras de fer s’est noué entre la mairie de secteur Front national et l’ECB, dont elle a la charge. Lieu atypique dans les quartiers nord, l’Espace culturel joue depuis des décennies le rôle d’oasis culturel au milieu des cités. Mais, depuis début janvier, ses portes sont closes, pour une durée indéterminée. Pour cause de travaux, Stéphane Ravier a décidé de “rapatrier” la dizaine d’employés dans la bastide St Joseph, siège de la mairie de secteur. Problème, quelques coups de téléphone ont suffit à leurs responsables pour savoir que le chantier ne démarrerait pas en mars comme le disait le maire, mais, au plus tôt fin 2016.

Stéphane Ravier assure qu’il n’avait pas connaissance de ce report. La mairie centrale dément pourtant. “Il n’a jamais été prévu que les travaux débutent début 2016, affirme Jean-Claude Gondard, directeur général des services de la Ville. Il dit avoir décroché son téléphone pour en informer la mairie de secteur après avoir “appris par la rumeur publique qu’elle rapatriait les employés de l’Espace culturel Busserine au nom de travaux qui n’existent pas”.

Rapatriés au service “fêtes et manifestations”

Début janvier, l’ECB fermait donc ses portes, laissant ses salariés dans l’expectative et sans aucun budget. “On n’a même plus de quoi s’acheter des sacs poubelle ou du papier toilette !”, déplore un des responsables du lieu.“Mardi, les déménageurs doivent venir, on les a prévenus qu’ils trouveraient toutes les portes fermées”, ajoute-t-il. L’équipe de l’ECB assure pourtant avoir tenté de prendre les devants.

Fin janvier la directrice générale des services du secteur d’alors les reçoit et leur explique qu’ils seront intégrés au service “fêtes et manifestations” à compter du 22 février. Une option saugrenue pour les employés. “Nous avons parmi nous des professionnels du spectacle vivant, je les vois mal organiser des lotos ou des fêtes médiévales”, souffle l’un d’eux. Une injonction d’autant plus floue qu’elle n’aurait été mise par écrit à aucun moment, hormis dans un compte-rendu de réunion. Depuis, assurent les salariés, rien “ni mails, ni note, ce n’est pas du tout la pratique dans les mairies !”.

espace-busserine-interieur

Les locaux de l’ECB n’accueillent plus d’activités depuis début 2016. (crédit LC)

Ils ont donc choisi la résistance passive, en raison de leur droit de réserve de fonctionnaires, mais ont su susciter un émoi autour de leur situation. Une pétition a rassemblé plus de 2000 signatures en une semaine, avec quelques paraphes d’artistes célèbres issus des quartiers alentours. Sollicité par les médias, Stéphane Ravier a tenté de calmer le jeu. Ainsi qu’il l’a répété en conseil municipal, le maire de secteur assure que “la mairie veut que l’espace culturel perdure” et annonce qu’en attendant le début des travaux, les salariés se partageront entre le lieu historique et leurs nouveaux bureaux dans la bastide, rattachés au service culture. Sans plus de détails sur leurs nouvelles missions. Une forme de reculade qui semble laisser une marge de négociation aux salariés.

La crainte d’une reprise en main

Autre point d’achoppement, la programmation hors les murs. Habituée à mener des projets en lien avec les écoles du secteur, l’équipe avait planifié un programme d’activités et de spectacles pour les scolaires. Stéphane Ravier voudrait que celles-ci aient lieu dans les centre d’animation municipaux, “ce qui n’a rien d’infâmant !” s’est-il exclamé au conseil municipal. Pour les organisateurs en revanche, “nous avons l’habitude de faire se déplacer les enfants pour qu’ils voient les spectacles dans de très bonnes conditions, dans un vrai théâtre. Les faire dans une salle polyvalente c’est la même chose que dans une école, ce n’est pas adapté, alors autant ne pas les faire se déplacer”.

Mais derrière ces tensions à première vue purement logistiques, c’est la question de l’immixtion de la mairie dans la programmation qui inquiète l’ECB et ses soutiens. Et Stéphane Ravier n’a pas vraiment essayé de les détromper. Lundi matin, il confirmait vouloir repenser le “partenariat” avec l’ECB pour instaurer “un choix plus appuyé de la mairie de secteur” dans ses activités.

“Ce qu’il craint, c’est d’être dépassé par les contenus”, analyse un salarié. En 2015, la direction de l’ECB aurait reçu par deux fois des demandes de la mairie pour retirer des spectacles jugés trop controversés, l’un portant sur la guerre d’Algérie, l’autre sur l’immigration et le mélange des cultures. Des interpellations auprès de la mairie centrale auraient permis de ne pas aller à l’affrontement. “Ils ne savent pas s’occuper de la culture, ils n’ont pas de plan, si ce n’est de ne plus faire que du spectacle pour enfants, la fin des soirées. C’est un dialogue de sourds sur la culture, que nous ne concevons vraiment différemment”, lâche le même salarié. Pour lui, les remous dans l’équipe municipale n’arrangent pas l’improvisation qui semble être de mise dans ce dossier.

Gaudin reste loin de la mêlée

“Stéphane Ravier a tout à fait le droit de faire ce qu’il souhaite de l’ECB”, déplore le conseiller municipal d’opposition socialiste Stéphane Mari qui s’inquiète de “l’ambiguité” du maire. Sa demande à Jean-Claude Gaudin de recentraliser la gestion de l’ECB a été balayée par l’édile.

Face au maire de secteur qui paraît prêt à lâcher du lest pour éviter le conflit, les salariés eux n’envisagent pas de baisser la garde. “Notre statut est tellement béton que pour nous forcer à travailler sur des projets qui nous déplaisent, il va falloir y aller ! On ne va pas faire de zèle. C’est dommage, parce que pour travailler sur nos projets, nous sommes toujours motivés !”, ironise un salarié. La guerre d’usure ne fait que commencer.

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Commentaires

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  1. Blaah Blaah

    Il y a une chose que je ne comprends pas bien. D’un côté, les salariés sont des agents municipaux sous statut de fonctionnaires territoriaux à la mairie de secteur, c’est bien cela ? Mais dans ce cas pourquoi parler de “partenariat” avec l’ECB : est-ce une association auprès de laquelle la mairie met à disposition des agents ? Est-ce un service municipal pur et simple, auquel cas les élus sont pleinement en droit de valider ou non la programmation ? Comme vous l’écrivez, c’est assez trouble. Merci de vos lumières.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Bonjour,
      en effet, en utilisant le mot “partenariat”, le maire des 13-14 n’est pas extrêmement clair. Les employés sont bien des agents municipaux sous statut de fonctionnaires. Ils sont, au même titre que l’équipement, sous la tutelle de la mairie de secteur. À ce titre, cette dernière en dispose selon son souhait, de même que pour la programmation. On peut donc supposer que, quand Stéphane Ravier parle de “renforcer le partenariat”, il entend réduire l’indépendance dont jouissait l’ECB jusqu’ici en terme de choix artistiques.
      Il y a bien, par ailleurs, une association de promotion de l’espace culturel Busserine, mais celle-ci n’est pas l’employeur.

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    • Blaah Blaah

      OK, merci !

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  2. leravidemilo leravidemilo

    Merci pour cet article, le sujet “méritant” par son importance bien plus qu’une brève. (pensez y Marsacu, les brèves, en général, sont bien souvent contre productives, et vos brèves en particulier, en terme de débat public, et en référence à votre histoire.). Je répète mon message précédent, en substance : – La fermeture de l’E.C.B est une grosse erreur. – Elle sera très coûteuse à la ville (la ville réelle, ses habitants) directement et par ses très nombreux effets collatéraux, dont nos élus n’ont visiblement aucune idée de la nature et de l’ampleur.- Elle sera encore, et plus immédiatement coûteuse, pour le quartier. Elle aura une très grande efficacité pour le transformer en ghetto, et rendre définitivement insoluble un grand nombre de problèmes déjà fort mal barrés mais pas tout à fait encore irrémédiablement… — Elle aura pour conséquence un très fort sentiment d’injustice pour les usagers, également pour l’équipe qui y travaille …; (signer donc et vite la pétition!). j’y rajoute : –La fermeture d’un tel lieu de diffusion culturelle, d’expression, de mixité sociale, sera une véritable insulte à la constitution d’un imaginaire collectif (quel qu’il soit) pour les familles, et en particulier pour les enfants, à leur volonté d’apprendre, à leur soif de découvrir et de se faire leur propre opinion. — De même pour l’investissement et le professionnalisme (dont Marseille manque tant), des salariés qui l’ont développé, qui s’y sont tant investis, a tel point d’ailleurs que l’ont ne s’y sent pas dans un lieu “municipal” mais bien dans un lieu associatif, parce qu’il associe les gens en permettant leur rencontre. — Une véritable rupture aura lieu, sur le fond, en terme de sentiment d’appartenance à une collectivité, à une ville, à une cité… — La dangerosité de ceux qui auront pris cette décision sera, à moyen terme, clairement établie. S Ravier doit revenir sur cette décision, il ne s’agit pas d’une reculade mais d’une “écoute” d’une réflexion, ou alors ses capacités en la matière sont définitivement nulles et non avenues. — Si ce n’est pas le cas, Gaudin et la mairies centrales doivent impérativement reprendre la main. — Pour avoir une réelle expérience en la matière d’action culturelle sur ce genre d’équipements, je peux dire que les élus qui ont su réfléchir, revenir sur leurs premiers emportements sur ce sujet s’en sont bien portés. — À titre d’exemple, la richesse et la diversité de la vie associative Aixoise, n’est en rien conforme aux à priori politiques de son maire, et lui profite régulièrement,à la ville et au maire… Sur le même exemple, un homonyme sur la même ville avait cher payé, et comptant, son ostracisme en la matière… — Plus loin que cet exemple, l’ex maire de Cannes, formé à l’école du bisness new yorkais et donc revenu de loin, a su, là aussi à son grand profit, écouter et comprendre, avec une grande intelligence, les logiques et les besoins du quartier Ranguin. ( 10 000 habitants, une MJC centre social, un cinéma…). –Plus explicite encore, le règne de Médecin, à Nice, fut bien long, accompagné de l’existence et du financement de 7 M.J.C qui ne correspondaient pourtant pas aux élans spontanés de son coeur ni de son esprit…Songez y. Songez qu”en la matière, et dans ce cas particulièrement, on ne ne reconstruira pas un tel équipement, une telle interaction avec les habitants. Concernant ces quartiers, aujourd’hui dans notre beau pays, un certain points de non retour ont été atteints et même dépassés. Quelque soit vos intentions en la matière, cette décision reviendra à une politique de la terre brulée! — Une ville se gère, en la matière, comme un archipel; Vouloir frapper les cieux d’alignement c’est détruire sans pouvoir construire, c’est se condamner à une impuissance totale. Et Marseille est plusieurs ville, en simultané; et les 13ème et 14ème arrondissements, une ville à eux seuls.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Merci de cette mise en perspective !
      Quant au rôle joué par les brèves, n’hésitez pas à développer votre point de vue et à nous en faire part lors du prochain questionnaire que nous enverrons bientôt à nos lecteurs 🙂

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  3. Escartefigue Escartefigue

    Blah avec un seul a!

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