La grosse facture contestée de la réorganisation d’Aix en bus

Actualité
le 12 Jan 2018
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Saisi par un contribuable, le tribunal administratif de Marseille a annulé un avenant à 28 millions d'euros censé acter la facture de la refonte en catastrophe du réseaux aixois menée entre 2012 et 2013. Récupéré par la métropole, ce dossier avait à l'époque mis en difficulté Maryse Joissains face aux protestations des usagers déboussolés.

La Diabline, mini bus emblématique du centre-ville. Crédit photo : 
Derek Blackadder, licence CC BY-SA.
La Diabline, mini bus emblématique du centre-ville. Crédit photo : Derek Blackadder, licence CC BY-SA.

La Diabline, mini bus emblématique du centre-ville. Crédit photo : Derek Blackadder, licence CC BY-SA.

C’est une faute collective, j’assume. Je boirai la coupe jusqu’à la lie.” En septembre 2012, en tentant d’éteindre l’incendie allumé par la réorganisation du réseau de bus lancée trois mois plus tôt, Maryse Joissains ne pensait probablement pas que la lie serait si épaisse. Comme l’a déjà évoqué le site Mobitelex, le tribunal administratif de Marseille a annulé le mois dernier un avenant à la délégation de service public qui confiait à Kéolis, filiale de la SNCF, l’exploitation d’Aix en bus jusqu’en 2019.

Enjeu de cette procédure, lancée par un habitant de l’époque de Puyloubier en qualité de contribuable, Gérard Perrier : 28 millions d’euros sur un contrat total de 270 millions. Contactée, la métropole, désormais en charge du dossier, n’a pas souhaité commenter cette décision et se prononcer sur un éventuel appel. “Toutefois, le jugement n’a aucune incidence sur le bon fonctionnement du service public assuré par Kéolis pour le service de transports en commun du territoire du Pays d’Aix, tient-elle à rassurer.

Cinq réunions de concertation et une grosse facture

Gérard Perrier, que l’on retrouve aujourd’hui dans un recours contre le méga-contrat des écoles à Marseille, rouvre en tout cas une des polémiques les plus vives affrontées par la maire d’Aix-en-Provence ces dernières années. “Je prends la décision de revenir au système antérieur. C’est une décision arbitraire prise pour calmer la situation et faire face aux difficultés des Aixois”, annonçait à l’époque la maire d’Aix-en-Provence dans La Provence, parlant de “bordel dans la ville”. Mise en place le 9 juillet 2012, la refonte d’Aix en bus avait rapidement suscité un tel tollé que Maryse Joissains avait dû lancer une série de cinq réunions de concertation.

“Un chahut pas possible, résume l’élu d’opposition Lucien-Alexandre Castronovo, qui a assisté à trois de ces réunions. Je crois que Maryse Joissains n’avait alors pas mesuré les problèmes avec ce nouveau réseau. La quasi totalité des numéros de lignes avaient changé, les fréquences, les arrêts, les itinéraires…” Au fil des échanges, en septembre 2012, puis en février 2013 et enfin à l’été 2013, les réorganisations s’enchaînent. Après avoir missionné le cabinet d’audit Deloitte pour l’épauler dans les négociations, la communauté d’agglomération du pays d’Aix accepte de régler 8,4 millions d’euros pour solder les comptes de cette (courte) période chahutée.

Quant au reste du contrat, qui court jusqu’à fin 2019, il doit être couvert par la rallonge de 28 millions, votée en octobre 2013. Parmi les raisons du surcoût, le document évoque “le renforcement des moyens matériels car davantage de véhicules circulent en heure de pointe (…) une augmentation des heures de conduites commerciales et du nombre de conducteurs. Le coût des autres personnels d’exploitation (atelier, contrôle) augmente également en raison de la hausse du nombre de véhicules à entretenir et du nombre de services à contrôler.”

Un risque limité pour Kéolis

La mission du tribunal administratif de Marseille n’était pas d’entrer dans la genèse de cet appel d’offres, mais seulement d’examiner la conformité de l’avenant d’octobre 2013. Sans se prononcer non plus sur le bien fondé des réorganisations opérées, les juges ont tiqué sur le changement de règles dans la rémunération de Kéolis. Comme il est d’usage pour ce type de services publics, la communauté d’agglomération devait verser une contribution forfataire, couvrant la différence entre les dépenses prévues “et le montant de l’engagement de recettes du délégataire, défini contractuellement pour chaque année d’exploitation”, rappelle le jugement. Autrement dit, “le délégataire supportait l’intégralité du risque financier en cas de recettes inférieures au montant prévisionnel”.

Or, l’avenant de 2013, a mis en place un mécanisme de sécurité : au-dessus de + 5 % ou en-dessous de -5 %, ces prévisions devaient être revues pour les années suivantes. Sans justification, l’agglo a donc modifié “la répartition des charges entre le délégant et le délégataire, en réduisant de manière importante le risque d’exploitation encouru par la société Keolis Pays d’Aix”, critique le tribunal, pour qui il aurait donc fallu organiser une nouvelle mise en concurrence.

Réorganisation Aixpress

Quelle conséquence peut avoir l’annulation ? Kéolis ayant fait rouler ses bus, payé le carburant et le personnel, il y a de fortes chances qu’il obtienne le versement des sommes correspondant. Mais la métropole et son prestataire vont devoir régulariser la situation, ne serait-ce que pour les deux années de contrat restantes. Pour la suite, un méga contrat évalué à 445 millions d’euros sur neuf ans se prépare déjà.

D’ici là, une révolution va venir bousculer une nouvelle fois le réseau, souligne Lucien-Alexandre Castronovo : l’Aixpress, la ligne de bus à haut niveau de service actuellement en travaux et qui devrait impacter neuf lignes du réseau Aix en bus, selon un document de la concertation lancée cet automne. “L’évolution du réseau doit être pensée en même temps, sinon ça va être de nouveau le foutoir”, craint l’élu.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    L’arroseuse arrosée.
    A force de donner des leçons de bonne gestion à tous les élus de la région, de la métropole et de Marseille voilà donc la Joissains se prendre un retour de service sévère.
    Cela ne dédouane nullement les autres nullités du coin , mais cela permet de la mettre au niveau de ses petits copains et de lui rabattre un peu son caquet. Mais que diable , 28 millions , une broutille, c’est le prix d’un lycée dans la région.
    “C’est une faute collective, j’assume. Je boirai la coupe jusqu’à la lie” nous dit-elle , mais pour quelles sanctions ? .
    Une fois le Confiteor récité , c’est ma faute, c’est ma très grande faute, etc. What else?
    On continue, et à la prochaine ânerie ! .

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    • LN LN

      Les mots “Assumer” et ” Responsabilité” sont totalement vidés de leur sens par les politiques. Ce sont des mots. Point. On les dit avec force et conviction, avé l’assen chez nous et hop ! on passe à autre chose. Comme vous dites , et après ? Une fois qu’on a dit ca ? Ben rien…. Le politique a assumé. C’est fait, c’est dit.
      Edouard Philippe a assumé les 350 000€ de frais d’avion privé. Et voilà. Point. Une autre question ?

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    • petitvelo petitvelo

      Et nous, on paie :o)
      Bravo à M Perrier pour son civisme, car sans lui il semble qu’aucune institution ne se saisirait de ces arrangements en cours de marché ! Alors il faut choisir, ou on laisse tomber les lois sur les marchés publics et on s’en remet au contrôle de gestion peu connu de certaines collectivités, ou on contrôle sérieusement.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Si je ne suis guère chagriné par la disparition de la taxe d’habitation sous sa forme actuelle, c’est parce que son mode de calcul n’incite pas à la rigueur de gestion.

      La notion sacro-sainte d’autonomie fiscale des collectivités me fait doucement rigoler. C’est quoi, cette autonomie ? C’est le droit pour les élus locaux de faire payer leurs erreurs de gestion et leurs rêves de grandeur par les contribuables : il suffit d’augmenter les taux des impôts locaux, sans avoir à se préoccuper ni de l’inflation, ni de l’évolution des revenus de ceux qui les paient !

      Il est facile de dire “j’assume” tout en lâchant 28 millions d’euros quand c’est quelqu’un d’autre qui va assumer de payer… Et il est facile de sous-évaluer le coût d’une DSP pour gagner l’appel d’offres si, ensuite, il suffit d’un avenant pour se refaire la cerise.

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  2. chomenad chomenad

    Une des conclusions à tirer d’une décision de justice administrative
    Le tribunal administratif de Marseille dans un jugement rendu le 6 décembre 2017 a annulé la délibération prise par la Communauté du Pays d’Aix-en-Provence pour valider l’avenant 3 de la DSP d’Aix en bus en date du 10 octobre 2013 d’un montant de presque 30 millions d’euros. Cette affaire traduit un mauvais fonctionnement de nos institutions. En effet outre le fait que la collectivité aurait dû être mieux conseillée par ses avocats et par son opérateur Keolis (groupe de transport public présent dans le monde entier, les organismes de contrôle n’ont pas joué leur rôle : le contrôle de la légalité de la préfecture n’aurait pas dû valider cette délibération et la Chambre régionale des comptes aurait pu se saisir de l’affaire qui a défrayé la chronique en son temps. Seule la Justice a joué son rôle.
    Cette dernière n’a pu le faire que parce qu’elle a été saisie par un contribuable local soucieux de l’intérêt général. On est en présence d’un paradoxe : il faut que ce soit un citoyen a ses propres frais qui se charge de demander justice d’une mauvaise utilisation des fonds publics. De source bien informée, cette action a un coût (frais d’avocat et d’un expert transports pour les questions économiques de l’ordre de 12 000€) et le tribunal ne lui accorde en dédommagement de ses frais 2 000 euros.
    Conclusion : la vigilance citoyenne a un coût exorbitant et ne peut s’exercer qu’à condition de trouver du mécénat et des compétences techniques ce qui est un cas de figure fort rare en la matière A défaut, les pouvoirs publics peuvent prendre des décisions illégales sans être inquiétées par leurs conséquences.

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