Avec sa pétition contre la pollution, Marseille veut peser sur la régulation des croisières
La Ville de Marseille a lancé ce mardi une pétition pour dire "Stop à la pollution maritime". La collectivité tente ainsi de se faire entendre sur le sujet de la réglementation des navires, où elle n'a que peu de leviers.
Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l'été 2022. (Photo : JV)
“Nous suffoquons“. La Ville de Marseille démarre par ces mots la pétition contre la pollution maritime qu’elle a initiée ce mardi 19 juillet. Une démarche assez inédite. Elle y réclame l’interdiction des escales pour les navires les plus polluants durant les pics de pollution à l’ozone, comme celui que connaît le département actuellement.
Depuis des années, des riverains se mobilisent contre les navires de croisières, exaspérés par leurs fumées. Et tout récemment, le 14 juin, le collectif Stop Croisières a bloqué l’arrivée du Wonder of the Seas, un paquebot transportant près de 9000 passagers lors d’un happening très médiatique avec des militants en kayak. Le navire était tout de même bien là ce mardi dans la rade, pour sa deuxième escale en une semaine…
Le Printemps marseillais n’a, depuis son arrivée au pouvoir, jamais caché ses inquiétudes sur le sujet. Au-delà de l’opération de communication menée par la mairie, cette pétition relance les questions concernant la pollution liée au transport maritime dans la rade et la place de la croisière à Marseille.
Le port de Marseille étant propriété de l’État, les élus locaux n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre pour décider du devenir des bateaux circulant dans ses eaux. C’est l’Organisation maritime internationale (OMI), institution spécialisée des Nations unies qui façonne la réglementation de la circulation des navires en Méditerranée. Faute de pouvoir, la mairie en appelle donc au soutien populaire avec cette pétition. “On s’est aussi fait élire sur notre engagement au sujet de la pollution maritime, justifie Laurent Lhardit, adjoint au tourisme durable. La pétition permet de mettre en visibilité la position de la Ville.”
Ce que la Ville ne dit pas dans sa pétition, c’est qu’une avancée majeure a eu lieu le 10 juin dernier. Après des années de concertation, l’OMI a instauré une zone réglementée pour toute la Méditerranée, appelée SECA : elle oblige les navires à avoir une teneur en soufre dans leur carburant qui ne dépasse pas 0,1 %. Après le délai prévu par une convention internationale, elle sera effective en 2025. La réduction attendue est de 95 % sur les oxydes de soufre et de 80 % sur les particules fines.
Dans ce contexte, Jean-François Suhas, président du club de la Croisière, s’étonne du timing de cette pétition : “C’est contre-productif et disproportionné. Pour l’instauration de la zone SECA, l’OMI a travaillé 10 ans pour mettre tous les pays d’accord. Politiquement, la Méditerranée est une zone compliquée !”. Si le spécialiste reconnaît que le transport maritime “a vingt ans de retard” sur les questions environnementales et qu’il est nécessaire d’accélérer, il considère que cette pétition “stigmatise les travailleurs portuaires, plutôt que de travailler ensemble à réfléchir à comment transformer les croisières”.
La mairie assume pour sa part vouloir “exercer une pression supplémentaire dans la mise en place d’une zone ECA“, souligne Laurent Lhardit. Cet autre classement vise à contraindre, en plus du soufre, les rejets d’oxyde d’azote. Des zones de ce type existent déjà au Canada, aux États-Unis, en mer du Nord et en mer Baltique.
Si le sujet est aussi sensible, c’est que quelques paquebots peuvent, à eux seuls, avoir un impact majeur sur la qualité de l’air à Marseille. Les émissions varient bien sûr d’un navire à l’autre en fonction du carburant utilisé, du type de moteur, et de son équipement. Mais d’après les calculs d’Atmosud, association agréée par la région pour mesurer la qualité de l’air, l’escale d’un paquebot qui fonctionne au fioul correspondrait aux émissions d’à peu près 30 000 voitures quand il est à quai. “Plusieurs centaines de milliers“, quand il se déplace, indique le directeur Dominique Robin. Au final, l’association estime que 42 % des émissions d’oxyde d’azote à Marseille viennent du transport routier et 38 % des navires (paquebots mais aussi ferrys et fret).
Mais aujourd’hui, pour la Ville, le problème est de s’assurer que chaque navire est bien aux normes, d’autant plus si elles sont appelées à se durcir. Laurent Lhardit l’a martelé lors d’une conférence de presse ce mercredi 20 juillet. “Aujourd’hui, on demande un outil qui distingue l’origine des pollutions. Les contrôles de la Dir Med [direction interrégionale de la mer Méditerranée, ndlr] ne sont pas suffisants, il faudrait que ça soit systématique“, pointe-t-il. Contactée à ce sujet, la préfecture indique qu’une expérimentation est en cours pour l’utilisation de drones permettant de prélever des panaches de fumée au niveau des cheminées des bateaux. “Si celle-ci est concluante, elle permettra de renforcer les moyens de l’État avant l’escale“, précisent les services.
Dans sa pétition, la Ville demande aussi à l’agence régionale de santé (ARS) de finaliser “au plus vite” une étude sur l’impact sanitaire sur les quartiers riverains du port, lancée en 2020.
Pour réduire les émissions d’oxyde d’azote, les armateurs ont plusieurs options : s’équiper d’un catalyseur, fonctionner au gaz ou se brancher à quai. Une option qui se développe à Marseille pour les ferries, même si le nombre de branchements reste insuffisant. Pour Laurent Lhardit, il est évident que les “petits navires polluent moins que les gros” mais il pointe que les armateurs n’ont pas tous les mêmes moyens pour s’équiper de nouvelles technologies moins polluantes. “Le modèle de la croisière moderne n’a pas besoin de soutien financier par rapport aux compagnies de transport“, souligne-t-il. Un constat partagé par Jean-François Suhas. Le président du club de la croisière assure que la majorité des bateaux de croisières sont déjà équipés de catalyseurs pour réduire les oxydes d’azote.
Pour justifier sa demande d’interdiction des navires polluants en cas d’épisode de pic d’ozone, la mairie pointe notamment le paradoxe entre les contraintes imposées aux voitures et l’arrivée des bateaux touristiques. “Les habitants de Marseille et de ces villes ne doivent pas supporter seuls le combat pour un environnement plus sain et un air plus respirable“, écrit la collectivité.
Pour l’heure, l’arrêté préfectoral abaisse déjà la vitesse des navires de quelques nœuds. Mais on imagine déjà que l’industrie s’élèverait contre une interdiction complète d’accoster, qui désorganiserait les itinéraires au dernier moment. Sauf si la pétition de la Ville trouve un écho au plus haut sommet de l’État, la croisière devrait continuer à s’amuser encore un peu.
Actualisation le 22/07 à 16h10 : ajout d’une réponse de la préfecture.
Commentaires
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Petite coquille largement compréhensible : c’est la DIRM MED (direction de la mer) et pas la DIRMED (direction des routes).
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Bien vu, merci, on corrige !
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La nouvelle équipe municipale a entièrement raison, cette grave atteinte au droit à la santé n’a que trop duré. Il y a eu des progrès, certes, mais on est encore loin du compte.
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Il faut des règles claires pour la préservation de notre santé ET des mesures de contrôle efficaces, donc des contrôleurs ET des sanctions
sinon ce sera un coup d’épée dans l’eau
total soutien à la ville sur ce dossier
où peut-on signer la pétition ?
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Directement sur le site de la mairie, Marseille.fr : https://www.marseille.fr/mairie/stop-pollution 😉
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Votre article qi fait un travail d’information a la délicatesse de ne pas citer le texte de la Mairie qui polémique sans situer ni les enjeux ni les responsabilités et qui s’accompagne d’un montage photo ridicule où l’on voit au milieu du Vieux port un navire qui n’y rentrera jamais et qui crache un panache noir sur la Bonne Mère, spectacle dantesque que Monsieur le Maire ne peut pas prétendre voir depuis le balcon de l’Hôtel de Ville. Moulins à vent ?
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En-dehors de la photo, qu’on peut juger pertinente ou non, il y a un véritable enjeu. Et je trouve même la pétition peu ambitieuse : la mairie demande l’interdiction des navires les plus polluants (sur quel critère, laxiste ou contraignant ?) seulement lors des périodes de forte pollution, alors que l’interdiction devrait durer toute l’année…
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Là aussi nous avons encore des années de retard contrairement à l’Europe du Nord qui a déjà pris des mesures.
Les hommes politiques méditerranéens face à cette problématique n’ont pas de courage.
Barcelone est dans le même cas, trois millions de passagers et tête de ligne et les problèmes de pollution avec.Mais ils commencent à réagir sous la pression des habitants qui en ont marre.
Marseille, un directeur du port qui nie tout, une ancienne mairie avec D.Vlasto prête à tout et le pompom le club de la croisière qui est le bras armé des compagnies de croisières avec un président le petit doigt sur la couture et qui lève la patte sur un coup de sifflet.
Nos amis ajacciens n’en peuvent plus non plus de cette pollution et ils avancent en partenariat avec la collectivité territoriale.
Alors cette pétition peut,peut être prendre la forme d’ un déclencheur de décision ?
Je vais quand même monter à la Vierge pour mettre un cierge.
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Un cierge d’accord, mais sans l’allumer, car sinon vous apporterez votre partcipation à la pollution ! 😉
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Suhas, on n’a plus le temps gari.
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Allez , je suis sympa aujourd’hui , je vais vous donner le montant de ma pollution contributive : la masse d’une petite bougie est de 13.7 g . Là je suis un peu radin , j’aurais du mettre un peu plus de sous dans le tronc .
Bref, je vous passe les détails du calcul de l’énérgie thermique dégagée par la parafine , matériau des bougies , mais cela avoisine +/-: 0.15 Kwh.
Voyez comparer avec par exemple l'”Hamony of the Seas” qui frise les 100 000 Kw.
Le jeu en vaut peur être la chandelle ( Smiley!)
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Pour certains on en est encore à pouvoir attendre 20 ans, même 2 avant que ça bouge. Les forêts brûlent, le pétrole “non violent” se faire rare et pourrait faire chûter l’économie, mais il faut toujours aller à petits pas … jusqu’à quand ? pour préserver quoi ?
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STOP A LA CROISIERE semble être la réponse sensée pour toutes les villes de Méditerranée. Rien à gagner à ce genre de truc : petits trains qui sillonnent le panier le vieux port et notre dame, boutique de savonnettes puantes à 1 €, tourisme en hordes de quelques heures et énorme pollution aux particules sur la ville, mer souillée avec les scrubbers (ramasse pollution dans les cheminées et les tuyaux des navires et injection de la meu directement dans la mer pour cacher aux passagers la pollution engendrée). Ici le GPMM engrange quelques loyers de location du port aux compagnies, mais les dilapide avec son train de vie hors normes. Il ne reste à Marseille que la pollution et les odeurs de mauvais savons.
Mais le gros du scandale est à l’Elysée, Alexis Kohler de la famille de MSC qui fait construire à tour de bras à bas crédit à petit prix avec la garantie de l’etat français par les chantiers de Saint Nazaire, lire https://www.mediapart.fr/journal/france/270518/l-affaire-kohler-eclabousse-macron
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Franchement on se fiche d’Alexis Kohler sauf si il s’est servi au passage, ce qui n’est nullment démontré , les bateaux se construisent à St Nazaire en France. De toutes les façons ils seront construits en Chine ou en Corée, autant le faire chez nous. Ce qui est impératif de faire ,c’est de réglementer les normes de pollution vers celles que nous souhaitons en collaboration avec les autres ports Européens de la Méditrérranée. Les compagnies plieront comme elles ont pliés en Europe du Nord.
Sinon , où voulez vous qu’ils aillent faire escale ? à Fos sur Mer ? . Si ils ne peuvent aller à Naples, Civitavecchia, Gênes, Marseille,Barcelone,Ajaccio, Valence, les Baléares où peuvent t’ils aller, le marché est trop énorme.
Un bras de fer est nécéssaire avec ces gens qui sont loin d’êtres des poètes. Faut taper fort et se débarrasser des vers locaux qui sont dans la pomme.
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Une “affaire” d’état, le Port de Marseille ?
Voici ses structures de gouvernance :
https://www.marseille-port.fr/les-instances-de-gouvernance
On y voit, parmi les membres du Conseil de Gouvernance, 5 représentants des Collectivités Locales, dont B. Payant (sur 18 membres) :
https://www.marseille-port.fr/sites/default/files/2022-01/Liste%20membres%20CS%20GPMM%202022.pdf
Il y a des places vacantes en tant que “Personne qualifiée”. On pourrait peut être pousser pour des personnes avec une sensibilité écologique ?
Dans ces instances, il doit pouvoir se jouer quelques orientations avisées. J’espère que notre Maire s’y rend avec des dossiers bien ficelés et des conseillers affûtés. Un bon complément aux pétitions populaires, qui ont tout leur mérite bien sûr.
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Faute de levier direct ?
Les députés des Bouches du Rhône ne peuvent-ils pas rédiger une proposition de loi pour interdire l’accès au port aux navires les plus polluants (ceux fonctionnant au fuel lourd, oui oui au fuel lourd même à quai) ?
Une telle réglementation est déjà en place sur les côtés atlantiques depuis des années.
Certes la réglementation dans la méditerranée relève des organisations internationales mais l’état a la main concernant l’accès aux eaux territoriales et aux infrastructures portuaires.
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Il y a au moins une information intéressante que nous n’avions peut-être pas envisagée jusque là.. Les bateaux polluent mais seulement ceux de croisières. Remplaçons donc les bateaux de croisières par des ferries fumants et ronronnants dans le port !
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