Avec l’annulation du PPP, la reconstruction de 28 écoles prend cinq ans de retard
La cour administrative d'appel a parachevé l'enlisement du contrat visant à reconstruire 31 groupes scolaires vétustes. Pour certains, la mairie a anticipé ce revers juridique. Mais la plupart des chantiers ne pourront pas être menés avant cinq ans.
Avec l’annulation du PPP, la reconstruction de 28 écoles prend cinq ans de retard
L'enjeu
La mairie peut encore se tourner vers le Conseil d'État mais elle s'oriente plutôt vers un "plan B". Cela nécessite de reprendre la procédure à zéro et au cas par cas pour la plupart des écoles.
Le contexte
La future équipe municipale devra arrêter une stratégie pour la réhabilitation du patrimoine scolaire, bien au-delà des 31 groupes scolaires "GEEP" inclus dans le PPP.
Ce lundi matin, enseignants et parents d’élèves retrouvent leurs écoles dont les bâtiments pour certaines devraient rester en l’état pour encore un moment. Le 27 décembre, la cour administrative d’appel a confirmé l’annulation de la procédure de partenariat public-privé lancée par la Ville de Marseille pour reconstruire une trentaine d’écoles. L’idée de ce contrat de PPP, évalué à un milliard d’euros sur 25 ans, était attaquée par un collectif inédit de militants, enseignants et professionnels du bâtiment. Pour la Ville, il s’agissait de traiter d’un seul coup le problème des 31 écoles Pailleron, ou GEEP, héritées des années 60, par la voie d’une démolition et reconstruction (retrouvez ici tous nos articles concernant ce dossier).
Au cœur de l’audience du 16 décembre (lire notre compte-rendu), la méthode d’évaluation des risques aura été fatale au dossier monté par la mairie. Pour justifier le recours au PPP par rapport à la procédure classique de maîtrise d’ouvrage public, elle devait démontrer que cette option présentait un avantage, notamment financier. Une comparaison où les différents risques inhérents à tout projet de ce type (terrain impraticable, défaillance d’un prestataire, mauvaise évaluation du besoin…) a joué un rôle déterminant. Dans son arrêt, la cour considère que la modélisation complexe sur laquelle se base la Ville ne peut “faire l’objet ni d’une interprétation critique par un lecteur averti, ni d’une appropriation intuitive par un lecteur non averti”. Les élus du conseil municipal n’ont pas été informés “de manière suffisamment précise et claire”, leur vote favorable perdant par là sa valeur.
Paradoxalement, le risque qui se révèle de manière fracassante – celui lié à une mobilisation juridique contre le PPP – n’avait pas été intégré à ces calculs… Le contrat lancé par la Ville prévoyait un démarrage des travaux au printemps 2020 et une ouverture à la rentrée 2021. La double décision de justice rend cette perspective illusoire, à deux mois des élections municipales.
Retard limité pour cinq écoles
La Ville dispose maintenant de deux mois pour porter l’affaire en cassation devant le Conseil d’État, sur le seul plan du respect du droit et non plus sur le fond. Elle n’a pour l’instant pas indiqué si elle comptait saisir cette possibilité. Sollicitée par Marsactu, elle n’a pas donné suite à nos questions avant la publication de cet article. Les dernières déclarations au sein de la majorité municipale dessinaient plutôt la voie d’un plan B, pour lequel elle pensait faire appel aux services de cabinets de conseil.
En parallèle, elle a paré au plus pressé pour limiter l’impact pour cinq établissements jugés prioritaires. Trois d’entre eux (Bouge, Vayssière et Kallisté) sont des GEEP inclus dans des programmes de rénovation urbaine, pour lesquels la décision a été prise en novembre 2019, lors du dernier conseil municipal. En avril 2019, la Ville avait déjà changé son fusil d’épaule pour deux écoles nouvelles à construire dans le 3e arrondissement, Jolie-Manon à la Belle-de-Mai et les Docks libres à Saint-Mauront. Les appels d’offres ont été lancés dans les mois suivants. Pour Jolie-Manon, cela permettrait de tenir une date d’ouverture à la rentrée 2023. Soit déjà deux ans de retard sur l’objectif que la Ville s’était fixé à l’origine.
Calendrier initialement prévu pour les écoles du PPP
Cinq ans de rab, au mieux, pour les autres
Pour les autres écoles initialement incluses dans le contrat, l’horizon semble plutôt la fin du prochain mandat. Au mieux. Dans sa comparaison avec le PPP, la Ville estimait à quatre ans et neuf mois le délai nécessaire à l’inauguration d’une première vague de quatorze écoles en maîtrise d’ouvrage publique, à compter du lancement de la procédure. Face à la difficulté de mener tous les chantiers de front, les deux autres vagues, dix établissements chacune, devaient suivre bien plus tard. À cela s’ajoute désormais la nécessité de disposer en interne de cadres formés pour piloter ces chantiers, un rôle qui aurait sinon été confié aux grands groupes du BTP, pressentis comme partenaires du PPP.
Le rectorat a repéré 25 écoles nécessitant des travaux important. La Ville réfléchit déjà à 19 projets d’ampleur, dont 7 nouvelles écoles.
“Et si l’on ajoute des écoles qui n’appartiennent pas à la catégorie des GEEP, mais qui sont dans un état lamentable, on ne va pas pouvoir tout faire en même temps”, souligne Christian Bruschi, l’un des porteurs du recours, membre du collectif pour la rénovation des écoles et par ailleurs militant politique. Il évoque cependant la possibilité de ne pas recourir à une démolition pour l’ensemble des GEEP, comme l’avait étudié le syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône, lui aussi opposé au PPP. Si leur démarche a pour conséquence de retarder la rénovation d’écoles, les arguments avancés par les différentes composantes du collectif dépassaient cette notion d’urgence : un coût jugé supérieur, une irruption du privé dans la gestion quotidienne des établissements, une mise à l’écart des entreprises locales notamment les architectes, avec le risque d’une nouvelle “industrialisation” des constructions…
Un audit et des arbitrages
En complément des précédentes évaluations, celle du rectorat concluant à 25 écoles “où il faut reprendre des choses importantes”, les services municipaux disposeront d’un diagnostic technique de l’ensemble des 470 écoles, mené à marche forcée par des prestataires privés entre septembre et décembre 2019.
Un difficile travail d’arbitrage qui reviendra, dans tous les cas, à un nouveau maire. “Même si la majorité actuelle porte la responsabilité, étant en place depuis 25 ans, il ne faut pas se cacher : la prochaine équipe aura la tâche délicate”, reconnaît Christian Bruschi, qui participe au comité de pilotage du Printemps marseillais, alliance d’associations et de partis de gauche en vue d’une candidature commune aux municipales de mars prochain. La remise en cause du choix de concentrer des moyens exceptionnels aux 31 écoles GEEP était d’ailleurs l’argument principal avancé par les députés LREM pour justifier leur opposition au PPP.
Même du côté des candidats issus de la majorité, et malgré des positions diverses par rapport au PPP, Martine Vassal et Bruno Gilles ont respectivement promis un “plan Charlemagne” et des “états généraux” , pour prendre la mesure du retard, au-delà des GEEP. Dans ses cartons, la municipalité dispose déjà de 19 projets de création, extension ou réhabilitation pour les dix prochaines années. Autant de situations scrutées de près par des milliers de parents d’élèves marseillais.
Commentaires
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Et voilà Gaudin vient de se prendre encore une bonne gifle, après la Cour des Comptes , le Cour Administrative. Bonne année Jean Clôôôôôde.
Mais le pire dans tout cela , c’est que les écoles marseillaises et surtout les minots , sauf ceux du privé bien sûr ,se prennent 5 ans de retard à minima.
Et dire qu’il va faire le guignol à St Jean de Dieu chaque année .
Alors pourvu que rien n’arrive , car là nous aurions droit non pas aux larmes de crocodile, mais du caïman qui est un prédateur encore plus terrible.
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Pendant un long moment, avant que Libé titre en “une” sur “la honte de la République” que sont nos écoles, le site de la Ville a affiché fièrement le bilan de la nullicipalité en la matière : “en 20 ans, 37 écoles ont été construites ou entièrement réhabilitées”. Sur 444 (ou 445, ou 470, je ne sais plus où on en est, moi non plus…).
C’est moins de deux écoles par an, ce qui suppose que chaque école soit en moyenne capable de tenir environ deux siècles sans gros travaux.
Curieusement, cette fière mention a disparu du site de la Ville dans les jours qui ont suivi le gros titre de Libé et le scandale qu’il a révélé : peut-être finalement n’y avait-il pas de raison d’en être si fier…
Nous n’avons pas fini de payer l’incurie et l’incompétence de cette équipe qui préfère financer des équipements somptuaires plutôt que les équipements du quotidien : il faudra au bas mot une décennie pour s’en remettre, et je suis probablement optimiste. A condition, bien sûr, de ne pas confier les clés de la mairie à l’un des deux membres éminents de la nullicipalité qui se verraient bien continuer “l’oeuvre” du patriarche.
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