Au tribunal, les petites communes veulent faire sauter le couvre-feu

Actualité
le 23 Oct 2020
5

À l'initiative du maire de Cornillon-Confoux, Daniel Gagnon, des communes attaquent devant le tribunal administratif l'arrêté préfectoral concernant la mise en place d'un couvre-feu sur toute la métropole Aix-Marseille Provence. Pour ces élus, ce décret ne devrait concerner que les grandes villes. La justice donnera sa réponse ce samedi.

Daniel Gagnon, maire de Cornillon-Confoux, devant la préfecture le 15 octobre.
Photo Margaïd Quioc
Daniel Gagnon, maire de Cornillon-Confoux, devant la préfecture le 15 octobre. Photo Margaïd Quioc

Daniel Gagnon, maire de Cornillon-Confoux, devant la préfecture le 15 octobre. Photo Margaïd Quioc

Une mesure incohérente” et qui “ne prouve pas son efficacité”, attaque Me Sylvain Carmier, l’avocat de communes qui veulent annuler le couvre-feu sur le territoire. “Une pétition de principe”, rétorque Thierry Servia, le juriste qui représente la préfecture. La mise en place du couvre-feu sur l’ensemble de la métropole Aix-Marseille Provence était en débat ce vendredi après-midi au tribunal administratif de Marseille.

Cette audience fait suite au recours déposé par le maire de Cornillon-Confoux, Daniel Gagnon, contre le périmètre de ce confinement nocturne pris par la préfecture le 17 octobre. L’édile souhaite que les “petites communes” en soient exclues. Une démarche suivie par Saint-Marc-Jaumegarde et Mimet ainsi que deux particuliers vivant à Grans et La Ciotat. Le recours en référé-liberté sera accepté ou rejeté samedi matin.

L’efficacité en question

Pendant presque deux heures, la juge a entendu les arguments de Thierry Servia, et de Sylvain Carmier. Ce dernier a commencé par rappeler l’aspect “extrêmement attentatoire aux libertés” du couvre-feu alors que son efficacité n’est pas prouvée. “La préfecture est incapable de démontrer son utilité. Ses seuls arguments sont des articles de presse et un rapport de Santé Publique France qui dit qu’il n’y a pas une corrélation certaine entre une telle mesure et la baisse du nombre de contaminations”, note l’avocat.

Pour Thierry Servia, “l’état d’urgence touche forcément les libertés”. Le représentant de la préfecture ne nie pas le manque de preuve sur l’efficacité du couvre-feu. “Ce qui est difficile à faire comprendre, c’est que malgré les efforts de chacun, nous constatons que cela ne marche pas et personne ne peut dire pourquoi, enchaîne-t-il. Il y a un effet d’inertie avec les mesures, c’est comme lorsque l’on jette une boule, elle ne s’arrête pas tout de suite”.

Dans son discours, le juriste défend la prise de mesures de plus en plus fortes tant que les courbes sur lesquelles s’appuient les autorités pour mesurer l’épidémie ne retombent pas sous un seuil acceptable. “Les décrets ne mentionnent pas que le couvre-feu, il y a aussi un panier de mesures qui s’appliquent”, précise-t-il.

Aix-Marseille, une métropole spécifique

En face, Me Sylvain Carmier ne réclame pas la fin du couvre-feu, mais seulement qu’il ne s’étende pas sur toute la métropole. “Nous sommes d’accord sur le principe du couvre-feu, mais le rôle du préfet, c’est la délimitation. Or, il n’a fait qu’appliquer bêtement ce qu’a dit le Premier ministre”, argumente-t-il, citant l’article 21 du décret qui dispose que : “Le préfet de département interdit [les déplacements entre 21h et 6h, ndlr], dans les zones qu’il définit, aux seules fins de lutter contre la propagation du virus”. Présent, Daniel Gagnon confie son regret que les réunions avec la préfecture “ne prennent qu’une approche globale”.

Pour appuyer son argumentaire, l’avocat met en avant les grandes différences qui existent au sein de la métropole. “65 communes ont moins de 10 000 habitants et beaucoup en ont moins de 5000, 80 % de la population se concentre dans six villes”, défend-il. Pour renforcer ses dires, il brandit les cartes de Santé publique France sur les taux d’incidence de la métropole marseillaise et lyonnaise pour montrer l’état des communes voisines des deux villes-centres.

La mobilité du quotidien en question

Comment un habitant de Marseille peut se rendre au restaurant le soir à Cornillon-Confoux tout en rentrant pour 21 heures alors qu’il y a 50 minutes de trajet ?”, s’interroge Me Sylvain Carmier. L’avocat fustige une décision appliquée pour suivre la prise de parole de Jean Castex. “Ce n’est pas une conférence de presse du Premier ministre qui fait la loi, c’est le décret et il stipule qu’il faut limiter la zone”, insiste-t-il. “À cette occasion, le Premier ministre a parlé de la métropole Aix-Marseille qui ne s’appelle pas comme cela mais Aix-Marseille Provence. Cela montre sa méconnaissance, à moins qu’il pensait à ces deux villes et non à toutes les communes”, s’amuse-t-il. Pour l’avocat, les chiffres du département sont biaisés car les cas se concentrent à Aix, Marseille et Arles.

Thierry Servia revendique l’approche globale des services de l’État et rappelle que “le virus ne distingue pas les spécificités qui font le charme de nos communes”. Il pointe l’importance de la mobilité du quotidien. “Si un habitant de Cornillon-Confoux se rend travailler à Aix-en-Provence, qu’il y est contaminé puis rentre chez lui pour aller au restaurant ou au foot, cela peut mal se passer. Pour des petites communes, cinq cas c’est beaucoup. Si l’on raisonne sur la potentialité, on a la justification du couvre-feu”, développe-t-il.

Le représentant du préfet met ensuite en avant les chiffres de la Covid-19 dans les Bouches-du-Rhône : “Le taux d’occupation des lits en réanimation est de 57 % dans le département, quand le seuil maximal est à 60 %, contre 47,7 % en France. Le taux d’incidence est de 350 pour 100 000 habitants contre 300 à l’échelle nationale. Le taux de tests positifs est de 14,5 sur 100 et de 14 sur tout le pays, c’est 50 % supérieur au seuil d’alerte”.

Le couvre-feu prochainement étendu au département

Autre élément que Me Sylvain Carmier pointe comme une incohérence, celui d’exclure dans un premier temps Arles, car absente de la métropole. La décision du gouvernement d’étendre le couvre-feu dans tout le département règle le problème. “Mais le décret ne change pas, on peut toujours délimiter”, avance l’avocat.

Les deux camps mettent eux la pression sur la juge. “Je voudrais madame la juge que vous rééclairiez la jurisprudence Benjamin [celle du trouble à l’ordre public qui permet la mise en place de mesures qui restreignent les libertés, ndlr] car aujourd’hui c’est le virus qui dicte nos actes, pas le trouble à l’ordre public”, demande Thierry Servia à la magistrate. Pour Me Sylvain Carmier, “si le droit administratif ne prend plus en compte les spécificités locales, il s’effondre. Votre ordonnance est d’autant plus importante que le préfet va étendre son décret au département”. La décision fera en tout cas école puisque trois autres communes, Aurons, Rousset et Peynier, ont déposé un recours ce samedi. La juge se garde la nuit pour se décider. Il paraît qu’elle porte conseil.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. jasmin jasmin

    J’aimerais savoir qui paie les frais d’avocat quand les maires de ces communes portent plainte contre l’Etat? C’est nous je suppose? Pourquoi dans ce cas nous n’avons pas le droit de les empêcher de faire des choses pareilles? Il y a des habitants de Marseille qui vont au restaurant à Cornillon-Confoux? et le juge n’a sans doute rien d’autre à faire qu’a recevoir les maires mécontents et les patrons de syndicats de restaurateurs? Ils sont jaloux d’Arles?? Donc ils voudraient que leurs administrés picolent au bar du coin jusqu’au matin sans masque et à 10 cm les uns des autres? on a vraiment les élus qu’on mérite. Ce n’est pas les mêmes qui votent tous à droite et pointent du doigt les habitants de Marseille aux rues sales et dont les impôts paient leurs travaux tout flambant neufs?

    Signaler
    • BRASILIA8 BRASILIA8

      les frais de justice sont payées par les habitants
      le seuls droit pour les empêcher de faire n’importe quoi c’est de ne pas voter pour eux
      le maire de Cornillon-Confoux avait déjà attaqué au nom de la commune car cet arrêté mettait ” en péril la vie sociale ” du village ce qui laisse supposer en effet que beaucoup de marseillais et d’aixois allaient faire la fête dans ce village

      Signaler
  2. B Filippi B Filippi

    “Petites communes” ces gens veulent le beurre et l’argent du beurre, et ils l’ont grâce à la metropole…

    Signaler
  3. BRASILIA8 BRASILIA8

    il a gagné tous à Cornillon-Confoux pour fêter cela

    Signaler
    • corsaire vert corsaire vert

      …tous les Marseillais !! et si on faisait des cars sans port de masque à l’arrivée ?
      Quel couillon ce maire !

      Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire