Au Plan d'Aou, l'Insomnante offre un lit avec vue sur mer

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le 12 Avr 2013
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Au Plan d'Aou, l'Insomnante offre un lit avec vue sur mer
Au Plan d'Aou, l'Insomnante offre un lit avec vue sur mer

Au Plan d'Aou, l'Insomnante offre un lit avec vue sur mer

L'éperon rocheux du Plan d'Aou, belvédère autrefois nu supporte désormais une maison, entrave aux divagations et songeries des vieux du quartier. Mais la vue éblouissante sur la rade marseillaise reste inchangée, par-delà les poteaux de béton penchés vers le vide, stigmates des bunkers allemands. Drôlement agrémentés de barbelés rajoutés ensuite. Ce matin au Plan d'Aou, le regard du passant s'arrête sur une vision étrange, improbable. Un lit-cage noir, légèrement rouillé, planté là, au milieu de fleurs sauvages et d'herbes folles, dans le coin protecteur d'un mur de béton, au dessus de la falaise. Et entre les draps blancs, peut-être, un enfant endormi.

"L'insomnante", c'est le nom poétique du projet, imaginé à l'origine par la comédienne Claire Ruffin. Plutôt que de subir les nuits blanches dont elle souffre parfois, elle a souhaité y puiser son inspiration pour la réalisation d'un objet artistique, en utilisant le langage de son corps. Un spectacle a été créé, "Intérieur nuit", muet, avec cette jolie présentation : "c'est une suite d’insomnies. Jamais elle ne dort, son lit ne se laisse pas faire, il remue en tous sens, debout, fendu, penché, renversé… Au-dessus d’elle, un plafond mobile d’oreillers doux et légers (sauf un). Ils tombent l’un après l’autre. Aux alentours, une sorte de marchand de sable aux poches trouées et une violoncelliste-lampe-de-chevet."

L'autre pan du projet, "Extérieur jour" est une collection de photographies, censées représenter "les sommeils du jour après l'insomnie. Des paysages-textures. Nous tentons de les laisser devenir la matière du sommeil de l'Insomnante. Comme si l’on pouvait voir autour d’elle l’intérieur de son rêve, son impression" est-il décrit sur le site des artistes. Installés dans divers lieux, le lit-cage et sa belle au bois dormant, Claire Ruffin, ont été immortalisés par le photographe Vincent Beaume. "Pour la première image, raconte Claire Ruffin, on a placé le lit dans une rivière. C'était très joli, mais la deuxième fois, on s'est installé en cinq minutes, un peu à l'arrache, sur le bord de la rivière, et nous avons préféré ce résultat."

Impliquer les habitants

Une série est prise l'été dans l'écrin de verdure des Pyrénées, une l'automne dans le paysage des îles du Frioul, une l'hiver dans la vallée enneigée de Nevache. "Puis nous avons voulu réaliser une série dans la ville, dans le béton et faire quelque chose qui impliquerait les habitants", rapporte Claire Ruffin. Le choix se porte rapidement sur Vitrolles, au quartier des Pins où Vincent Beaume a mené un projet documentaire durant deux années. "Et puis ce quartier offre un paysage urbain assez théâtral, sans voitures", décrit le photographe. Claire Ruffin poursuit, "nous avons placé un lit entre quatre immeubles, dans un arbre. On a commencé avec moi dans le lit, puis une jeune femme nous a demandé de poser dans une bibliothèque. Au fur et à mesure, les gens sont arrivés pour jouer les dormeurs en nous faisant découvrir des coins. Et puis ils se sont mis à parler de la façon dont ils dormaient."

Crédit : E.C

Par la suite, l'envie vient aux artistes de toucher des populations qui entretiennent un rapport particulier au sommeil comme les personnes âgées, les enfants et les patients d'un centre médico-psychologique. Le comédien Francis Coulaud anime des ateliers d'écriture auprès de ces publics, à partir des clichés de Vincent Beaume. "On obtient des prises de parole très personnelles", souligne-t-il. Installés en résidence à la Gare Franche du 15e arrondissement, Vincent Beaume, Claire Ruffin et Francis Coulaud ont invité ce matin-là des enfants de CM2 de l'école primaire du Plan d'Aou et une classe de 6e du collège Elsa Triolet, qui ont déjà participé aux ateliers d'écriture.

Les uns après les autres, ils se glissent dans le lit légèrement penché tandis que d'autres élèves, montés sur un tabouret, un drap noir sur la tête, regardent l'image à l'envers capturée dans la chambre noire. Jibril, un élève de CM2 raconte qu'il n'aime pas dormir. "Je regarde la télé et après je me relève la nuit parce que je pense aux images que j'ai vues." "Et tu ne t'endors pas à l'école?", lui demande Claire Ruffin. "Ben non, parce que je prends une douche", répond-il, espiègle. Un habitant interloqué passant par là demande : "Vous tournez un film ?".

"Dormeur de la cité"

Si certains enfants renâclent, écrasant au passage des fleurs, tous finissent quasiment par se prêter au jeu. Un gamin s'inquiète de la propreté des draps, tandis qu'un autre se marre de voir sa copine prendre la pose dans le lit, le bras tendu. Vincent Beaume explique, les yeux rieurs, "un petit qui faisait son caïd m'a finalement demandé cinq minutes de plus dans le lit. Il est devenu le meilleur dormeur de la cité". Au bout d'une heure et quelques, Francis Coulaud prend le relais, demandant aux élèves de décrire la scène sur une feuille blanche. Une petite dormeuse a été choisie pour occuper le lit et servir de modèle à ses camarades. "Décrivez ce que vous voyez comme si vous preniez vous-même la photo. Choisissez un point de vue et n'en changez plus. Terminez par une touche d'imagination, un élément qui n'est pas forcément dans le décor", explique, patient, Francis Coulaud.

Les textes des enfants sont remplis de trouvailles. "La couleur endormissante du mur", écrit un garçon à la tignasse ébouriffée. "Une petite fille dort dans un lit, le lit se met à ronfler, le grillage raconte une berceuse", décrit un autre. "Le lit a cent ans, les maisons en bas changent de place tous les jours", lit encore un minot. L'imagination s'enracine dans la réalité, dans ce qui nous entoure, semble enseigner Francis Coulaud. La citation de Gaston Bachelard, reprise par les artistes illustre parfaitement le projet :"Avant d’être un spectacle conscient tout paysage est une expérience onirique". Tandis que la dormeuse est engloutie dans un sommeil profond, salvateur après l'insomnie, le rêve surgit, puissamment éveillé.

Crédit : E.C

>> Les projets à venir en 2013 : du 12 novembre au 8 décembre, exposition les Dormeurs, au hangar du J1, programmé par MP2013. 

Décembre : rétrospective de l'ensemble des expositions "Les Dormeurs", lecture, représentations, conférences au Théâtre de Fontblanche (Vitrolles).

Les 14 et 15 septembre, carte blanche pour le vide-grenier de la gare Franche dans le cadre des journées du Patrimoine de Marseille.

Les 27, 28 et 29 juin, Hôtel à ciel ouvert (Vitrolles). Il s'agira de dormir à ciel ouvert, dans un vrai lit, avec room service et bureau des insomniaques…

Les artistes lancent un appel pour récoler des lits-cage. Les contacter sur le site de l'Insomnante.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Samedi je suis allé aux Goudes voir l’expo des instruments de musique … Comme je savais que ça allait bouchonner dans l’après midi j’y suis allé à 11 heures … Ha bah pas de bol les instruments ne sont en marche qu’à partir de 14 heures …
    Un samedi ? Alors que tout le monde sait que vu le trafic là bas il vaut mieux étaler les visiteurs …
    Encore une des choses qui montrent que 2013 n’est pas géré par des gens qui connaissent ou se sont intéressés vraiment à la ville …

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  2. Anonyme Anonyme

    Obtenir une subvention et un article pour une telle perfomance. CHAPEAU!

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  3. mo mo

    Est ce que les gens sans logement, pourrons s’installer là ? COMBIEN CELA A COUTE? on aurait pu garder cet argent pour un projet utile?installer là quelques logement artistiques ( bois ,recup)qui servent au final a loger des gens et soit utiles

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  4. PourVoir PourVoir

    Ben à moi, ça me plaît. C’est pas cher, c’est beau, les minots ont saisi la balle.

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