Au pied des Calanques, un “éco-campus” à plus de 150 000 euros laissé à l’abandon
Il y a près de deux ans, des parcelles de culture maraîchère ont été installées au sein du lycée Marseilleveyre en partenariat avec le lycée agricole des Calanques et avec l'aide conséquente des collectivités. Mais aujourd'hui le projet est à l'arrêt et les cultures dépérissent.
Le lycée Marseilleveyre dans le 8e arrondissement. (Photo : ML)
Les élèves espéraient récolter des pêches, des poires, des brugnons, du raisin ou encore des kiwis. Finalement, ils ont retrouvé des champs vides où les mauvaises herbes remplacent les plantations. Ce site était voué à devenir un “éco-campus”. Deux établissements scolaires du Sud de Marseille, le lycée Marseilleveyre et celui des Calanques, travaillent depuis une dizaine d’années à la création de cette ferme pédagogique pour leurs élèves. Pourtant, après seulement deux années d’exploitation, ce site ressemble davantage à un terrain abandonné.
Le projet “vise à offrir un lieu d’expérimentation et d’apprentissage de l’autonomie alimentaire et la permaculture urbaine au sein de l’éco-campus Marseilleveyre Calanques”, résume un document administratif. Un verger-maraîcher, permettant la production de légumes de manière très dense sur petite surface, a déjà été installé dans l’enceinte de Marseilleveyre pour démarrer cet “éco-campus”. Les lycées souhaitent produire et commercialiser des fruits, légumes, œufs ou encore du miel et en faire découvrir ou expérimenter la culture aux élèves.
Les engagements des deux établissements sont inscrits dans une convention d’échanges signée en 2018. Le lycée des Calanques s’est ainsi engagé à entretenir les parcelles de culture mises à disposition par son partenaire, pour garantir l’état et la propreté des espaces verts. Il devait aussi remettre une partie des productions végétales aux cantines scolaires. En échange, les élèves devaient pouvoir y développer des projets pédagogiques sur le site et mettre en pratique les enseignements du lycée agricole. L’établissement a toutefois décidé de sous-traiter l’exploitation des cultures à une association, Cultures permanentes. Notamment pour en garantir l’entretien pendant les week-ends et vacances scolaires.
Les investissements sont nombreux pour mener à bien ce projet. Un bilan réalisé pour le conseil d’administration du lycée Marseilleveyre résume les sommes déjà engagées. Les collectivités locales et l’État ont mis la main à la pâte : 45 000 euros pour la métropole, 60 000 euros de la part du ministère de l’Agriculture, plus de 10 000 euros de subvention de la région et presque 15 000 euros provenant du département. Le lycée des Calanques explique avoir dépensé plus de 70 000 euros. Cultures Permanentes estime son engagement à 40 000 euros.
Les serrures changées, l’eau coupée
Mais il y a environ un an l’accès au site commence à être restreint par le lycée Marseilleveyre. Les parcelles ne sont plus accessibles, ni aux élèves et au personnel du lycée des Calanques, ni aux membres de l’association. Les serrures des portails sont changées. L’accès à l’eau est coupé. La planification agricole est stoppée. À la rentrée de septembre 2021 le site ressemble à un terrain en friche. Le manque d’entretien et d’irrigation pendant la période estivale provoque une perte des cultures maraîchères estimée à 20 %. La plupart des arbres peuvent être sauvés, mais un deuxième été sans intervention agricole serait catastrophique.
Claire Moriconi, proviseure du lycée de Marseilleveyre, justifie la situation par la crise du Covid, un “contexte pouvant éclairer le retard pris sur tous nos besoins de travaux depuis deux ans“, dans un courrier adressé à la région, rendu public à l’occasion du conseil d’administration du 5 juillet 2021. “Le contexte sanitaire contraignant constitue probablement une partie de l’explication de cette situation, explique la cheffe d’établissement. S’ajoutent depuis plusieurs mois, la gestion de fin d’année, la préparation de rentrée et le rattrapage des retards de travaux de maintenance”.
“Il n’y a pas d’inquiétude à avoir, le projet n’est pas en danger, complète-t-elle, contactée par Marsactu. C’est normal en fin d’année de réguler le projet pour l’année suivante. Nous sommes en train d’actualiser la convention”. La proviseure n’a cependant pas souhaité évoquer le sujet plus en détails. Johann Berthaut, proviseur de Lycée des Calanques, indique quant à lui à Marsactu ne pas vouloir commenter la situation.
Une “guerre” entre établissements
Sur les origines de l’abandon de cet “éco-campus” les versions divergent selon les interlocuteurs. “Le fait que le lycée des Calanques ait fait appel à l’association Culture Permanentes pour assurer la pérennité du projet sans demander l’avis du lycée Marseilleveyre a posé problème”, indique Anne Claudius-Petit, conseillère régionale et membre à ce titre du conseil d’administration du lycée Marseilleveyre. Certains observateurs vont même jusqu’à qualifier la situation de “guerre” entre les deux lycées partenaires. Au sein de Marseilleveyre, on admet tout au plus déplorer “des contrats mal ficelés qui révèlent une certaine improvisation dans la conception du projet”.
En raison des nombreux investissements des différentes institutions dans ce projet pédagogique ambitieux, les inquiétudes sont nombreuses devant le blocage actuel. “Nous avons été alertés quand la région a accordé une subvention de 5000 euros pour un suppresseur d’eau qui a été acheté, mais pas installé”, explique Anne Claudius-Petit.
“J’ai appelé les députés La République en marche, notamment Saïd Ahamada et Cathy Racon-Bouzon, pour peser sur l’Éducation nationale”, indique quant à elle l’adjointe au maire Christine Juste, aussi membre du conseil d’administration de Marseilleveyre et parent d’élève jusqu’en 2020. Plusieurs parties prenantes du projet appellent de leurs vœux une réelle médiation de la part des élus, qui se fait attendre.
La région se prépare à intervenir
Mais tout le monde s’accorde sur un point : même si sa réalisation s’avère bien plus complexe que prévu, le projet “d’éco-campus” a du sens. “Les enseignants de Marseilleveyre avaient du mal à voir l’intérêt du projet au début, mais maintenant c’est eux qui militent pour sa survie”, raconte-t-on au lycée des Calanques. Car le temps commence à passer pour les parcelles laissées presque en jachère. “Il ne faudrait pas que ça s’éternise, pour ne pas trop perdre les cultures”, s’inquiète quant à elle L’association Cultures permanentes.
“Nous allons proposer une convention entre la région et les deux lycées pour apaiser les choses, annonce Anne Claudius-Petit pour la collectivité. Pour les parcelles ce sera à la région de décider ce qui est fait dessus et avec qui. Nous pourrions par exemple proposer une convention d’occupation du domaine public à l’association.” Selon plusieurs de nos interlocuteurs, après les appels de Marsactu ces derniers jours, les discussions auraient repris. La région a notamment recontacté les différentes parties prenantes et a sollicité son service juridique pour démarrer une médiation. Au milieu des fleurs sauvages, les arbres fruitiers s’impatientent.
Commentaires
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Encore des gestions catastrophiques sur fond de guerres d’égos. Il ne fait pas bon marcher sur les plates-bandes des autres dans l’éducation nationales.
Cela montre également l’importance réelle que donnent ces décideurs aux projets jardins qui fleurissent (et dépérissent) ici ou là : aucune.
A l’AP-HM, les jardins promus à grand coup de com’ et de greenwashing ont une durée de vie de un à deux ans en général. Cf. les jardins d’hospitalité de Sainte-Marguerite ou Salvator.
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Encore un paquet de pognon jeté à la mer. Contribuables mettez la main à la poche !!!!!
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La terre ne ment pas. « Les élèves espéraient récolter des pêches, des poires, des brugnons, du raisin ou encore des kiwis« . Petits, ils ont trop lu « Jack et le haricot magique « et au vu de la photo 2, c’est plutôt une terre favorable à la culture du chanvre.
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C’est triste , ou comment la crise sanitaire et sa gestion catastrophique ont permis et laissé faire des absurdités ..
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Ca n a rien a voir avec la gestion sanitaire mais avec l incompétence des personnels en place.
Il suffit d aller au lycée Marseilleveyre pour s en rendre compte.
Des travaux sont faits pour refaire les grilles tandis que le jardin, certaines salles et les toilettes sont à l abandon.
Depuis longtemps la gestion du lycée est calamiteuse.
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Parfaite illustration d’argent public (150 000€= à peu près 10 ans de salaire d’un travailleur payé au smic) jeté aux orties.
– un projet pédagogique mal ficelè
– des financements publics accordés sur la base de l’air du temps sans aucune étude de faisabilité préalable ni contrôle d’exécution
– des établissements scolaires qui au lieu de s’unir pour la réussite d’un projet passent leur temps à se chicaner
– un constat d’échec motivé par la covid
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– Pas de leader
– que des ambitions persos et des querelles de clocher
– que du greenwashing
– que de l’argent public jeté par les fenêtres
– que du foutage de gueule
Tout va bien, dormez tranquillles.
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