Au conseil de l’ordre des médecins, le chirurgien Michel Assor à nouveau jugé par ses pairs

Reportage
par Eva Thiébaud & Jean-Marie Leforestier
le 22 Mar 2024
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Michel Assor devait répondre ce jeudi d'une plainte déposée par un patient et soutenue par le conseil départemental de l'ordre des médecins. Accusé notamment de charlatanisme, l'orthopédiste, objet de multiples procédures, a surtout été interrogé sur les conditions de suivi et d'accompagnement de ses patients.

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L'entrée des locaux du conseil régional de l'ordre régional des médecins. (Photo : ET)

L'entrée des locaux du conseil régional de l'ordre régional des médecins. (Photo : ET)

Au 23e étage de la tour Méditerranée, la salle vitrée domine tout Marseille et son corset montagneux. Au premier rang, entre cinq médecins du conseil de l’ordre régional, des hommes d’un certain âge parés d’une robe noire à simarres rouges – les assesseurs – un magistrat administratif en costume-cravate, le président. Cette chambre disciplinaire régionale, Michel Assor l’a déjà bien pratiquée.

Devant elle ou devant la section des affaires sociales, l’orthopédiste marseillais a déjà défendu une dizaine de fois sa technique qu’il pense miraculeuse pour traiter l’arthrose du genou par “décompression” et régénération du cartilage, évitant aux patients la pose de prothèses. Déjà suspendu plusieurs fois sur de courtes durées, il a encore écopé lors de son dernier passage le 30 décembre 2022 de 32 mois de suspension dont 25 ferme – une sanction pour le moment suspendue, puisque le médecin a fait appel. Comme l’a révélé Marsactu, il est par ailleurs visé par une information judiciaire très large au sein du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Marseille pour une dizaine de chefs, dont escroquerie.

Si Michel Assor connaît bien la justice ordinale, ce n’est pas le cas du grand public. Pourtant, ses audiences sont publiques. Face au magistrat et à ses assesseurs, le chirurgien de 69 ans est assis aux côtés de son avocat, Alexis Reyne, et d’un médecin appelé en renfort, Dominique Saragaglia, un chirurgien grenoblois de 73 ans, soutien régulier de son confrère marseillais. Le plaignant, Jean-Baptiste F., n’est pas présent, ni représenté par son avocate, comme ne l’est pas non plus le conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, qui s’est pourtant associé à la plainte.

traumatisé

L’état de mon genou est catastrophique“. “Mes mails restent sans réponse“. L’un des assesseurs lit certains messages envoyés par Jean-Baptiste F. à son chirurgien, au fil du dossier qu’il retrace : une première opération en 2017, suivie de plusieurs autres en 2018 et 2019. Le quadragénaire, qui vit à Bordeaux, s’alarme d’une aggravation de son état et du manque de réactivité de son médecin.

Jean-Baptiste F. n’est pas un inconnu des lecteurs de Marsactu. C’est en effet l’un des patients qui ont accepté de nous confier leur témoignage après leur opération par Michel Assor à la clinique Vert Coteau. Jean-Baptiste F. nous a décrit une vie qu’il présente comme broyée par son passage entre les mains du chirurgien : “En tout il m’a opéré cinq fois. Avant, je faisais du sport trois fois par jour malgré une légère douleur ; là je ne peux plus courir ni marcher normalement, on a même un temps évoqué une amputation. C’est une catastrophe, cela a eu des conséquences sur toute ma vie. Je travaillais dans un métier d’action, maintenant je suis dans un bureau. J’ai été un an en arrêt de travail, j’ai fait une dépression, ma femme est partie en répétant « on ne vit plus qu’à travers tes genoux”.”

Ce jeudi 21 mars, les reproches faits à Michel Assor par ses confrères chargés de le juger sont nombreux. Ils visent des entorses potentielles à six articles du Code de la santé publique, dont l’absence de soins consciencieux, le non-respect du secret médical ou le charlatanisme. Des accusations que la section disciplinaire a déjà eu à examiner puisqu’elles étaient déjà au cœur de l’affaire audiencée en décembre 2022. Dans ce dossier-ci, il peut argumenter de la décision parallèle de la commission de conciliation et d’indemnisation qui a débouté Jean-Baptiste F. pour absence de faute du médecin. Mais c’est en particulier sur les modalités du suivi d’un patient vivant à plus de 600 km de Marseille que le président et les assesseurs ont interrogé Michel Assor.

Suivi post-opératoire par SMS

Un suivi post-opératoire par mail et SMS, est-ce que c’est suffisant ?“, interroge le président. “J’ai confiance en mes suites opératoires“, lui répond Michel Assor, qui met en avant un taux de complication inférieur à 1 %. Mais que faire quand elle arrive, comme cela a été le cas de Jean-Baptiste F. ? “Je lui ai demandé de revenir“, répond Michel Assor. Car le protocole post-opératoire du chirurgien contient cette mention étonnante : il intime à ses patients de “faire confiance au chirurgien” et de “ne surtout pas aller aux urgences“. Quand une infection nosocomiale est suspectée, Michel Assor cherche-t-il l’avis d’un infectiologue ? Par deux fois, la question lui est posée, mais ne trouve pas de réponse. Michel Assor a géré ce risque seul. “Aucun de vos collègues sur Bordeaux n’aurait été capable de prendre en charge Jean-Baptiste F. ?“, interroge encore le président. Après moult détours, le chirurgien finit par admettre que si.

La lecture des messages de Jean-Baptiste F. révèle aussi la détresse psychologique dans laquelle se trouvait le patient. Ce que Michel Assor reconnaît avoir identifié. “Est-ce que vous avez informé le médecin traitant ?“, reprend le président. Le chirurgien répond par la négative. “Mais j’ai tout fait, c’était un cas difficile“, plaide-t-il. Tout, sauf répondre aux messages de son patient, qui décrit “un mutisme gênant“. Questionné sur ce point, le médecin évoque “une période où il n’y avait pas d’urgence et où [il] avait un problème de temps”. “Je fais au mieux pour répondre à tout le monde“, ajoute-t-il. Il opérerait près de 400 patients par an. “C’est quand même artisanal, commente le président, avant d’ajouter : Je ne vois pas comment, en termes de suivi, ça peut être pertinent“.

On ne peut pas reprocher à Michel Assor sa zone de chal…“, tente l’avocat, Alexis Reyne, avant de s’interrompre. “Sa zone de chalandise, vous l’avez bien dit“, complète le président. Car Jean-Baptiste F. est loin d’être un cas isolé, les patients de l’orthopédiste lui arrivant de toute la France, voire de l’étranger.

“Lynchage”

Outre son silence, Jean-Baptiste F. reprochait également son manque d’humanité à Michel Assor. “Il devient agressif quand on lui dit que ça va mal“, écrit-il dans son mémoire, lu par un assesseur. Un autre mentionne son ton “rude” et “technique”, renvoyant au manque d’empathie du médecin, ressenti par tous les patients mécontents que Marsactu a pu interroger.

Face à ses pairs et aux griefs évoqués concernant son suivi médical, l’orthopédiste ne doute pas. “Je n’ai pas entendu de votre part le début d’un commencement que vous pourriez vous améliorer, ça m’interroge”, remarque le président. Sûr de sa pratique et de sa technique, Michel Assor le restera jusqu’à l’annonce de la mise en délibéré de cette affaire. Toujours droit dans ses bottes, comme depuis le début de ses ennuis disciplinaires et pénaux il y a dix ans. Le résultat ne sera pas publié “avant au moins un mois“, nous précise-t-on dans les couloirs de l’ordre régional.

C’est purement du lynchage“, accuse le professeur émérite grenoblois Dominique Saragaglia venu en renfort. Lynchage organisé auquel concourrait l’ordre, l’agence régionale de santé, l’assurance maladie, la justice pénale et désormais… la presse.

Actualisation à 19 h : ajout d’éléments sur la procédure d’indemnisation intentée par Jean-Baptiste F.

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Eva Thiébaud
Jean-Marie Leforestier
Journaliste | jm.leforestier@marsactu.fr

Commentaires

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  1. Zumbi Zumbi

    Ben c’est comme ça. Mon excellent médecin quartier a une patientèle, et il se débrouille pour être joignable quand un suivi particulier ou une pathologie chronique l’exige.
    L’autre, là, il a une zone de chalandise. Voici ce qu’en dit un site spécialisé dans le “géomarketing” :
    Définition d’une zone de chalandise

    Une zone de chalandise est le secteur géographique d’où proviennent les clients d’un magasin ou d’une entreprise. C’est en quelque sorte le « terrain de jeu » commercial où vous êtes susceptible d’attirer et de retenir la clientèle. (…)
    L’idée est de comprendre où et comment vos clients actuels et potentiels vivent, travaillent et dépensent leur argent. En délimitant cette zone, vous pouvez adapter vos stratégies marketing, votre offre de produits et même vos heures d’ouverture pour mieux répondre aux besoins de votre clientèle.
    (…) En gros, c’est un outil indispensable pour toute stratégie commerciale qui se respecte, car il permet de visualiser le potentiel de marché et d’optimiser les performances de l’entreprise.

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