Après Air-Bel, un nouveau cas mortel de légionellose dans une HLM marseillaise
Le 15 juillet dernier, une locataire de la Couronne, résidence neuve de la Savine (15e), a perdu la vie après une contamination par la légionelle. Présente dans les réseaux d'eau, cette bactérie avait déjà causé la mort d'une personne en 2017 à Air-Bel. La question de la responsabilité des bailleurs est de nouveau sur la table.
L'habitante décédée vivait dans une des résidences neuves bâties à la Savine. (Photo : BG)
D’une cité à l’autre, la nouvelle a vite circulé. “La dame de la Savine ? Oui, je suis en contact avec sa famille”, répond du tac au tac Jamila Haouache, habitante d’Air-Bel (11e) et représente de l’association Il fait bon vivre dans ma cité. Il y a cinq ans, Jamila perdait un frère, atteint par la légionellose. “La dame de la Savine” est décédée de la même maladie, le 15 juillet dernier, à la Couronne, une résidence neuve de ce quartier du 15e arrondissement. Cette infection respiratoire grave est due à l’inhalation d’un aérosol d’eau contaminé par la légionelle, une bactérie, présente dans les réseaux d’eau chaude de ces grands ensembles.
Selon une association, les taux prélevés à la Couronne sont 750 fois supérieurs au taux maximum autorisé.
“Il ne faut pas laisser passer”, plaide Jamila qui s’est longtemps battu contre ce fléau. Un proche de la famille de la défunte, qui souhaite garder son anonymat, le déplore : “Le cas d’Air-Bel aurait dû être un cas d’école. Au lieu de ça, on a continué de mentir aux gens.” En ligne de mire à la résidence de la Couronne, comme à Air-Bel en 2017 : le bailleur social. Selon l’Agence régionale de la santé, le taux maximum de légionelle dans l’eau “doit être inférieur à 1000 unités formant colonie par litre (UFC/L) au niveau de tous les points d’usage à risque”. Dans un communiqué de presse paru ce jour, l’association Syndicat des quartiers populaire de Marseille brandit un autre chiffre : à la Couronne, des prélèvements d’eau ont indiqué une concentration de légionelles à 750 000 UFC/L.
“Il y a une forme d’opacité”
Contacté, le bailleur social, en l’occurrence Logirem, confirme le décès par légionellose de l’une de ses locataires de la Couronne. Le lien entre la souche prélevée sur la défunte et celle retrouvée dans son appartement ne fait plus de doute. “Dès le signalement par l’Agence régionale de santé, Logirem a immédiatement réagi et pris toutes les mesures nécessaires pour stopper la prolifération et éliminer la bactérie”, ajoute le service communication du bailleur.
Or, selon plusieurs sources, Logirem avait connaissance du problème bien avant d’agir et a tardé à informer les locataires. “Logirem a mis beaucoup trop de temps à dégainer, L’ARS les a contactés début juillet pour demander des prélèvements. Il y a une forme d’opacité qui est extrêmement inquiétante”, ajoute la source proche de la famille citée plus haut. Sollicitée par Marsactu, l’ARS confirme avoir été saisie le 7 juillet – une semaine avant le décès – et avoir immédiatement pris contact avec le bailleur. Mais ce n’est que le 28 juillet que Logirem a lancé une opération de désinfection dans la résidence et que les locataires ont été informés.
20 jours pour réagir
Interrogé sur ce délai, le bailleur assure ne pas être resté inactif durant ces trois semaines. Il explique s’être “dès le signalement du 8 juillet rapproché du chauffagiste pour procéder à une vérification des températures sur le réseau d’eau chaude sanitaire concerné”, qui s’est avérée normale et avoir “en parallèle, commandé en urgence des prélèvements sur le réseau d’eau chaude sanitaire afin de rechercher la présence éventuelle de légionelles”. Le bailleur social ajoute : “sans attendre le résultat de ces analyses, Logirem a demandé à une société spécialisée de commander le matériel nécessaire pour lancer rapidement une désinfection du réseau par chloration en cas de pollution avérée du réseau.”
Le 26 juillet les résultats des tests révèlent des taux hors norme. L’opération de désinfection débute 48 heures après, en même temps que l’information des habitants, soit près de deux semaines après le décès de la locataire.
On met du chlore dans l’eau parce que ce n’est pas cher, mais on n’agit pas en amont.
Dans les couloirs de Logirem, on est forcément au courant de l’histoire… “Après Air-Bel, on a demandé un diagnostic sur l’ensemble du patrimoine, y glisse-t-on sous couvert d’anonymat. La direction nous a répondu que ce n’était pas obligatoire. Entre temps, trois résidences ont été touchées, dont des résidences neuves. Il y a six mois, on a redemandé de tout tester. Ça n’a pas été fait. Et maintenant, on met du chlore dans l’eau parce que ce n’est pas cher, mais on n’agit pas en amont.”
Le problème de santé publique de la légionelle à Marseille remonte à longtemps. Dans les années 2010 déjà, Air-Bel y était confronté. Après le décès du frère de Jamila Haouache d’une souche différente de celle retrouvée à Air-Bel, une psychose s’était emparée de la copropriété. Les locataires stockaient alors des centaines de packs de bouteilles d’eau minérale pour éviter de boire celle du robinet. Tantôt dans les clous, tantôt hors limite, les prélèvements régulièrement effectués donnaient le tournis. En plus de la chloration, le bailleur Unicil* a également entrepris des travaux pour renouveler la tuyauterie, la vétusté de celle-ci étant mise en cause. Cette fois-ci, le problème touche des résidences neuves livrées en 2017, dans le cadre du programme de renouvellement urbain de la Savine. Un cité appelée à disparaître pour cause d’amiante dans les cloisons…
*Modification apportée le 08/09/21 à 11h36 : les travaux ont été entrepris par Unicil et non Erilia comme nous l’avions écrit.
Commentaires
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Quand il nous ferons boire de l’eau ”privée” et l’air ”pur” qui viendra des beaux quartiers, alors quand tout sera privé, nous serons privés de tout…!
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Ils au pluriel…Pardon…
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L’eau cela est fait depuis un brave moment,cela s’appelle la SEM
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Rien de surprenant quand on voit la “qualité” affligeante, choquante même, des constructions réalisées dans le cadre des PRU. Ces programmes ANRU sont indispensables, mais il est urgent de se dispenser des rapaces qui grenouillent dans ces projets depuis une à plusieurs décennies : urbanistes vénaux et sans éthique, promoteurs accros à la subvention et pas à leur mission sociale et certains acteurs métropolitains (coucou MRU) qui les plébiscitent tellement qu’on pourrait croire qu’ils croquent également dans ce gros gâteau de subventions (mais qui sont en fait tellement incompétents qu’ils sont juste endoctrinés, c’est dire).
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Veuillez excuser mon ignorance mais je ne comprends pas le rapport entre le réseau d’eau chaude dans laquelle la legionelle semble se developper et les packs de bouteille d’eau, donc l’eau courante (froide).
Cela reviendrait-il à penser que la malheureuse locataire a ingéré de l’eau chaude contaminée ?
Si vous pouvez m’éclairer chez lecteurs, vous remerciant.
Autre observation, je suis surpris que la loi n’oblige pas les bailleurs à tester l’eau. J’ai des locataires qui consomment de l’eau du Canal de Provence et la loi m’oblige à faire tester (4 fois par an) l’eau par un laboratoire, du moins même si la loi ne me l’impose pas, je me l’impose moi-même.
Compte-tenu des risques, je ne comprends pas que logirem ne fasse tester l’eau, tests dont le coût est très faible, une centaine d’euros par test et par trimestre et par immeuble.
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De ce que je comprends, la légionelle est respirée par ses victimes dans les vapeurs d’eau chaude, sous la douche ou pendant la vaisselle … et à Air Bel la peur conduit certains à ne plus boire l’eau du robinet, alors que ça ne présente normalement pas de danger. Mais quand on commence à douter de la parole “officielle” à raison, il est difficile de refaire confiance.
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Je confirme les dires de petitvelo: une personne de l’ARS m’a expliqué que c’est par voie aérienne (par micro goutelettes via le système respiratoire) que la légionellose contamine les humains. C’est donc via les vapeurs d’eau dans la douche la plupart du temps. Pour éviter la prolifération de la légionellose, il faut veiller à avoir une eau chaude à plus de 50°C et banir les eaux stagnantes dans des parties inutilisées du circuit.
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