AP-HM : la novlangue se refait une santé
Les hôpitaux de Marseille ont annoncé le lancement d'Avenir AP-HM, un nouveau plan de "transformation". Concocté avec l'aide du cabinet McKinsey, il tente d'obtenir l'adhésion des 14 500 agents, présentés comme indispensables au "changement".
Photo : Esther Griffe.
“Avenir AP-HM”. C’est le nom du “plan de transformation” des hôpitaux de Marseille dont le directeur général Jean-Olivier Arnaud a tenu à “sonner solennellement le départ” ce mercredi lors de ses vœux à la presse. L’enjeu ? “Qu’on arrête de dire que l’AP-HM est un mammouth qui ne peut pas avancer, qui est incapable d’évoluer”, a résumé Dominique Rossi, président de la commission médicale d’établissement, la voix des médecins dans l’institution. Avec 14 500 agents et 470 000 personnes différentes accueillies chaque année, l’AP-HM se débat depuis des années entre une dette de plus d’1 milliard d’euros, un déficit chronique et une volonté de lancer des grands chantiers.
Missionné en septembre dernier, un groupement de cabinets de conseil emmené par McKinsey a posé un “diagnostic” ainsi qu’un plan qu’il s’agit de mettre en œuvre dans les cinq ans à venir. Peu disert sur le coût de cet appui externe (1,2 million d’euros de part fixe et probablement plusieurs millions d’euros de rallonge), Jean-Olivier Arnaud défend “un démultiplicateur et un accélérateur de changement” qui possède “une capacité à appréhender la globalité des services et des réalités de l’AP-HM, à aller profondément et large”.
Un “big bang” de “200 chantiers”
“Aujourd’hui, il ne s’agit pas de changer un petit pion ici et là, c’est un big bang. Nous n’avons pas la capacité interne de mener 50 chantiers de front”, abonde Dominique Rossi. Pour l’heure, seuls deux “projets pilotes” sont cités : “l’amélioration de la distribution logistique à la Timone” et “l’optimisation de l’accueil administratif des patients”. Mais “200 chantiers” sont annoncés, parfois aussi vastes que la “lutte contre l’absentéisme” et un “plan de relance de l’activité”.
“Malheureusement pour nous, il n’y a rien de nouveau” dans ce plan, réagit Audrey Jolibois, secrétaire générale de Force ouvrière. “C’est un coup de com’ pour montrer que l’on fait quelque chose lors des vœux à la presse, poursuit-elle. Ce qui m’inquiète toujours, ce sont les contreparties du plan de modernisation, la suppression de 200 lits, les suppressions de postes.”
L’aide de l’État toujours pas validée
Des plans, l’AP-HM en a en effet présenté deux ces dernières années. Le plan de “modernisation” aligne 300 millions d’euros d’investissements dans les bâtiments, dont une nouvelle maternité à la Timone (lire notre décryptage). Un an après avoir été déclaré “éligible” par le comité interministériel de performance et de modernisation de l’offre de soin (COPERMO), autrement dit l’État, ce plan n’a toujours pas été validé. Et le financement non plus. Suite aux “recommandations” formulées, l’AP-HM a dû revoir ses prévisions financières et peaufiner son dossier. Il sera déposé prochainement pour une réponse attendue cet automne au plus tard, a annoncé Jean-Olivier Arnaud.
Les “contreparties” évoquées par la syndicaliste sont lancées de longue date. Depuis 2016, l’AP-HM s’est engagée dans un “contrat de retour à l’équilibre financier”, qui passe notamment par des suppressions de postes. “Nous réajustons à la baisse l’ensemble des équipes”, a reconnu le directeur général, sans toutefois confirmer le chiffre de 1000 postes avancé par les syndicats. “Fin 2018 nous avions le même nombre de personnes qu’en 2017. Et en 2025, avec la hausse de l’activité, nous devrions arriver au même niveau”, prévoit-il. “Les chefs de pôle discutent avec la directrice des ressources humaines et la directrice des soins pour savoir ce qu’il faut comme agents pour que le service marche“, assure en écho Dominique Rossi. “Les chefs de service, ils font avec ce qu’ils ont”, commente Audrey Jolibois qui, comme la CGT, alarme de longue date sur “l’épuisement” des salariés.
Directrice des soins, qui chapeaute notamment les 8400 personnels soignants (infirmiers, aides-soignants…), Karen Inthavong cite en parallèle des mesures d’ordre “managérial : une manière de faire des réunions, un coach présent depuis un an, des maquettes organisationnelles”. Ce dernier terme est brumeux ? Cela consiste notamment à privilégier des services de 25 lits, censés être plus efficaces que ceux de 10 lits. “Je ne comprends pas la logique”, avoue la syndicaliste qui en revient au manque de personnel.
Appel à mobilisation
Dans ce contexte tendu, la “transformation” promise par Avenir AP-HM tente aussi d’offrir une perspective moins drastique que celle du “retour à l’équilibre financier”. Cette démarche fait l’objet d’une communication régulière aux personnels, où l’on reconnaît l’importance des dysfonctionnements tout en invitant chacun à se retrousser les manches. En novembre 2018, une lettre d’information évoquait “un grand nombre d’irritants qui produisent pour tous perte de temps, d’efficacité et de motivation (des délais d’attente aux ascenseurs en panne, des draps et boîtes de stérilisation non disponibles, jusqu’à l’absentéisme surchargeant les équipes de travail)”. Suit ce constat en forme d’alerte :
Leurs conséquences dramatiques font que ces dysfonctionnements ne sont plus tenables. (…) Si nous n’agissons pas, c’est la pérennité même de notre institution qui est en jeu. Nous sommes donc à un moment charnière de notre histoire.
Puis un appel à mobilisation : “L’AP-HM a besoin de vous (…) nous comptons sur votre engagement.” Lors des vœux à la presse, cette tentative de faire monter tout le monde dans la barque, exercice classique d’“accompagnement du changement”, est aussi ressorti. “Il y a une volonté très forte de changement de la communauté médicale, qui sait que c’est vital”, a attesté Dominique Rossi. “Il faut qu’on accepte le changement, de toute façon il nous sera imposé de gré ou de force”, a-t-il poursuivi sur un mode plus directif.
Comme un symbole du plan “participatif”, “construit par les personnels pour le personnels” vanté par le dossier de presse, c’est un vote électronique qui a permis de faire émerger le nom “Avenir AP-HM”, préféré à “AP-HM +” et “projet Renouveau”… Plus sérieusement, l’AP-HM souligne que 300 salariés ont été associés à la démarche, sur 14 500.
L’avenir des juteux terrains de Sainte-Marguerite encore en balance
L’État, le maire et le promoteur. C’est autour de cette triplette que l’AP-HM va devoir trouver les 300 millions d’euros de son plan de modernisation. Le premier, par la voix du comité interministériel de performance et de modernisation de l’offre de soin (Copermo), a pointé le potentiel important de recettes de la vente des terrains des hôpitaux sud. À commencer par les 11 hectares de l’hôpital Salvator. Mais Sainte-Marguerite pourrait permettre d’ajouter 13 hectares à ce plan de cession estimé à 90 millions d’euros.
Le maire de Marseille et les autres patrons d’exécutifs locaux ont aussitôt prévenu : il n’est pas question de toucher aux services de Sainte-Marguerite ! Une position pas seulement pour la forme : ces collectivités sont censées mettre au pot du plan de modernisation et la métropole a la main sur le plan local d’urbanisme, qui décidera de ce qui pourra ou non se construire sur ces terrains.
Entre la position de l’État et celle du maire, “nous réfléchissons à la manière dont nous pouvons à la fois restructurer les hôpitaux sud et maintenir l’offre publique de soins”, a résumé Jean-Olivier Arnaud. L’expertise commandée par l’Agence régionale de santé à Icade, filiale immobilière du groupe public Caisse des dépôts, n’a pour l’heure pas convaincu. “Les conclusions sont que lorsqu’on regroupe les activités, c’est évidemment moins cher”, a glissé, ironique, le directeur général de l’AP-HM. Mais cette analyse “immobilière et économique” a oublié “l’aspect clinique et les médecins en sont restés insatisfaits”. Contactée l’Agence régionale de santé n’a pas souhaité évoquer cette étude, qui fait partie des éléments transmis au Copermo.
Commentaires
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“l’AP-HM souligne que 300 salariés ont été associés à la démarche”… sur 14 500…
Soit 2% du personnel. Quelle adhésion!
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La Cour des comptes a sévèrement condamné l’AP-HP pour son usage abusif de cabinets de consultants privés pour des conseils aux décideurs.
Coûts élevés pour aboutir en fait à un scénario écrit d’avance : la réduction des moyens du service public. Mais le cynisme de ces boîtes inspirées des méthodes anglo-saxonnes de cost killer est de faire semblant “d’associer” le personnel. Comme on demanderait aux animaux d’aller avec enthousiasme à l’abattoir.
Vocabulaire faussement branché et misère des agents…
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Que pensent les malades qui sont soignés dans ces hôpitaux sur la qualités des services. Délais d’attente dans des unités de 25 malades ou dans des unités de 10 ?
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Les analyses qui oublient “l’aspect clinique” semblent de règle lorsqu’il s’agit de traiter les maux de l’hôpital public, trop souvent vus exclusivement au travers d’un prisme comptable. Il n’y a pas qu’à Marseille que le secteur public se porte mal et que les cliniques privées tirent leur épingle du jeu, favorisées par la T2A (https://blog.laurentvercoustre.lequotidiendumedecin.fr/2018/01/10/buzyn-sattaque-a-la-t2a/).
Cependant, il y a à l’AP-HM des maux qu’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs : un président du conseil d’administration, Jean-Claude Gaudin, qui a fait la preuve de son incompétence dans la gestion des deniers publics, et un syndicat tout puissant qui, lui aussi, oublie “l’aspect clinique” au profit d’intérêts qui ne sont pas ceux des malades. On peut relire cet article assez éclairant à ce sujet : https://www.lesechos.fr/12/02/2014/LesEchos/21625-049-ECH_comment-fo-a-fait-main-basse-sur-marseille.htm
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Le message est clair… C’est comme les écoles ça, =allez dan’s le privée et basta le publique ! ,,, j’en peux plus de tous ces grands penseurs, statisticiens, bureaux d’études et autres qui prennent d’énormes subventions publiques au lieu que d’embaucher des soignants et remettent aux normes les hôpitaux de Marseille… C’est le quart monde dans certains service !
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Les hôpitaux “sud” (Sainte-Marguerite, Salvator, etc.) sont vendus à la découpe depuis longtemps.
A des promoteurs immobiliers, ou des proches ayant des intérêts privés dans la santé (comme Muselier par exemple).
Curieusement, les cliniques privées arrivent visiblement à faire de juteux profits (vu le nombre de nouvelles structures venant s’implanter) sur les mêmes lieux que les hôpitaux publics qu’il fallait absolument fermer puis vendre car ils n’étaient pas rentables.
C’est vraiment étrange…
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Toutes ces cliniques privées font des bénéfices sur l’agent de la Sécurité Sociale et gagnent ainsi un “pognon de dingue” avec ‘argent de nos cotisations et autres CSG déductibles et non déductibles
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