Deux ans après, l’État réduit le permis de polluer d’Alteo en Méditerranée

Info Marsactu
le 4 Mai 2018
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L'usine d'alumine de Gardanne, qui rejette ses effluents liquides en Méditerranée, est dispensée de respecter les normes classiques de pollution. Deux ans après l'avoir signée, la préfecture des Bouches-du-Rhône devrait réduire de moitié les seuils autorisés, notamment pour l'arsenic.

Deux ans après, l’État réduit le permis de polluer d’Alteo en Méditerranée
Deux ans après, l’État réduit le permis de polluer d’Alteo en Méditerranée

Deux ans après, l’État réduit le permis de polluer d’Alteo en Méditerranée

Qui n’a pas joué un jour au limbo, cette danse où il faut se contorsionner pour passer sous une barre de plus en plus basse ? C’est l’exercice auquel va devoir se livrer l’usine d’alumine Alteo, qui rejette plusieurs centaines de milliers de litres par heure d’effluents pollués au large de Cassis. L’État envisage en effet de diminuer les seuils autorisés pour plusieurs substances, notamment l’arsenic.

La première barre avait été placée en décembre 2015. Après avoir déversé pendant des décennies des millions de tonnes de “boues rouges” en Méditerranée, via la longue canalisation qui serpente depuis Gardanne, l’exploitant s’est finalement vu interdire cette pollution en plein cœur du parc national des Calanques (voir notre dossier). Reste un rejet liquide, toujours pas conforme aux normes françaises pour six paramètres. À l’époque, le préfet des Bouches-du-Rhône avait donc signé une dérogation, déclenchant une polémique et plusieurs recours d’associations environnementales, toujours pas jugés.

Un peu plus de deux ans après, les services de l’État vont baisser la barre d’un nouveau cran. Selon nos informations, il s’agirait de réduire quatre des six valeurs dérogatoires fixées en décembre 2015. Pour le fer, élément très présent dans les boues rouges mais fortement réduit par le procédé de filtration développée ces dernières années, Alteo devrait se conformer à la valeur normale de 2 milligrammes par litre, contre 13 actuellement. Pour trois autres paramètres – aluminium, arsenic et demande chimique en oxygène (DCO) -, la réduction est de moitié. Les deux autres, dont le pH, pour lesquels l’enjeu est moindre mais aussi sur lesquels Alteo ne parvient pas à améliorer son rejet, sont inchangés.


Lecture du graphique : pour chaque polluant, vous pouvez visualiser de gauche à droite les valeurs limites fixées par l’arrêté actuel, celles qui devraient être proposées, la valeur limite nationale normale et enfin la moyenne et le maximum mesuré par l’industriel en 2017. Source : direction régionale de l’environnement.

Il s’agit de “constater des progrès sur la qualité de nos rejets, avec les investissements que nous avons réalisés, commente Éric Duchenne, directeur des opérations d’Alteo. Nous sommes déjà assez proches des seuils de 2021 [où la dérogation doit être levée, ndlr] et nous devrions être encore plus bas pour les métaux dès 2019.” Si l’industriel se garde bien de crier victoire, Harold Perillous, délégué CGT Alteo, estime que cette initiative de l’État “montre que l’entreprise arrive à respecter des seuils plus bas alors que personne ne pensait qu’on allait réussir. C’est un signal envoyé aux écologistes et aux opposants.”

Débat nourri à Paris

Pour autant, la nouvelle a été accueillie fraîchement par les syndicats. En amont de la consultation du public et des conseils municipaux des communes concernées, organisée par la préfecture du 18 mai au 18 juin, le dossier a été soumis pour avis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), instance nationale où sont représentés plusieurs ministères, associations, syndicats patronaux et de salariés ainsi que des élus locaux. Selon le compte-rendu de la séance du 13 février, que Marsactu a pu consulter, le débat a été nourri.

“Nous proposions de réduire davantage, mais nous avons fait face à une opposition des syndicats et du Medef, qui ne souhaitaient pas de réduction du tout”, confirme Solène Demonet, représentante de France nature environnement. La position du réseau associatif, rejoint par Jacky Bonnemains de l’association Robin des Bois, s’appuie sur les résultats des mesures de 2017, globalement bien plus faibles que les seuils proposés.

Un argument retourné par Harold Perillous de la CGT, dont le représentant national s’est abstenu :

On ne voit pas bien l’intérêt de cet arrêté puisque les résultats sont déjà là. On est même bien en-dessous des 50 %. Pour nous, c’est une pression supplémentaire sur l’entreprise et ses salariés. La direction fait ce qui est demandé par l’État. Si ce n’était pas le cas vous nous entendriez car cela serait la fermeture du site !

Laisser “des marges” à Alteo

“On n’a pas attendu un arrêté préfectoral pour baisser au plus bas et on continuera à le faire”, abonde Éric Duchenne. Reste que les nouveaux seuils demeureront 122 fois supérieurs à la réglementation nationale pour l’aluminium et 17 fois pour l’arsenic. À lire les interventions des services de l’État lors du CSPRT, l’ampleur limitée de la réduction ne doit rien au hasard. Il s’agit de laisser des “marges” à Alteo sur les polluants encore mal maîtrisés et qui doivent faire l’objet d’un traitement complémentaire.

“En moyenne, on a de la marge. Mais une installation industrielle comme la nôtre ne fonctionne pas toujours à la moyenne”, souligne Éric Duchenne. Après avoir testé plusieurs dispositifs, l’entreprise a lancé en mars les travaux d’une station de traitement au CO2, dans lequel elle investit 6 millions d’euros. La mise en route, annoncée pour début 2019, devrait s’échelonner tout au long de cette année.

Quelle que soit l’efficacité de cet équipement, Alteo devra en parallèle régler un autre enjeu, pour lequel la contestation prend de l’ampleur. Avec l’arrêt des rejets de boues rouges en mer, environ 350 000 tonnes de résidus solides par an sont stockés à terre, sur le site de Mange-Garri, entre Gardanne et Bouc-Bel-Air. Les difficultés liées aux poussières sont récurrentes et ont culminé en avril, avec un important nuage de poussières qui a fait l’objet de plaintes. L’autorisation accordée à ce stockage expire, elle, en 2021.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    la CGT qui défend une entreprise polluante pour protéger des emplois condamnés d’avance ! !! il serait temps que cette organisation ait un débat constructif sur ce sujet !!!
    Le patronat on comprend puisque pollution = profit mais un syndicat !
    Ah il doit bien rigoler le MEDEF !!!

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    • Marc Marc

      Bonjour
      La CGT défend le producteur d’alumine le plus propre au monde! Alteo et ses salariés font leur maximum pour réduire leur impact environnemental et préserver une entreprise d’excellence sur notre territoire.
      Quelles alternatives proposez-vous?
      Très cordialement.
      Marc

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  2. Pascal L Pascal L

    Il y a une petite erreur dans le tableau des valeurs. Le pH n’est pas défini en mg/l, c’est une valeur sans unité. Le pH 12 des rejets s’explique par le fait que le procédé Bayer utilisé à Gardanne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_de_l%27alumine) utilise la soude caustique (NaOH). Les rejets sont donc basique : pH nettement supérieur à 7. Un pH 12 correspond environ à celui d’une lessive de lave vaisselle. Il est très simple d’abaisser le pH à une valeur proche de la neutralité (7) : il suffit d’ajouter de l’acide chlorhydrique. Mais ça coute et comme la dilution avec la mer fait que cela n’a pas d’effet à longue distance, je pense que la société Altéo se contente d’être dans les clous qu’on lui fixe. Si on imposait un rejet à pH 9, elle saurait le faire mais ça couterait un peu.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour,
      c’est tout à fait juste et c’est également vrai pour la DCO et la DBO5. Je n’avais pas réalisé que la légende commune aux différents polluants allait nous poser ce problème, qui a été corrigé.

      Concernant la diminution du pH, le procédé en cours d’installation fonctionne non pas à l’acide chlorhydrique ou sulfurique, mais au CO2, ce qui évite de former des résidus de sulfate ou de chlorure.

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    • Pascal L Pascal L

      Je suis très surpris qu’on envisage d’injecter du CO2 car l’acide chlorhydrique avec la soude ça donne du sel (chlorure de sodium NaCl) ce qui ne me semble pas être un polluant pour la mer. Mais ça fait une utilisation du CO2 donc peut être des subventions.

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  3. petitvelo petitvelo

    Voilà qui donne raison au député local

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