Alteo Gardanne veut garder le tuyau des boues rouges

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le 19 Août 2014
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Alteo Gardanne veut garder le tuyau des boues rouges
Alteo Gardanne veut garder le tuyau des boues rouges

Alteo Gardanne veut garder le tuyau des boues rouges

Zéro boues rouges dans la Méditerranée. Pour l'usine d'alumine de Gardanne, la perspective est connue depuis 1996 par la publication d'un arrêté préfectoral imposant une réduction progressive de ses rejets au large de Cassis. En 2012, le décret de création du parc national des Calanques avait bien précisé que la dérogation à l'interdiction de déverser des déchets en coeur de parc n'était valable que jusqu'au 31 décembre 2015. À cette date, soit quelques semaines avant le cinquantenaire de son inauguration, la canalisation d'environ 50 kilomètres – dont 8 en mer – stoppera donc le flux, qui représente encore aujourd'hui plus de 10 000 tonnes par mois.

Mais le propriétaire Alteo espère pouvoir continuer d'utiliser ce pipeline pour des "effluents". C'est-à-dire des eaux industrielles, à forte teneur en soude mais contenant aussi des métaux lourds comme l'arsenic. Une demande d'autorisation a été déposée fin mai en ce sens, accompagnée d'un dossier de 1600 pages. Cette possibilité était déjà étudiée, parmi d'autres, par le comité de pilotage mis en place entre Alteo et l'État pour préparer l'arrêt des rejets de boues rouges.

La stratégie de l'entreprise repose en effet sur des filtre-presse, qui permettent de séparer les parties solides et liquides des boues rouges. La poudre ainsi obtenue d'un côté peut être stockée à terre, voire valorisée sous le nom de Bauxaline, entre autres comme matériau de remblai. En juin, elle a inauguré un deuxième filtre-presse à 15 millions d'euros – en partie financé par l'agence de l'eau – qui sera complété par un troisième l'année prochaine. À ce titre, elle participe à l'institut de l'économie circulaire présidé par le député du coin François-Michel Lambert (EELV). Mais le procédé laisse tout de même une partie liquide, que l'usine souhaite écouler dans la mer, aux côtés d'autres eaux de lavage. Une question de "survie", assure-t-elle dans sa demande, aucune autre solution n'étant soutenable économiquement.

"Un des premiers gros dossiers du parc"

Fin juillet, le conseil municipal de Cassis a donné son assentiment, avec des réserves. C'est désormais au parc national des Calanques de donner son avis, lors de son prochain conseil d'administration le 8 septembre. "Cela représente plus d'un mois de travail pour deux agents du parc, plus celui des services de l'État. C'est un de nos premiers gros dossiers", souffle son président Didier Réault.

À la différence d'autres, l'avis de l'établissement public devra être suivi. "S'il est défavorable, on arrête tout. Sinon on transmet le dossier au préfet, avec nos suggestions et réserves éventuelles", explique l'élu UMP à la mairie de Marseille. Sans se départir de sa posture "d'arbitre", il s'attend notamment à des débats autour du suivi écologique et de mesures de compensation. "Aujourd'hui dans le dossier je n'en vois pas l'ombre".

L'enquête publique qui suivra ne manquera pas de relancer la colère de certains opposants au parc national (société nautiques, chasseurs…) qui se plaignaient d'une iniquité de traitement. Elle pourrait aussi réveiller les inquiétudes concernant les conséquences écologiques de ces rejets.

Chimie appliquée

Certes, la quantité sera fortement réduite et le changement de nature évitera de couvrir les fonds marins. Sans remettre en cause l'acceptabilité écologique du projet, les services de l'État appellent à une attention particulière. "Pour l'autorité environnementale, si aucun effet significatif des futurs rejets sur l'écotoxicité des sédiments n'est attendu selon Alteo, ceci restera à vérifier au vue de la composition réelle de l'effluent futur", écrivent-ils dans un avis consultatif publié au début du mois. Cette composition n'est pour l'instant que théorique et la présence d'arsenic, très toxique pour la faune et la flore marine, incite à la vigilance. Avec une dose estimée déjà 30 fois supérieure au plafond autorisé par un arrêté ministériel, Alteo doit d'ailleurs demander une dérogation.

Les fonctionnaires du ministère de l'environnement se montrent aussi sceptiques sur l'assurance de l'industriel concernant le comportement chimique du liquide rejeté. Au contact de l'eau de mer, il est censé réagir pour former des hydrotalcites (un précipité, pour ceux qui ont encore quelques notions de chimie). "D'après Altéo, les hydrotalcites présentent une grande stabilité en mer et les métaux présents dans l'effluent futur seront durablement piégés", rapporte l'autorité environnementale, pour qui "cette stabilité restera à démontrer in situ par des études complémentaires".

Le document montre aussi le poids du passif. En se déposant au gré des courants, les 20 millions de tonnes de boues déversées depuis 1966 ont formé un continent englouti. "Le dépôt s'étend jusqu'à 2300 m de profondeur et 65 km au large", constate l'autorité environnementale. Même en l'absence de nouveaux rejets, des boues rouges resteront en suspension et "les dépôts ne se stabiliseront que très progressivement sur plusieurs années". De quoi donner matière à de nombreuses années d'études pour le futur comité scientifique de suivi.

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Commentaires

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  1. Michel Mazzoleni Michel Mazzoleni

    Vous pouvez consulter mon site “La Loupe de Simiane” RUBBRIQUES:
    1/les eaux souterraines de l’ancien bassin minier.
    2/Mes remarques à l’enquête publique du SAGE bassin versant de l’Arc et l’arrêté du Préfet qui va avec et qui ne prends pas
    3/ Y compris les rejets de Pechiney et l’étude de l’époque qui a été dévoilé près de 25 ans après.
    La qualité réelle de nos eaux souterraines et rejets en mer y compris la galerie de la mer au silo Panzani à Marseille.
    Des éléments d’informations sur la réalité de notre sous sol en PACA ou on pense explorer et exploiter le gaz de charbon.
    Bonne lecture et recherches que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

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  2. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Comme toujours, il faudra faire un choix impossible entre des enjeux économiques de court terme et des enjeux écologiques de long terme. Balancer de l’arsenic sur les fonds marins est “une question de survie” selon l’industriel. Mais la nécessité de préserver ces mêmes fonds marins n’est-elle pas aussi “une question de survie” qui engage l’avenir de l’espèce humaine ?

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  3. Anonyme Anonyme

    Arsenic cela fait peur,mais combien c est mieux pour évaluer le risque environnemental non ?
    Je suis sur que le Président du parc des calanques sera être bien plus responsable et sympathique avec cet industriel qu avec le pêcheur ( condamné),le cabanonier ,le promeneur,le vetetiste.
    Mais le patron ce n est pas le président du parc sur ce dossier,d ailleurs il botte déjà en touche,le patron c est l état,le préfet,les syndicats.

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  4. Anonyme Anonyme

    peut etre que l’effet du ricard permettra que des decisions “intelligentes” soient prises…………..

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  5. Anonyme Anonyme

    Là il faut faire un choix,un choix de société,un choix qui engage la nature,demain,les hommes qui vivent aujourd hui,l économique.
    Le politique va vite vite laisser la place au services de l état et surtout ne rien décider lui même,trop risqué.

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  6. jdeharme jdeharme

    L’absence de courage va encore être la meilleure façon de gérer ce dossier études, rapports, commissions etc…….

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  7. pmo pmo

    Article édifiant…..auquel il conviendrait d’ajouter le dossier de l’éventuel prolongement du grand collecteur des “eaux usées” de la ville de Marseille et qui souille durablement les calanques de Cassis….Une décision politique là aussi en suspens !!!!!

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  8. Anonyme Anonyme

    Si. L’on maintien ces rejets, qui va croire encore à l’écologie ? Toujours une bonne raison pour polluer et détruire notre terre sans répis

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  9. José 2014 José 2014

    Question : où sont les études sur les impacts concrets sur la faune et la flore de la zone ? S’agissant des poissons : comme chaaun le sait, ils sont dispensés de passeport et sont très mobiles car n’étant arrêtés par aucune frontière sous-marine inexistente ! 😉 Qu’en est-il du poisson pêché par les pêcheurs dans la zone et ses environs de la baie de Marseille et alentours ? Poisson ensuite vendu sur le marché de la poissonnerie, notamment local ?

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  10. Tresorier Tresorier

    Comme souvent en France, on fait des revolution (360 degres….) pour que rien ne change…..

    On a fait un Parc Naturel National et on laisserait faire ces pollutions ????

    Incoherent.

    Pour le grand collecteur, il faut de meme accroitre les performances de Geolide et ses capacites de retention.

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  11. Arenc Arenc

    Une précipitation concentrée chimiqe -arsenic et soude etc… Qui n’aurait pas d’impact !!!
    Sinistre plaisanterie pour la génération future.
    Comité d’apprentis sorciers !!!
    2 poids 2 mesures il ne faut pas laisser passer ça !!!

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  12. Arenc Arenc

    Bravo à Julien Vinzent pour son article qui a le mérite clair et informatif, il nous faut beaucoup de journalistes et de journaux de cette trempe.
    Continuez les infos de cette nature que beaucoup de vos confrères zapent !!!

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  13. Citoyen de L'estaque Citoyen de L'estaque

    Alors qu’il n’hésitait pas, dans un passé récent,à tirer « à boulets rouges » sur tous les acteurs abordant la problématique des rejets en mer, hautement sensible pour le devenir de la méditerranée, FM Lambert (député EELV de Gardanne), fait montre d’un silence assourdissant pour cet enjeu européen ! Aurait-il à craindre des risques politiques induits ? Les controverses, très acides sur ce sujet, ne semblent apparemment plus l’intéresser…Il se trouve pourtant du côté amont de la canalisation des boues rouges, devant les vannes « circulaires »! Serait-il pusillanime comme les autres ? A suivre….

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  14. Anonyme Anonyme

    J’ai l’impression que c’est querelles d’experts contre avis individuels plus ou moins bien informés.
    D’un côté, un industriel qui fait vivre depuis plus de 120 ans de très nombreuses familles (plus de 700 emplois directs) qui affirme (démonstrations d’experts à l’appui) la faible toxicité de ses rejets. De l’autre côté, des écologistes, des gens “concernés” qui affirment (démonstration d’experts à l’appui) le fait inacceptable de maintenir ces rejets (et donc cette activité industrielle créatrice d’emploi et de “PIB” français).
    L’industriel semble faire des investissements pour réduire son empreinte environnementale. Est-ce suffisant? Sans doute pas, mais est-ce que dans l’esprit individuel cela pourrait être suffisant un jour? Car aucune industrie n’est neutre pour l’environnement, malgré ses progrès et ses efforts.
    C’est en effet un choix de société. Veut on encore avoir une industrie en France, contrôlée par les instances gouvernemantales françaises, avec les emplois en France ou veut on délocaliser cette industrie dans des pays moins regardant sur l’écologie en transférant vers d’autres cieux les emplois (et la pollution)et en réimportant (tant que nous en avons les moyens) les produits manufacturés?
    C’est sans doute un langage déjà entendu. Aucun choix n’est le bon, il y a toujours un compromis. Et donc il y aura toujours des mécontents, des incompréhensions. C’est cela de vivre dans le plus beau pays du Monde: la France !

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  15. ART TATUM ART TATUM

    Y a qu’a jeter les boues dans le bunker que des voyous voulaient transformer en boîte de nuit, sur la route des Goudes (dernières nouvelles sur cette affaire dans la Provence d’hier).

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  16. Anonyme Anonyme

    Moi j interdirais le Président du parc d utiliser au quotidien de l aluminium et tous les autres gueulards (qui manifestent en baskets fabriquées en Asie, loin de chez eux, par des esclaves de femmes et d’enfants et de usines qui ne respectent pas l environnement).

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  17. Jeanjaures Jeanjaures

    Il faut obliger alteo a utiliser le procedé Orbite qui permet de recycler 100% des boues rouges et de recuperer toutes les matieres…alumine, scandium, galium et autres terres et metaux rares..la techno fonctionne. Orbite societé canadienne

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  18. Citoyen de L'estaque Citoyen de L'estaque

    Voilà un député d’une circonscription,où existent encore des industries stratégiques qui faut absolument pérenniser, élu par défaut en 2012, mais qui ayant gouté aux facilités offertes par les ors de la députation, se perd désormais en conjecture et en oublie même ses convictions,comme de nombreux élus hélas…
    Son action au quotidien est aujourd’hui transparente ! Sa seule empreinte écologique est virtuelle. Il ne sait que thématiser la problématique, le verbe est sa seule matière…

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  19. Anonyme Anonyme

    J adore ce que l on peut trouver à la lecture de l article du monde sur le sujet:

    Un propriétaire de terrain,qui crie au scandale car il subit les nuisances de l usine qui est arrivée il y a 112 ans à Gardanne et lui il n y a que 50 ans,si çà se trouve il a peut être sous payé ce terrain pour cause de voisinage poussiéreux.
    Et la Dreal qui donne son accord pour la poursuite des rejets ,cet avis n est que technique et sûrement intelligent, il devra se heurter au dogmatisme des Kermers verts et servira de porte de sortie pour le président du parc qui est sauvé écologiquement parlant.
    On nous prend pour des idiots de tous les côtés.

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  20. JL41 JL41

    Les pétitions, ça ne mange pas de pain, elles sont inutiles le plus souvent. François-Michel Lambert critique la pétition lancée par sa collègue en écologie, Michèle Rivasi, contre le rejet des boues rouges en Méditerranée : http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/09/08/25002-20140908ARTFIG00121-un-depute-vert-denonce-les-ecolos-bobos-de-son-parti.php
    « Il considère que Michèle Rivasi, eurodéputée EELV, à l’origine d’une pétition contre le rejet de «boue rouge» par l’usine d’alumine Altéo, à Gardanne, «s’autorise à mettre le feu dans un territoire où elle ne vient jamais et où elle ne connaît aucun sujet.»

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