Voyage en Alcazarie : premiers pas

Billet de blog
le 14 Oct 2017
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Image : Ben8
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José Rose est sociologue et écrivain. C’est aussi un usager de l’Alcazar. Des mois durant, il s’est rendu dans la grande bibliothèque de Belsunce comme on se rend dans un pays lointain soudain si familier. Cette exploration est devenue un livre qui vient de paraître. Sur l’Agora de Marsactu, il publie en feuilleton des premiers épisodes de ce voyage.

11 h moins le quart. Quinze personnes attendent déjà devant les portes closes. Parmi elles, trois routards avec d’énormes sacs à dos et deux hommes assis par terre, épaules basses, bâillant profondément. À moins dix, nous sommes une trentaine dont deux mamans avec des poussettes, quelques fumeurs, des livres sous les bras ou dans des sacs improbables et des odeurs incertaines. À moins cinq, l’attroupement atteint la cinquantaine dont une maman avec trois enfants en bas âge, l’un sur le ventre, l’autre dans la poussette, le troisième s’y accrochant.

Je repère aussi deux cannes, des téléphones portables et des journaux gratuits. Petit mouvement de foule vers l’entrée. Il est moins une. La porte s’ouvre et je décompte 107 entrants. Qui l’eut cru ? Mais aucun poisson d’avril dans le dos des impatients, pas même une sardine remontant du vieux port : décidément, les traditions et les clichés se perdent. Pas non plus d’affichette du genre “La bibliothèque est exceptionnellement fermée ce jour pour éradication de tous les rats de bibliothèque ou d’ailleurs”. Un simple jour comme les autres.

Mais un jour singulier pour moi puisque je vais faire mes premiers pas dans ce lieu qui va m’accueillir durant tout le printemps. Il y a dans ce premier pas de l’inédit, de l’hésitation, de l’exaltation même. Passer à l’acte, franchir le Rubicon. Entrer enfin en Alcazarie !

Les portes de verre s’entrouvrent. Les agents de contrôle ont des allures de douaniers à l’ancienne avec chemise blanche, cravate rouge, pull bleu sombre à col en V, pantalon noir cintré, estampille Sécurité GIS (Gardiens de l’Immense Savoir ?) et teint méridional. Ils contrôlent les sacs comme on vérifie les identités entre deux pays voisins et amis. J’ouvre le mien, ferme mon téléphone portable et souris. “Allez-y !” Nul besoin de visa pour entrer en Alcazarie, pas de bakchich non plus ni de vaccins. Ici, c’est la libre circulation des personnes et des biens. Et les livres sont les seuls capitaux qui valent dans cet espace protégé.

Ça y est ! La frontière est franchie. Je suis prêt à me lancer dans l’aventure du coin de la rue. Les sens sont aux aguets, la vue et l’ouïe surtout, l’odorat un peu, le toucher sans doute, le goût pourquoi pas. Les livres, on les dévore aussi.

Aujourd’hui 1er avril, le monde des livres et des lecteurs s’ouvre à moi. Je vais me laisser prendre, me laisser surprendre, je vais entendre, apprendre, peut-être même désapprendre, et comprendre aussi, m’éprendre éventuellement. “Même le plus long voyage commence par un premier pas”, dit un adage chinois.

Ce premier épisode du Voyage en Alcazarie est tiré de l’ouvrage Scènes de vie en bibliothèque -Voyage en Alcazarie, paru aux éditions de l’Harmattan et disponible en librairie et sur le site des éditions.

 © Editions l’Harmattan.

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