Jeux, émoi

Une journée, au travers de lunettes noires

Billet de blog
le 16 Août 2016
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A Rio, des Français ont été victimes de l’arbitrage, certes, mais surtout de l’application des règlements. D’autres voient la vie en noir, parce qu’ils n’ont pas eu de réussite, tout simplement.

Une journée, au travers de lunettes noires
Une journée, au travers de lunettes noires

Une journée, au travers de lunettes noires

Il y a des jours comme ça. Même aux JO, lors du rendez-vous d’une vie, pour les compétiteurs.

Aurélie Muller et son entourage crient au scandale, après la disqualification de la nageuse en eau libre, au terme du 10 km, pour avoir gêné sa rivale italienne Rachele Bruni lors de leur lutte pour la 2e place. Les images le laissent pourtant aucun doute et le règlement devait s’appliquer. A la bagarre, quelles que soient ses raisons, elle a préféré prendre un risque pour gagner l'argent plutôt que de se contenter de la médaille de bronze.

Ensuite, cela a tourné à la ritournelle habituelle. Les Français ont porté réclamation, expliquant que l’aire d’arrivée était mal conçue, ou qu’il s’agissait d’une basse manœuvre pour favoriser l’Italie au classement des médailles et accorder le bronze à une Brésilienne grâce à l’élimination de leur concurrente.Mais en eau libre, on n'est pas libre comme l'air de faire ce que l'on veut.

Les Français agacent tout le monde, en multipliant ce genre d’attitudes et cela leur colle une image désagréable auprès des institutions sportives et du public. A l’heure de présenter sa candidature pour les Jeux 2024, ce n’est pas le choix le plus judicieux pour ceux qui sont réputés vouloir montrer l’exemple à tout le monde.

L’attitude de Renaud Lavillenie est du même acabit. C’est un athlète exceptionnel, mais il a des progrès à faire pour devenir un champion admirable. Il s’était persuadé de n’avoir pas de concurrents sérieux sur le papier, et il s’est employé à jouer au caïd pendant tout le concours de saut à la perche. En face de lui, Thiago Braz Da Silva, un jeune Brésilien de 22 ans, inexpérimenté mais formidablement doué  et remarquablement conseillé, lui a brûlé la politesse avec l’appui bruyant des Cariocas au terme d’un concours haletant.

Lavillenie s’est plaint du traitement du public, certes assez gênant, lui reprochant en gros d’être composé de hooligans et non d’amoureux de l’athlétisme. S’il cherche à rester le leader mondial de la perche à l’avenir, il devrait au contraire se féliciter de voir que sa discipline a attiré le regard du monde entier et qu’elle s’est enfin ouverte aux pays en développement quand elle restait confinée jusqu’ici à un petit milieu de quelques centaines de spécialistes et aux supporters désireux de conserver chez les Français leur petit réservoir de médailles.

Renaud a mal conduit son concours sur la fin, au contraire de Da Silva, dirigé par Vitaly Petrov qui a entraîné Sergueï Boubka et Elena Isinbaïeva, rien que cela. Lorsqu’il a passé 5,98 m au premier essai, Lavillenie dominait le concours et il a cru pouvoir plier les gaules. Mais le Brésilien a choisi de faire l’impasse sur cette hauteur et a conservé ses trois essais pour la barre suivante à 6,03m.

Le champion olympique en titre est tombé dans le piège.

Il aurait dû faire lui aussi une impasse, à 6,03 m, et laisser son jeune adversaire récupérer la pression tout seul, en le mettant au défi, style « Vas-y mon gars, passes si tu peux. Moi, je t’attends plus haut… ». Ce qui aurait été un signe de confiance en acier, et une menace validée par le passé respectif des deux athlètes.

Mais il s’est agacé, a voulu mettre les choses tout de suite au point, et c’est lui qui se l’est prise la pression, en pleine figure, sous les huées du public. Il a manqué deux essais à 6,03 m, après un changement de perche qui ne semblait pas opportun tant ses sauts précédents avaient été superbes. Da Silva, galvanisé, a passé son deuxième essai à 6,03 m, exploitant son gabarit et sa hargne pour plier une autre perche plus dure et se propulser au sommet. Il a ainsi amélioré son record personnel de 10 cm, le jour J, au moment précis où il en avait besoin. Lavillenie a gardé son dernier essai pour la hauteur suivante, 6,08 m. Mais sonné, il avait déjà compris. Il a échoué, la rage au cœur, sous la bronca qui lui a fait perdre toute sa superbe. Lavillenie devra aussi gérer à l’avenir les effets de ce concours sur les ambitions de ses concurrents, qui ne le trouveront plus si intouchable que cela. Et la concurrence des nouveaux venus, alléchés par la perspective d’imiter la réussite inattendue de Da Silva.

Il reste tout de même à féliciter Lavillenie, un champion olympique qui obtient quand même quatre ans après la 2e place d’un concours extraordinaire, dont on gardera la mémoire pour toujours. Comme l’avènement de Sergueï Boubka en 1984, quand il avait pris la tête de la discipline en en chassant le Français Thierry Vigneron après une lutte titanesque à coups de records du monde. Lavillenie a déjà mieux réussi aux Jeux que le "tsar", et ce n'est pas rien.

Pierre-Ambroise Bosse, sur 800 m, peut aussi se plaindre d’une journée noire. Il a magnifiquement couru, mais il n’a que 24 ans et n’avait pas encore assez de résistance foncière pour surmonter les à-coups d’une course ébranlée par une succession de coups de boutoir, sur un rythme très élevé. Il termine 4e, mais a prouvé un potentiel qui lui ouvre les plus beaux espoirs dans les années à venir.

Autre victime du sort : Allyson Felix, sur 400 m. La star américaine était favorite, déjà championne olympique par le passé sur 200m, et en relais sur 100 m et 400m. Elle croyait avoir enfin dépassé avant le fil la Bahaméenne Shaunae Miller, partie en missile à l’extérieur comme Van Niekerk chez les hommes. Mais Felix, peu heureuse, a vu sa rivale lui arracher la médaille d’or grâce à un ultime plongeon sur la ligne, digne de Michael Phelps. La piste était encore un peu mouillée, mais tout de même…

En boxe, deux Français n’ont pas connu non plus de réussite. Elie Konki et Christian M’Billy ne ramèneront pas de médaille pour les poids mouche et les moyens. Et malgré leur mérite, cela fait curieusement tâche, tant les résultats de leurs coéquipiers sont brillants. Souleymane Cissokho, en welters, devra se contenter du bronze car il était mené de peu aux points quand son adversaire kazakh s’est retrouvé coupé au front et contraint d’arrêter le combat. Ce sont les règlements de la boxe chez les amateurs. Estelle Mossely continue son chemin et est déjà assurée d’une médaille, en poids légers.

D’autres athlètes tricolores ont vu un voile noir tomber sur leurs illusions : Wilhem Belocian, qui impressionnait tant à l’entrainement, a commis un faux-départ en série du 110 m haies. Pour punir son impulsivité, il devra maintenant patienter pendant quatre ans. La délicieuse Pauline Pousse, au disque, a été perturbée par les problèmes d’organisation que les Brésiliens ont imposés aux concurrents, comme si la pluie n’était jamais tombée à Rio en hiver. Mélina Robert-Michon, qui en a vu d’autres, a pour sa part réussi un seul jet pour se qualifier et est repartie se coucher en maugréant. Elle ne dispose que d’une courte nuit entre les qualifs et la finale. Tout comme les concurrents du 100 m, qui n’avaient qu’une heure et demie pour se préparer à la course décisive. On ne câline pas les athlètes à Rio. Et pourtant ils sont captivants quand ils s'expriment, puisqu'on dispose d'assez de temps pour les écouter pendant les Jeux..

Le team Yavbou rentre à la maison. Les volleyeurs français n’ont su se montrer à la hauteur de leurs grandes prétentions et ont subi une troisième défaite éliminatoire, face au Brésil, il est vrai, qui n’est pas une équipe de pimpins et qui a maravé grave les Bleus (les Eulbs, en verlan ?) dans une ambiance assourdissante. Il reste le basket et le hand pour porter les espoirs des Français. Les volleyeurs reviendront aux Jeux, on l’espère, mais ils devront y changer d’attitude.

Les épreuves de Rio sont absolument magiques, mais, pendant les rares temps morts, on a aussi de quoi bavasser !

 

VIGNETTES

# La Hongrie est en demi-finale du tournoi féminin de water-polo. On n’espère qu’elles n’auront pas besoin de rééditer le fameux « bain de sang », comme chez les hommes à Melbourne (1956) quand les Hongrois avaient coulé l’équipe d’URSS, dont l’armée venait d’envahir leur pays, et obtenu la médaille d’or.  

# Le Cubain Mijain Lopez, idole de son pays et porte-drapeau de sa délégation, a obtenu son troisième titre consécutif en lutte gréco-romaine, chez les 130 kg. Il égale ainsi la performance du mythique Russe Alexandre Karéline. Celui-ci avait échoué à l’issue de sa 4e finale. Lopez parviendra-t-il à faire mieux à Tokyo ?

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