REPENSER LE CENTRE DE MARSEILLE

Billet de blog
le 8 Avr 2017
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Marsactu a fait état, récemment, des débats, des concertations, des échanges, qui se déroulent autour des divers projets de réhabilitation et de recomposition du centre de Marseille – que je persiste à ne pas vouloir appeler « centre-ville », car, s’il s’agit d’un centre, ce ne peut être que du centre d’une ville qu’il s’agit. C’est pourquoi je me propose, ici, d’identifier les quatre champs qu’il faudrait, me semble-t-il, approfondir pour mieux penser le centre de Marseille.

Qu’est-ce que le centre d’une ville ?

C’est la question qu’il faudrait commencer, je crois, par se poser, mais sur laquelle personne ne semble s’être réellement interrogé : qu’est-ce que le centre d’une ville – au-delà, bien sûr, de la dimension strictement géométrique de cette notion ? Il me semble que le centre d’une ville est, d’abord, le lieu où la ville se retrouve, se rencontre, au cours d’échanges, de pratiques de communication, au cours de débats d’idées et d’opinions, mais aussi c’est le lieu dans lequel se mettent en œuvre les fonctions qui définissent l’urbanité : le commerce, les transports, la vie politique, la vie économique et financière. Le centre, c’est le lieu dans lequel, finalement, la ville retrouve sa propre identité et l’exprime. Par ailleurs, le centre de la ville, c’est le lieu dans lequel la ville engage ses relations avec les autres villes avec lesquelles elle est en relation – surtout quand il s’agit d’une ville qui, comme Marseille, a une tradition et une culture d’échanges, de commerce et de navigation. De plus, le centre est le lieu qui exprime l’identité de la ville. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le centre, à Marseille, a longtemps été limité au bas de la Canebière et au Vieux-Port, parce que c’est là que l’on peut identifier la culture urbaine de Marseille. Enfin, le centre est le lieu de la ville qui est le plus chargé de son histoire, le lieu qui exprime sa mémoire, qui articule le temps court de la vie urbaine et le temps long de la mémoire de la ville. C’est aussi pourquoi le Vieux-Port est un centre pour Marseille : c’est là, comme nous le rappelle une plaque figurant dans le sol, que les marchands et les marins qui ont fondé Phocée qui allait devenir Marseille ont abordé le littoral vers 600 avant J.-C.

Géographie du centre

Au-delà de la dimension historique qui permet de comprendre ce qu’est un centre, la centralité d’une ville a un aspect géographique : le centre est le lieu dans lequel convergent les différents réseaux qui fondent la ville et structurent la vie urbaine. À cet égard, le Vieux-Port est un peu un centre géographique, car c’est là que se retrouvent les lignes d’autobus, c’est là que se croisent les chemins de ceux qui parcourent la ville, c’est à partir de là, enfin, que l’on peut se rendre dans tous les lieux de la ville. Mais c’est justement, d’abord, là que les choses se compliquent à Marseille. Je ne suis pas sûr qu’il existe réellement un lieu dans lequel se manifeste la dimension géographique du centre – à la fois parce que les transports, à Marseille ne sont pas organisés en un réseau assez réfléchi, et parce que la circulation automobile finit par véritablement polluer le centre tellement elle est lourde, pesante, chargée. Pour rendre un centre géographique à Marseille, sans doute faudrait-il commencer – comme cela a été fait dans de nombreuses autres grandes villes – par le piétonniser, par permettre aux habitants de Marseille et à ceux qui la visitent de pleinement s’approprier le centre en pouvant le parcourir à pied et en pouvant, ainsi, pleinement, le regarder pour mieux le comprendre et pour y retrouver pleinement l’identité de la ville.

Esthétique de la centralité

Mais un centre, c’est aussi une esthétique. Pour pouvoir pleinement vivre le centre, il faut pouvoir l’admirer, il faut pouvoir prendre à le regarder un plaisir qui soit autant le plaisir des yeux que celui du déplacement. Or, une fois de plus, l’irrationalité des déplacements, des flux de parcours, des parcours et des itinéraires, conduit à polluer l’esthétique de la centralité urbaine au point que Marseille finit par ne plus avoir de centre esthétique. Toute une politique devrait être engagé pour une véritable patrimonialisation du centre, politique faite à la fois de l’entretien des façades, de la conservation des monuments et des maisons – mais aussi d’une réelle régulation de l’urbanisme du centre de façon à éviter qu’il ne soit pollué par des aberrations architecturales.

Politique du centre

C’est, enfin, la politique qui définit un centre, car le centre de la ville, ce que les Grecs appelaient l’agora et les Romains le forum : le centre de la ville, c’est le lieu où les débats ont lieu, où les confrontations de manifestent, où les engagements politiques s’expriment en défilant et en se donnant à voir et à entendre. C’est ainsi sur la Canebière qu’aura lieu, demain, dimanche 9 avril, une rencontre organisée autour de J.-L. Mélenchon dans le cadre de la campagne de l’élection présidentielle de 2017, venant, ainsi, rendre à la Canebière le rôle de centre qu’elle a parfois tendance à méconnaître tellement elle est infestée de voitures particulières trop nombreuses, de vitrines mal aménagées, de constructions édifiées n’importe comment. Une véritable politique du centre consiste, ainsi, à faire retrouver à ceux qui vivent dans la ville les contacts et les échanges les uns avec les autres, mais aussi à leur faire retrouver une vie sociale sans exclusions, sans ghettoïsation, sans ségrégation. Or sans doute est-ce là le danger qui guette le centre de Marseille : celui de devenir un ghetto, ce qui signifierait à la fois la domination du centre par des logiques de ségrégation et de ce qu’ailleurs, on appelle apartheid, et la disparition de la centralité et de l’identité urbaine.

 

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